Réautorisation de l’acétamipride : la fabrique de la peur n’a pas de plomb dans l’aile
Aurélie Haroche| 11 Juillet 2025
« Si Dieu n’avait pas souhaité la répétition, le monde n’aurait jamais été créé », avançait le philosophe Soren Kierkegaard. Il en est sans doute de même de la presse en général et des emballements médiatiques en particulier. Que nos lecteurs nous excusent cette confession, peut-être empreinte de la lassitude qui parfois précède les vacances estivales, mais nous sommes parfois étreints du sentiment de réécrire sans cesse le même article. Bien sûr, le nom des substances diffèrent, les protagonistes peuvent parfois (pas toujours) s’interchanger, mais le fil est fidèle à lui-même.
Tous les néonicotinoïdes ne se valent pas
Voyons un peu celui du jour : la ré-autorisation par l’Assemblée nationale, à la faveur de l’examen de la proposition de loi portée par le sénateur Laurent Duplomb (LR) de l’acétamipride. L’acétamipride, difficile de l’ignorer, est un insecticide de la famille des néonicotinoïdes (NNi). L’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) nous rappelle que les néonicotinoïdes sont « des substances dites systémiques, c’est-à-dire qu’elles se diffusent dans toute la plante pour la protéger des ravageurs. Elles peuvent être utilisées en granulés, en traitements de semences ou en pulvérisation. En agriculture, cinq substances sont répertoriées dans la famille des néonicotinoïdes : la clothianidine, l’imidaclopride, le thiaméthoxame, l’acétamipride et le thiaclopride ». Puissants neurotoxiques, les néonicotinoïdes représentent un danger certain pour les pollinisateurs. Aussi, l’interdiction de la plupart d’entre eux a été décidée par l’Union européenne. L’acétamipride fait exception : elle reste homologuée par l’Agence sanitaire européenne (EFSA) jusqu’au moins 2033. En effet, les travaux reconnus par la plupart des agences sanitaires permettent de conclure que la toxicité de cette substance sur les abeilles est bien plus faible, tandis que sa persistance dans l’environnement est beaucoup plus courte (avec une demi-vie souvent inférieure à huit jours, contre plusieurs centaines de jours pour les autres néonicotinoïdes).
Concurrence déloyale
La France a choisi cependant une position plus stricte que l’Union européenne et a banni l’ensemble des néonicotinoïdes, y compris l’acétamipride (pourtant utilisée jusque dans les produits vétérinaires destinés aux animaux domestiques, souvent exclus des études de toxicité).
Ce choix a placé certains de nos agricultures, notamment les cultivateurs de betterave et de noisette, dans une position de concurrence quasiment impossible à soutenir. Dès lors, depuis plusieurs années, une grande partie de leurs représentants milite pour que la France revienne sur sa position : la loi Duplomb est une réponse à ces revendications.
Une peste française ?
Sur de multiples sujets qui peuvent être qualifiés schématiquement et rapidement « d’écologistes », la France semble, depuis quelques décennies, vouloir jouer les parangons de vertu, optant pour des mesures plus drastiques que la grande majorité de ses voisins (et se prenant parfois les pieds dans le nucléaire mais c’est une autre affaire). C’est par exemple le cas concernant les OGM et ça l’est aussi pour les pesticides, quitte à sacrifier des filières qui faisaient jadis la fierté de l’industrie française. Comment expliquer cette spécificité française ? Est-ce une volonté d’éviter que des scandales sanitaires cuisants ne se répètent, comme le retard caractéristique d’interdiction de l’amiante ou du chlordécone ? D’autres y voient plutôt la marque du désir si français de vouloir se démarquer du reste du monde, d’avoir raison avant tous les autres et en dépit de tous les autres. Les analystes suggèrent encore d’autres grilles de lecture (qui cependant ne sont peut-être pas forcément spécifiquement françaises) : un défaut clair de culture scientifique chez les représentants politiques (voir un certain mépris) et un dédain vis-à-vis des agriculteurs.
Du sang sur les mains
Ce qui est certain, c’est que la peur, reste encore et toujours (répétition quand tu nous tiens) l’instrument numéro un pour nourrir des discours politiques, qui ne peuvent être soutenus par les faits et la science. Bien sûr, politiquement, un pays ou un groupe politique peut légitimement défendre une application stricte du principe de précaution, car des doutes sont toujours possibles, face à des substances par définition toxiques. Il s’agit alors de parvenir à expliquer qu’en dépit de la faiblesse des preuves et même des risques, on préfère utiliser d’autres voies, potentiellement moins efficaces ou plus coûteuses. Des arguments scientifiques existent certainement. « Dans un cas emblématique, une étude française a estimé qu’une augmentation de 2kg de pesticides par hectare correspondrait à un risque relatif de cancer du pancréas de 1,01 — soit une augmentation de 1%, très faible », citait par exemple récemment dans une interview l’oncologue Jérôme Barrière (cependant préoccupé par la politisation du cancer, nous y reviendrons). Une telle approche peut avoir un écho électoral certain, à une époque où les risques sont de moins en moins tolérés. Cependant, ce n’est pas une telle philosophie qui est développée, ce n’est pas une présentation documentée et sincère des enjeux en présence. Non, c’est bel et bien celle de la peur. L’adoption de la loi Duplomb a ainsi été accompagnée d’un déferlement de messages, notamment sur les réseaux sociaux, condamnant violement ceux qui ont décidé de la réintroduction de l’ acétamipride. « Vous avez du sang sur les mains » peut-on lire sous la plume d’un élu, quand d’autres renchérissent sur les « milliers de cancers pédiatriques » qui ne manqueront pas d’être la conséquence du retour de ce produit. Sur les mêmes réseaux, des influenceurs très célèbres, postent des messages vidéo, la gorge serrée, implorant les parlementaires au sursaut, au nom de la survie des enfants. Difficile de rester insensible face à de tels appels. Et d’ailleurs (et comment ne pas comprendre leurs craintes face à ces messages terrorisants) par dizaine de milliers, des mères, des pères, reprennent sur leur propre compte, ces messages affolés et ne peuvent que se demander si nos représentants politiques, consciemment ou inconsciemment, n’ont pas effectivement décidé d’empoisonner la prunelle de nos yeux. Qui sait. nullnull
L’ignorance, l’opium du populiste
Personne bien sûr ne sait. Et c’est sur cette ignorance que les cassandres peuvent jouer aisément. « La peur se nourrit de l’ignorance » rappelait Roger Genet qui fut directeur de l’ANSES pendant plus de six ans à la journalistes Géraldine Woessner, qui le cite dans son livre Les Illusionnistes. L’absence de preuve n’est pas une preuve : le refrain est connu. De fait, des zones d’ombre existent, comme celles concernant les effets à longs termes ou les expositions croisées. D’ailleurs, n’y a-t-il pas des scientifiques (souvent isolés) qui soutiennent l’extrême nocivité de ces substances (ou dont les propos sont habilement réorientés). Ou des travaux chez l’animal qui suggèrent une possible augmentation d’un risque de cancer du sein ? Ou encore un papier publié dans la revue (parfois controversée) Environmental Health qui signale la « présence de plusieurs néonicotinoïdes dans le liquide céphalo-rachidien, le plasma et l’urine des enfants ». La justice (en l’absence de toute preuve scientifique) n’a-t-elle pas reconnu le lien entre la mort d’une petite fille et les plantes, dont sa mère fleuriste, s’occupait ? Parallèlement à cette incertitude constitutionnelle, alimentée par des bribes de données si faiblement consolidées, il y a l’autre part d’ombre : pourquoi certains enfants souffrent de cancer, pourquoi retrouve-t-on parfois des « clusters », pourquoi globalement le nombre de cancer semble augmenter (même si le vieillissement et la progression de la population, ainsi que l’augmentation de l’obésité et de la sédentarité et parallèlement du dépistage ne doivent pas être oubliés comme facteurs déterminants) ? Entre les deux, le lien est facilement établi et salvateur. Rien de pire que de ne pas pouvoir mettre un nom sur cette injustice terrible qui voit un enfant emporté par un cancer. Identifier le mal est forcément salutaire et on ne peut que se féliciter que des politiques courageux osent le faire en défiant le grand capital et le puissant lobby de l’agriculture. Pas question bien sûr de dire seulement « on ne sait pas, alors dans le doute abstenons-nous ». Ce serait s’exposer à tant de discussions. Il faut dire : « Vous avez du sang sur les mains ». La fin (apparaître comme des sauveurs) justifie les moyens.
Pas d’effet nocif pour la santé humaine, selon l’ANSES
Mais peut-être que les élus qui semblent prêts à empoisonner nos enfants pour les voix de quelques cultivateurs de betterave ont peut-être tout simplement lu les conclusions de l’ANSES. « Entre 2016 et 2017, l’Anses a également réalisé une expertise (PDF)approfondie sur les effets sur la santé humaine de six substances néonicotinoïdes autorisées dans les produits phytopharmaceutiques, biocides et médicaments vétérinaires (acétamipride, clothianidine, imidaclopride, thiaclopride, thiaméthoxame et dinotéfurane). Ses travaux ne mettent pas en évidence d’effet nocif pour la santé humaine, dans le respect des conditions d’emploi fixées dans les autorisations de mise sur le marché » résume l’agence. Peut-être ont-ils lu les rapports de la plupart des autres agences sanitaires internationales qui concluent dans le même sens.
Des discours malveillants et qui déforment les faits
Concernant la généralisation affolante des pesticides, peut-être ont-ils eu connaissance de ces analyses qui signalent que la part des substances actives les plus dangereuses, classées CMR a diminué de moitié de 33 à 15 % entre 2009 et 2022. Sur l’explosion des cancers chez les enfants, il n’est pas impossible qu’ils aient entendu parler de cette interview réalisée par Géraldine Woessner du Pr Virginie Gandemer, présidente de la Société française de lutte contre les cancers et les leucémies de l’enfant et de l’adolescent, qui dans le Point s’irritait : « Il faut bien comprendre que les cancers de l’enfant n’ont rien à voir avec les cancers de l’adulte. À tous les niveaux : ils n’ont pas la même épidémiologie, pas la même physiopathologie, leurs causes sont différentes, comme leur prise en charge et leurs traitements. Cette façon de parler des cancers, et d’y inclure les cancers de l’enfant pour faire plus de buzz et provoquer l’émotion est insupportable. Non seulement parce que c’est méconnaître la spécificité de ces cancers, mais aussi parce que c’est malveillant pour les parents. Il n’y a rien de plus terrible que d’avoir un enfant atteint d’un cancer, ils portent souvent une culpabilité majeure, que nous essayons justement de faire disparaître, parce qu’ils n’ont rien fait de mal ! Laisser croire que leur cadre de vie serait directement en cause, et qu’il y aurait une sorte de complot national pour dissimuler la nocivité de produits connus présents dans l’environnement et responsables du cancer de leur enfant, est non seulement faux mais cruel » dénonçait-t-elle avant de rappeler qu’il « n’y a pas du tout d’explosion du nombre des cancers de l’enfant ! Sur les vingt dernières années, on note une légère hausse, qu’on sait expliquer : certaines pathologies sont mieux diagnostiquées, et d’autres se sont vues rattachées aux cancers, comme certaines tumeurs cérébrales qui étaient auparavant classifiées comme des anomalies non tumorales. En réalité, l’incidence des cancers pédiatriques est très surveillée et globalement stable ». Et s’ils se sont penchés sur les cancers en général, les élus empoisonneurs auront préféré lire le Dr Jérôme Barrière que les tribunes de Médecins du monde ou l’influenceur Hugo Clément. L’oncologue relevait dans une interview à Nice Matin (déjà citée plus haut) il y a quelques semaines : « Des chiffres sont souvent mis en avant, sans contexte, sans nuance. Par exemple : on entend que les cancers du pancréas ont « triplé », ou que les cancers chez les jeunes ont « doublé ». Mais ces affirmations ignorent des facteurs démographiques essentiels comme le vieillissement ou l’augmentation de la population. Si une population double en 30 ans, le nombre brut de cancers double aussi, sans qu’il y ait forcément une explosion du risque individuel. Le bon indicateur, c’est le taux d’incidence ajusté pour 100.000 habitants — rarement cité ».
Danger démocratique ou répétition systématique ?
Le Professeur Virginie Gandemer, comme le Dr Jérôme Barrière s’irritent et s’inquiètent de cette manipulation de l’émotion, de cette politisation du cancer. Le populisme et l’idéologie sont très certainement à l’œuvre dans cette entreprise de désinformation. Concernant spécifiquement la loi Duplomb, d’autres s’émeuvent également, comme le scientifique Guillaume Limousin, très investi dans la transmission de l’information scientifique qui observe : « C’est une déferlante de tweets de désinformation par de nombreux députés après l’autorisation d’un néonicotinoïde. Débattre de l’opportunité de son utilisation : OK. Mais l’instrumentalisation des cancers des enfants à des fins électoralistes, ça c’est impardonnable ». Pour Géraldine Woessner, qui a consacré de multiples articles et ouvrages à ces sujets (dont l’excellent Les Illusionnistes, avec son confrère Erwan Seznec) le niveau de désinformation atteint est tel que l’heure est grave. « Il y a des jours où la lutte déontologique pour une information juste et sourcée vous semble totalement perdue. Des jours où l’on comprend que, la plupart des médias, ayant cédé face à la violence, la démocratie n’est plus assurée. Ce 8 juillet est un de ces jours. Il y en a eu beaucoup depuis deux ans. Mais là… Ce 8 juillet, des médias publics ont affirmé que le gouvernement « empoisonnait » le peuple. Ce 8 juillet, des médias publics ont soutenu que les élus de la République étaient corrompus. Ce 8 juillet, élus et médias ont accusé la représentation nationale d’avoir sciemment planifié l’assassinat de milliers d’enfants, en votant une loi, réautorisant l’acétamipride, utilisé partout dans le monde », dénonce-t-elle. Rarement en effet, les messages n’avaient autant attisé la défiance vis-à-vis de la classe politique ou encore porté aussi clairement un message hostile vis-à-vis du progrès et des instances de régulation. Mais, on l’a dit cette séquence n’est qu’une répétition de tant d’autres, aussi a-t-on le droit d’en avoir peur ou faut-il ne la considérer que comme l’écho d’un spectacle désarmant, désespérant mais sans surprise ?
Commentaire Dr Jean SCHEFFER
Je suis stupéfait devant cet article du JIM qui n’est qu’une reprise des arguments de la FNSEA et de l’agro-industrie qui font tout pour faire croire au grand public à l’innocuité des pesticides néonicotinoïdes et en particulier l’acétamipride.
Ci dessous quelques articles dénonçant l’action de ce pesticide sur notre biodiversité et très certainement sur la santé humaine.
Les articles récents sur l’acétamipride:
L’ACÉTAMIPRIDE, L’INSECTICIDE QUI PEUT “INFECTER LE FŒTUS HUMAIN”, VIENT D’ÊTRE RÉAUTORISÉ EN FRANCE APRÈS SEPT ANS D’INTERDICTION
PUBLIÉ LE 09 JUIL 2025 À 11H00 https://www.science-et-vie.com/nature-et-environnement/agriculture/lacetamipride-linsecticide-qui-peut-infecter-le-foetus-humain-vient-detre-reautorise-en-france-apres-sept-ans-dinterdiction-204352.html
La loi portée par le sénateur Laurent Duplomb (LR) a été adoptée ce mardi 8 juillet 2025.
Pour venir en aide et faciliter “l’exercice du métier d’agriculteur”, le Parlement a adopté, à 316 voix contre 223 voix, la réintroduction d’un insecticide de la famille des néonicotinoïdes interdit depuis 2018 : l’acétamipride. Et ce, alors que ce dernier est bel et bien considéré comme toxique par plusieurs agences à plusieurs égards pour les abeilles, et les autres insectes pollinisateurs, mais aussi pour les humains, notamment chez les enfants.
Un insecticide qui peut “ infecter le fœtus humain ”
La filière agricole française, comme toutes celles du monde entier, a pour but de nourrir la population. Ainsi, même si les pesticides et les insecticides vaporisés sur les cultures lors de la pousse des aliments sont presque entièrement éliminés avant la mise en vente et la consommation, il peut y avoir des molécules persistantes qui finissent inéluctablement par se retrouver… dans notre assiette.
Mais pas seulement. En effet, plusieurs études, comme ce papier paru le 11 janvier 2022 dans la revue Environmental Health fait état de la “Présence de plusieurs néonicotinoïdes dans le liquide céphalo-rachidien, le plasma et l’urine des enfants”, l’acétamipride en fait partie.
Un fait confirmé par Philippe Grandcolas, directeur de recherche au CNRS, qui explique dans les colonnes d’Actu que “l’acétamipride est capable de passer la barrière placentaire. Autrement dit, il peut infecter des fœtus humains. D’autres travaux ont montré que l’on pouvait le retrouver dans le liquide céphalo-rachidien des enfants, ce qui veut dire qu’il est également capable de franchir les barrières qui protègent le système nerveux.”
En janvier 2025, en réponse à la proposition de loi de Laurent Duplomb, le sénateur Jean-Claude Tissot (PS) s’insurgeait.
“Cette proposition de loi met directement en danger la santé des paysans. Combien de temps encore allons-nous rendre les paysans malades de leur travail ? Réintroduire ces produits met également en jeu la santé des consommateurs via l’alimentation. À des fins de rentabilité économique, nous serions prêts à mettre en danger nos concitoyens ?” avait-il déclaré à la tribune du Sénat.
L’acétamipride, “ moins toxique pour les abeilles que les autres néonicotinoïdes ”
Au terme d’un débat qui a cristallisé les tensions, parfois au sein même du gouvernement – la ministre de la Santé et la ministre de la Transition Écologique s’étant envoyé des pics par déclarations interposées -, la Loi Duplomb a finalement été adoptée par le Parlement. Cela veut donc dire que sept ans après son interdiction d’utilisation sur le territoire français, l’acétamipride va faire son retour dans certaines cultures de l’hexagone, notamment celles de la pomme, de la noisette, de la cerise ou encore de la betterave.
Une victoire des agriculteurs et du lobbyisme agro-industriel, mais une défaite certaine pour la défense de l’environnement et la conservation des abeilles ainsi que des autres insectes pollinisateurs. Si différents sons de cloche se font entendre, quelle est la vérité derrière ça ?
Et bien, il y a ceux qui prennent le parti de dire“L’acétamipride n’est pas toxique”, c’est ce qu’affirmait Laurent Duplomb sur la chaîne Public Sénat le 28 janvier 2025 ou ceux qui expliquent que cet insecticide est “moins toxique pour les abeilles que les autres néonicotinoïdes”, un argument qui d’après l’ONG Générations Futures serait particulièrement utilisé par le camp des défenseurs de l’acétamipride. Mais que dit la science ?
Philippe Grandcolas, pour Actu, expliquait que “certes, les abeilles domestiques y sont moins sensibles que les abeilles sauvages, mais cela leur provoque des dommages neurologiques, comme des problèmes d’orientation. Si ça ne les tue pas dans un premier temps, cela a des effets sur la ruche à long terme”.
Alors oui, dans les faits, “c’est moins toxique que les autres” comme l’imidaclopride et la clothianidine qui sont des insecticides de la même famille que l’acétamipride et qui eux sont considérés comme des produits “très toxiques” pour les abeilles par l’agence SAgE québécoise (Santé Agriculture et Environnement). Mais le mieux étant l’ennemi du bien, même si l’acétamipride est moins dangereux que les autres, il reste tout de même… dangereux.
Mais les abeilles, ainsi que les autres insectes pollinisateurs, ne seraient pas les seules victimes de l’acétamipride. En effet, la réintroduction de ce produit pourrait également constituer un danger pour les oiseaux ainsi que les vers de terre, menaçant ainsi plusieurs pans de la biodiversité française.
En mai 2025, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique regrettait que l’on puisse penser à un éventuel retour de l’acétamipride en expliquant que cela fermait la porte aux possibilités d’investissement dans des alternatives sur FranceInfo.
Source : Actu / Générations Futures
Loi Duplomb : l’acétamipride, le pesticide au cœur des débats, est-il dangereux pour l’environnement et la santé ?
Pour les élus favorables au texte, du bloc central à l’extrême droite, le fait que ce pesticide néonicotinoïde soit autorisé au niveau européen suffit à garantir son innocuité. Plusieurs études récentes mettent cependant en évidence des impacts sévères sur la biodiversité et suggèrent des effets sur le cerveau humain.
Temps de Lecture 3 min.
Son nom est sans cesse revenu dans les débats qui ont précédé le renvoi en commission mixte paritaire de la proposition de loi visant à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » lundi 26 mai. L’acétamipride, un pesticide néonicotinoïde banni en France depuis 2020, comme tous les produits de cette famille, en raison de leur impact délétère sur les insectes pollinisateurs, devrait être à nouveau autorisé pour plusieurs cultures (betterave à sucre, noisette…).
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Les élus favorables au texte, du bloc central jusqu’à l’extrême droite, n’ont eu de cesse de relativiser l’impact d’une telle mesure, au motif que la substance a été réautorisée en 2018 en Europe jusqu’en 2033. Les connaissances disponibles sur les effets de ce neurotoxique suggèrent cependant que certains risques posés par la substance ont été ignorés par le processus réglementaire.
Mais, ironie de la situation, c’est la France elle-même qui a soumis à la Commission européenne, à deux reprises (en 2020 et 2022), de nouvelles données justifiant, selon elle, l’interdiction de cette substance. A chaque fois, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a été saisie par Bruxelles pour les évaluer. Dans son dernier rapport, publié en mai 2024, l’agence européenne ne change pas fondamentalement sa dernière évaluation, qui a conduit à l’autorisation du produit, mais elle reconnaît « des incertitudes majeures dans l’éventail des preuves de toxicité neurodéveloppementale [toxicité pour la construction du cerveau] de l’acétamipride ».
Motifs de préoccupation
Parmi les données soumises par la France figuraient des travaux suisses de 2022 indiquant que de l’acétamipride (ou son principal produit de dégradation) était retrouvé dans le liquide céphalorachidien (qui baigne le cerveau et la moelle épinière) de 13 enfants suisses, sur un échantillon de 14.
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« La présence d’un tel produit [neurotoxique] dans le liquide céphalorachidien, ce n’est pas du tout anodin, selon le biologiste Alexandre Aebi (université de Neuchâtel), coauteur de ces travaux. D’autant moins que, jusqu’à la publication de nos résultats, on nous disait que les néonicotinoïdes ne pouvaient pas traverser la barrière hématoencéphalique. »
Ces mesures ont été reproduites sur d’autres populations. Des chercheurs chinois ont ainsi montré que, sur plus de 300 volontaires de tous âges recrutés pour leur étude, plus de 85 % portaient des traces détectables du principal métabolite de l’acétamipride dans leur liquide céphalorachidien. L’EFSA a également estimé que les limites maximales de résidus en vigueur dans les fruits et légumes représentaient un risque pour le consommateur. L’agence installée à Parme (Italie) recommandait ainsi de diviser ces seuils par cinq, ce que la Commission européenne a mis en œuvre en septembre 2024.

Depuis, d’autres travaux académiques ont été publiés, renforçant ces motifs de préoccupation. En février, des chercheurs japonais ont ainsi montré que des rongeurs de laboratoire exposés in utero à de faibles doses d’acétamipride voyaient la structure de leur cervelet altérée et, à plus hautes doses, souffraient de troubles moteurs.
De nouvelles études paraissent chaque mois ou presque. Des travaux chinois, publiés le 10 mai, ont examiné 144 adultes souffrant de troubles neurologiques et ont comparé leur exposition aux néonicotinoïdes à celle de 30 individus sains. Les auteurs indiquent que l’exposition à ces neurotoxiques et à leurs métabolites est associée à des marqueurs d’inflammation et que le principal métabolite de l’acétamipride est, de toutes les molécules recherchées, le plus présent dans les échantillons. Ils montrent surtout que les taux urinaires moyens d’acétamipride sont de six à sept fois plus élevés chez les malades que chez les autres.
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Le rapport de l’EFSA indiquait également que l’exposition au néonicotinoïde était associée à une baisse des niveaux de testostérone – un résultat obtenu sur des souris de laboratoire, mais également sur toutes les catégories d’un échantillon représentatif de la population américaine. Ces résultats suggèrent des propriétés de perturbateur endocrinien – propriétés qui « devraient être évaluées », écrit l’EFSA, selon les canons réglementaires adoptés en 2018. Ce qui n’a pas été fait. La Commission européenne et les Etats membres autorisent très fréquemment les pesticides en dépit de telles lacunes signalées par l’agence.
Tentative d’évaluation du risque
Les données sur les pollinisateurs, elles aussi, sont lacunaires. La toxicité aiguë de l’acétamipride pour l’abeille domestique (Apis mellifera) est, certes, de l’ordre de mille fois inférieure à celle de la plupart des autres néonicotinoïdes. Mais, comme le rappelle l’EFSA, les études fournies par les industriels pour tester le produit en conditions réelles ont soulevé « des inquiétudes quant à leur robustesse et leur fiabilité, en raison de graves lacunes ».
« Ces études ne peuvent pas être utilisées pour tirer des conclusions définitives sur le risque pour les abeilles, en particulier afin d’exclure tout effet chronique potentiel ou tout effet sur le développement du couvain », précise l’EFSA. En outre, l’abeille domestique est la seule espèce sur laquelle une tentative d’évaluation du risque a été menée, alors que les autres pollinisateurs, note l’EFSA, peuvent être « considérablement plus sensibles » aux néonicotinoïdes.
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En mars, deux nouvelles études ont confirmé les réserves de l’agence.
Des chercheurs chinois ont montré que l’abeille domestique était attirée par les plantes contaminées par l’acétamipride : en conditions réelles, les butineuses pourraient être plus exposées à cette substance que nous l’avions estimé, augmentant ainsi les risques.
Des scientifiques allemands ont, de leur côté, montré que l’épandage d’acétamipride sur une prairie, à des concentrations faibles, proches de celles rencontrées en bordure des champs traités, conduisait en seulement deux jours à un effondrement de 92 % des populations des trois espèces d’insectes les plus abondantes dans ces milieux. Soit une sensibilité à l’acétamipride plus de 11 000 fois supérieure à celle de l’abeille domestique.
Les études disponibles indiquent que les populations d’insectes volants d’Europe se sont effondrées de plus de 80 % au cours des trois dernières décennies et que le rythme de ce déclin ne ralentit pas.
Néonicotinoïdes : une dangerosité avérée pour la biodiversité
L’acétamipride est un insecticide qui tue notamment les oiseaux et les abeilles, par des effets à la fois directs et indirects. Alors qu’il était interdit en France depuis 2018, le Sénat a voté lundi pour permettre sa réintroduction à titre exceptionnel, pour soulager certaines filières jusqu’en 2033.

Par Marie Bellan
Publié le 27 janv. 2025 à 19:18Mis à jour le 27 janv. 2025 à 22:33
La France a longtemps été précurseur dans l’interdiction de certains pesticides. C’est le cas des néonicotinoïdes, notamment de l’acétamipride, qui est interdit dans l’Hexagone depuis 2018 mais reste autorisé en Europe jusqu’en 2033. Contrairement à d’autres pays européens, la France a fait le choix de l’interdiction, car si sa neurotoxicité sur l’organisme humain fait encore l’objet de recherche, en revanche, il est établi que les insectes pollinisateurs en sont directement victimes.
Ce lundi, le Sénat a toutefois voté pour permettre la réintroduction dérogatoire de ce produit, à titre exceptionnel, pour soulager certaines filières qui fustigent une « surtransposition ». La chambre haute du Parlement a adopté cette mesure très critiquée dans le cadre d’une proposition de loi visant à « lever les entraves » au métier d’agriculteur, examinée en première lecture. Le gouvernement, opposé à une réintroduction pure et simple de ce produit, a rendu un « avis de sagesse » sur cette proposition, ni favorable ni défavorable.
Sans les tuer directement, l’acétamipride, comme le glyphosate, perturbe le comportement des abeilles au point d’altérer leur travail de pollinisation, la récolte de miel et donc la survie de la ruche. « C’est ce que l’on appelle les effets sublétaux qui conduisent aussi à la disparition des insectes », précise Laure Mamy, directrice de recherche à l’Inrae et spécialiste des effets des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité. Des travaux de recherche très documentés de l’Inrae ont permis d’établir avec précision la létalité indirecte du glyphosate sur les abeilles. Le processus est comparable avec l’acétamipride.
Chaîne alimentaire rompue
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L’acétamipride est aussi responsable du déclin de la population d’oiseaux dans les zones agricoles, soit parce qu’ils ingèrent directement cette substance toxique pour eux, soit parce que la chaîne alimentaire est rompue. Les insectes que mangent les oiseaux disparaissent, entraînant par la suite la disparition des oiseaux eux-mêmes, faute de nourriture.
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L’autre caractéristique de l’acétamipride est son caractère relativement persistant. « Il se dégrade dans les sols mais on continue à le retrouver un peu partout. Dans les plumes des oiseaux, dans le sang des sangliers ou des cerfs aux alentours des zones agricoles traitées. On observe aussi des traces dans les milieux aquatiques », poursuit Laure Mamy.
Alternatives au cas par cas
Le gouvernement s’était engagé à ne pas interdire de produits phytosanitaires s’il n’y avait pas d’alternatives possibles à proposer aux agriculteurs. Si ces alternatives existent pour l’acétamipride, les agriculteurs font valoir qu’elles sont plus compliquées à mettre en place. Et pour cause, « l’acétamipride a une efficacité redoutable puisque le produit agit sur les systèmes neuronaux de tous les insectes, les nuisibles comme les pollinisateurs et les auxiliaires. La sortie des phytosanitaires est difficile à faire précisément pour cette raison, on peut traiter beaucoup de ravageurs avec un même produit, c’est facile », explique Christian Huygue, ancien directeur scientifique agriculture de l’Inrae.
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Pour la betterave, les travaux de l’Inrae ont permis de déterminer des techniques qui permettent de gérer les réservoirs de virus avec une efficacité comparable à l’acétamipride. Pour la noisette ou le kiwi en revanche, ce sont d’autres procédés, soit par le moyen d’insectes stériles ou des pièges spécifiques pour un type d’insectes. Dans tous les cas, le recours à ces techniques suppose un traitement concerté avec les exploitants alentour, ce qui ne facilite pas leur mise en oeuvre.
L’Assemblée autorise l’épandage par drone pour certaines cultures
Les députés ont adopté en première lecture une proposition de loi du camp macroniste visant à autoriser l’épandage de produits phytosanitaires par drone pour traiter certaines cultures contre des maladies.
Le texte, soutenu par le gouvernement qui y voit une « loi de progrès » et adopté avec les voix du centre, de la droite et de l’extrême droite, est fustigé par la gauche qui alerte sur un nouveau « sabordage » des lois de protection de la santé et de l’environnement.
Marie Bellan
« Chlordécone et maintenant acétamipride ? Ne répétons pas l’histoire »
30 juin 2025 à 09h28Mis à jour le 1er juillet 2025 à 10h21 https://reporterre.net/Chlordecone-et-maintenant-acetamipride-Ne-repetons-pas-l-histoire
Hier le chlordécone, demain l’acétamipride ? Dans cette tribune, la députée LFI Aurélie Trouvé dénonce le retour, proposé par la loi Duplomb, de ce pesticide très dangereux pour la biodiversité et la santé humaine.
Aurélie Trouvé est députée La France insoumise et présidente de la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale.
Il y a trente ans, le scandale sanitaire du chlordécone éclatait. Aujourd’hui, l’histoire risque de se répéter avec l’acétamipride. Début juillet, les députés et sénateurs devront se prononcer sur la loi Duplomb, qui réautorise cet insecticide de la famille des néonicotinoïdes dans l’agriculture. Utilisé contre nombre de coléoptères, punaises, mouches, etc., il comporte des risques pour le cerveau et les neurones des enfants.
L’occasion s’offre à la puissance publique de montrer qu’elle apprend de ses erreurs, qu’elle n’est pas une machine imperméable aux souffrances, et qu’elle agit au futur, soucieuse des conséquences de ses choix.
Dans le cas du chlordécone, tout le monde savait, mais rien n’a été fait. Cet insecticide dispersé massivement dans les bananeraies des Antilles françaises, avait été interdit aux États-Unis dès 1976 en raison de sa toxicité extrême. Perturbateur endocrinien, cancérogène probable, toxique pour les sols et les milieux aquatiques, il est un contaminateur pour des siècles des écosystèmes et des populations. En 2021, une grande étude scientifique de l’Inserm a confirmé les liens entre l’exposition au chlordécone et des pathologies graves, dont le cancer de la prostate. Plus de 90 % des Antillais ont été exposés à cette molécule.
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Pourtant, en France, l’arrêté d’interdiction ne sera pris qu’en 1990… pour être aussitôt suspendu par dérogation aux Antilles jusqu’en 1993. Pourquoi ? Parce que les grands planteurs antillais, soutenus par une partie des élus, ont plaidé l’absence d’alternative. Ce n’est qu’en 2023, après des années de mobilisation citoyenne et d’enquêtes journalistiques, que la justice a reconnu l’inaction des pouvoirs publics, mais a classé l’affaire sans suite, invoquant la prescription des faits.
Un grand retour en arrière
L’acétamipride, le « chlordécone de l’Hexagone ». Cette formule est celle de Christian Huygue, ancien directeur scientifique de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). En France, l’acétamipride est interdit à l’épandage sur les champs depuis 2018. Dans l’Union européenne, il est encore autorisé, même si, en mai 2024, l’Efsa, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, a publié une évaluation accablante sur les risques de l’acétamipride pour les abeilles et bourdons : toxicité élevée et impacts sur la reproduction et la navigation des pollinisateurs.
Elle admet également que l’acétamipride peut « affecter de façon défavorable le développement des neurones et des structures cérébrales ». Sur cette base, la dose maximum journalière de résidus acceptable pour les humains a été divisée par cinq par l’agence. L’Anses, l’autorité française, reconnaît également dans plusieurs rapports scientifiques les dangers de ce pesticide.
Mais les représentants de l’agriculture intensive exigent un grand retour en arrière : autoriser l’usage de l’acétamipride en France. Les éléments de langage n’ont pas changé : « pas d’alternative viable », « effondrement des récoltes », « mise en péril de la filière », « compétitivité internationale », « autorisation temporaire »… Précisément, au mot près, les mêmes arguments que ceux des grands planteurs de bananes il y a quarante ans pour obtenir le droit de continuer d’épandre du chlordécone.
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Le cœur du problème est toujours le même : les écosystèmes et la santé humaine sacrifiés au nom des intérêts économiques de quelques filières, aujourd’hui la betterave et la noisette. Une logique politique d’autant plus tenace qu’elle est appuyée par les lobbies puissants de l’agrochimie.

Des alternatives existent
Tous les agriculteurs ne sont pas favorables à l’acétamipride, loin de là ! La Fédération française des apiculteurs professionnels, la Fédération nationale d’agriculture biologique et même certains syndicats agricoles s’y opposent. Car, comme pour le chlordécone, il existe déjà des alternatives contre les ravageurs des cultures, grâce à la lutte biologique et d’autres techniques agronomiques ; et d’autres encore sont en phase finale de développement, et seront opérationnelles dans les mois à venir.
Mais comme pour le chlordécone, le gouvernement refuse. Alors même qu’on pourrait faire autrement : soutenir financièrement les agriculteurs touchés afin d’accompagner cette phase critique, ou pour qu’ils se tournent vers d’autres modes de production. Et, dans le même temps, les protéger de toute importation de produits traités avec ce pesticide interdit, qui entrent sur le marché français à des prix imbattables par leurs équivalents locaux.
« Que vaut la mémoire des scandales sanitaires si elle ne nous protège pas des suivants ? »
Ce parallèle entre chlordécone et acétamipride n’est pas rhétorique. Il pose une question fondamentale au législateur : que vaut la mémoire des scandales sanitaires si elle ne nous protège pas des suivants ? Le chlordécone, le glyphosate, l’acétamipride, les polluants éternels… Tous ces cas montrent que le principe de précaution, pourtant inscrit dans notre Constitution depuis 2005, est constamment affaibli par des arbitrages politiques à courte vue.
Il est encore temps de ne pas répéter l’histoire. Comme il y a trente ans, il sera faux de dire que nous ne savions pas.
Après cet article
AgricultureAgriculteurs, ils disent non à la loi Duplomb
Précisions
– Dans les tribunes, les auteurs expriment un point de vue propre, qui n’est pas nécessairement celui de la rédaction.
– Titre, chapô et intertitres sont de la rédaction.
Générations futures pulvérise les « contre-vérités » sur l’acétamipride
https://www.generations-futures.fr/actualites/acetamipride-duplomb/acetamipride-ppl-duplomb/
Dimanche 25/05/2025
S’appuyant sur de « nouvelles données scientifiques », l’ONG demande l’élargissement de l’interdiction de l’acétamipride en France aux usages biocides et réclame avec le collectif d’ONG PAN Europe son interdiction en Europe pour ses usages agricoles et biocides.
« S’appuyer sur la science pour contrer la désinformation » : tel est le titre du rapport publié le 20 mai par Générations futures, qui entend « remettre les faits et la science au cœur du débat » et pulvériser les « contre-vérités » polluant le débat public. A la veille de l’examen d’une proposition de loi visant notamment à réautorirser sous conditions l’acétamipride pour en finir avec une surtransposition franco-française et apporter une solution à des filières en situation d’impasse, Générations futures entend démonter l’argument d’autorité selon lequel « l’EFSA a autorisé donc il n’y a pas de problème ».
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Persistance dans l’eau : « incohérence » des réglementations pesticide et biocide
Au sein de l’UE, l’acétamipride est sous le coup d’une double réglementation, en tant que pesticide à usage agricole d’une part et en tant que biocide à usage domestique d’autre part. La réglementation pesticide considère la molécule comme non persistante dans les milieux aquatiques et les sédiments tandis que la réglementation biocide la considère comme persistante voire très persistante alors même que l’évaluation est basée sur une même étude datant de 2014. La faute à une différence d’approche statistique selon Générations futures. « Dans le dossier biocide, l’Allemagne et la Belgique ont remarqué que le modèle utilisé dans le dossier pesticide n’était pas adapté et ne correspondait pas aux recommandations du document guide pour l’évaluation de la persistance en vigueur et mis à jour en 2017. L’approche allemande et belge a par la suite été validée par l’ECHA (*). Ce changement de modèle conduit à un résultat significativement différent, la demi-vie passant ainsi de 27 jours à 79,7 jours ». Résultat : l’acétamipride est considérée par l’ECHA comme une substance candidate à la substitution, ce qui n’est pas le cas de la réglementation pesticide, et son autorisation en tant que substance biocide a été limitée à 7 ans (de 2020 à 2027).
Toxicité pour les abeilles : évaluation « lacunaire »
Outre une incidence sur le nombre d’espèces et les populations d’oiseaux mentionnée dans deux études, Générations futures pointe l’impact de l’acétamipride sur les insectes pollinisateurs. Reconnaissant que l’imidaclopride et la clothianidine provoquent une mortalité directe des abeilles à des doses bien inférieures que l’acétamipride, « cette dernière provoque des effets sublétaux tout aussi préoccupants que les autres néonicotinoïdes ». Les effets sublétaux sont des effets n’entraînant pas directement la mort de l’abeille mais impactant négativement son comportement, ses capacités de reproduction etc. et pouvant in fine conduire à une diminution de la population, même longtemps après l’exposition. Générations futures attend de l’EFSA (**) applique la nouvelle version du guide d’évaluation des pesticides sur les insectes pollinisateurs existant depuis 2022, intégrant l’impact sur les bourdons et les abeilles solitaires et prenant en compte les effets sublétaux, un processus bloqué par « un lobbying intensif et à un blocage politique ». Selon Générations futures, Les effets sublétaux sur le comportement des abeilles, observés dans plusieurs études à de faibles niveaux d’exposition (0,1 µg/abeille) n’ont pas été considérés par l’EFSA.
L’ONG dénonce par ailleurs une évaluation de la toxicité sur les abeilles « particulièrement lacunaire » de la part de l’EFSA, laquelle reconnaitrait que « l’absence d’un risque chronique n’a pas été suffisamment démontrée » et que « le risque pour les abeilles solitaires et les bourdons n’ont pas été évalués alors que des données solides indiquent une sensibilité plus élevée de ces espèces par rapport à l’abeille mellifère ». Générations futuresa recensé la publication de 23 nouvelles études au cours de deux dernières années, « chacune apportant de nouvelles preuves de la toxicité significative de cette substance sur les abeilles ».
Neurotoxicité pour l’Homme : des preuves qui devraient conduire à « l’interdiction de la substance »
Selon Générations futures, les preuves neurotoxicité de développementale de l’acétamipride (effet DNT) « commencent à s’accumuler dans la littérature académique », avec au moins 4 études in vitro, démontrant des mécanismes d’action toxique au niveau de cellules neuronales humaines, 7 études in vivo pointant des effets DNT sur organisme entier et également 3 études conduites sur le modèle poisson zèbre. Et de signaler également la publication ces deux dernières années de 13 nouvelles études indiquant « des effets sur la santé variés, notamment cancérigène et perturbateur endocrinien » ou encore « les preuves » qu’un métabolite de l’acétamipride traverse la barrière hémato encéphalique et se retrouve dans le liquide cérébrospinal chez des enfants. « Cette évaluation illustre, une nouvelle fois, le fait que la majorité des données académiques ne sont pas prises en compte dans les conclusions finales des évaluations car jugées non fiables par la procédure d’évaluation. Ou tout simplement parce qu’elles n’ont pas été incluses dans les évaluations », dénonce l’ONG, faisant référence au dernier avis en date de l’EFSA datant de 2024, abaissant les seuils de toxicité.
Usage biocide : un risque « inacceptable »
En France,198 produits à base d’acétamipride d’une AMM pour des usages domestiques (contre les mouches, fourmis, cafards) ainsi que pour traiter les mouches dans les bâtiments d’élevage en application sur les murs (par pulvérisation ou au pinceau). « L’acétamipride devrait être considérée comme une substance toxique pour la reproduction de catégorie 1B, ce qui constitue un critère d’exclusion dans la réglementation biocide », estime l’ONG, qui évoque les risques pour les applicateurs mais également la contamination « avérée » de l’environnement via les épandages de fumier et de lisier, « sans aucune évaluation de son impact sur les abeilles ». Il faudra attendre le 1er janvier 2026 pour que la méthode d’évaluation du risque pour les abeilles de l’ECHA soit appliquée mais elle ne concernera que les nouvelles demandes d’AMM de biocides. « Lorsque le nouveau seuil de toxicité fixé par l’EFSA en 2024 est appliqué, le risque pour les utilisateurs professionnels est inacceptable, même lorsque tous les équipements de protection sont préconisés. Le risque aigu pour les enfants suite à l’usage de produit domestique contenant l’acétamipride n’est plus acceptable », écrit l’ONG qui réclame l’interdiction « immédiate » des usages agricoles et biocides de la substance.
(*) Agence européenne des produits chimiques
(**) Autorité européenne de sécurité des aliments
Un article de Raphaël Lecocq
ON FAIT LE POINT
Bébés contaminés, abeilles en danger… cinq chiffres fous sur l’acétamipride, ce pesticide en passe d’être réautorisé en France
Mal à l’abeille. À partir du 26 mai, les député⸱es débattront de la réautorisation sous conditions d’un puissant insecticide : l’acétamipride. Persistance dans l’environnement, menaces pour la biodiversité et la santé humaine, dépendance de certains secteurs agricoles… Vert a épluché des dizaines d’études et brosse le portrait de ce produit à hauts risques.
- 20/05/2025 https://vert.eco/articles/bebes-contamines-abeilles-en-danger-cinq-chiffres-fous-sur-lacetamipride-ce-pesticide-en-passe-detre-reautorise-en-france
- Par Esteban Grépinet
Ce qu’il faut retenir
🐝 Toxique pour les insectes. Une dizaine de microgrammes (soit 0,000001 gramme) d’acétamipride avalée par chaque abeille suffit pour tuer net la moitié d’une colonie en l’espace de deux jours.
🌱 Persistant dans l’environnement. Il faut attendre en moyenne 420 jours pour qu’il disparaisse de moitié dans l’eau. Les néonicotinoïdes ont aussi la capacité d’imprégner l’ensemble de l’intérieur des plantes, des racines jusqu’aux fleurs.
👶 Un danger pour la santé humaine. Un dérivé de l’acétamipride a été retrouvé dans l’urine d’un quart des nouveau-nés analysés dans un hôpital au Japon.
☠️ Des quantités importantes déjà épandues. En 2012, près de sept tonnes d’acétamipride étaient vendues en France.
🚜 Certains secteurs agricoles dépendants. La principale coopérative de producteurs français de noisettes a enregistré 50% de pertes en 2024.
Ce nom complexe ne vous dit peut-être rien, pourtant il nous concerne déjà toutes et tous : acétamipride. Comme tous les membres de la tristement célèbre famille des néonicotinoïdes – de puissants insecticides aussi connus sous le surnom de «tueurs d’abeilles» –, cette molécule est interdite en France depuis le 1er septembre 2018 (malgré plusieurs dérogations jusqu’en 2023, notre article).
Mais l’acétamipride pourrait bientôt être réautorisée sous certaines conditions (par décret, sur trois ans, pour des filières montrant qu’elles sont dans une impasse technique et ayant engagé des recherches d’alternatives) par la proposition de loi Duplomb, qui vise à «lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur». Après son approbation par le Sénat en janvier dernier, l’article concernant cette substance a été proposé à la suppression par les élu·es de la commission du développement durable de l’Assemblée nationale (AN) il y a deux semaines… avant d’être réécrit par la commission des affaires économiques de l’AN. Il sera examiné par l’ensemble des député⸱es à partir du 26 mai.

Toxicité pour les abeilles : «Par définition, il est fait pour tuer des insectes»
On l’oublie parfois, mais les insecticides… tuent des insectes. Une dizaine de microgrammes d’acétamipride avalée par chaque abeille suffit pour tuer net la moitié d’une colonie en l’espace de 48 heures. Cette dose létale microscopique (un microgramme est un million de fois plus petit qu’un gramme) est confirmée à la fois par des études indépendantes et par l’Autorité européenne de sécurité des aliments(l’Efsa, une agence officielle qui rend des avis sur les risques des pesticides dans l’Union européenne).
Cette dose létale à partir de laquelle meurent 50% des abeilles reste bien loin de celle de ses autres cousins néonicotinoïdes, chez qui elle se compte plutôt en nanogrammes… soit encore mille fois plus petit, donc plus toxique. De là à considérer que l’acétamipride n’est pas dangereux pour les abeilles, comme le défend le sénateur (Les Républicains) Laurent Duplomb, auteur de la proposition de loi du même nom ? «Ce n’est pas parce qu’il est moins toxique qu’il n’est pas toxique, avertit Laure Mamy, directrice de recherche au sein de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), qui a récemment copiloté une expertise portant sur les impacts des pesticides sur la biodiversité. C’est un insecticide, donc par définition il est fait pour tuer des insectes.»

D’autant que l’acétamipride pourrait être encore plus nocif en tenant compte de sa toxicité chronique, soit l’exposition répétée à une même dose sur le long terme (ce qui est le cas lorsque des insectes butinent des fleurs tous les jours). «Regarder combien de bouteilles de whisky on doit boire en une fois pour tomber raide mort a peu de sens, il faut surtout regarder les effets d’une demi-bouteille chaque jour pendant des années», illustre Philippe Grandcolas, entomologiste et directeur de recherche en écologie au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
«Lorsque l’on prend l’exposition chronique sur dix ou 20 jours, les néonicotinoïdes sont en général au moins dix à 100 fois plus toxiques pour les abeilles», estime Jean-Marc Bonmatin, chimiste-toxicologue au CNRS d’Orléans (Loiret) et spécialiste mondialement reconnu de ces substances. Pour l’acétamipride, il existe actuellement peu de connaissances concernant sa toxicité chronique.
«On observe aussi des effets sublétaux [qui peuvent causer la mort de manière indirecte, NDLR], sur le comportement, les capacités d’apprentissage, le mouvement…», complète Laure Mamy. Plusieurs études ont d’ailleurs prouvé que l’acétamipride est plus dangereux pour les abeilles lorsqu’il interagit avec certains fongicides (des pesticides qui éliminent les champignons), souligne Philippe Grandcolas : «Ces effets cocktails ne sont jamais testés, pourtant la toxicité peut être augmentée de manière considérable». Et ces pesticides n’impactent pas seulement les insectes, mais l’ensemble de la biodiversité (notre article) : vers de terre, oiseaux, poissons…
Persistance dans l’environnement : une substance qui met plusieurs années à disparaître dans l’eau
L’acétamipride contamine bien plus que les champs où il est appliqué. Ce pesticide est considéré comme stable dans l’eau : il faut attendre en moyenne 420 jours pour qu’il disparaisse de moitié, selon les données de référence. D’autres études font état d’une demi-vie de plusieurs dizaines de jours. «Cela veut dire que, quand il pleut dans un champ, le produit est lessivé et amené dans les cours d’eau, puis les rivières, les fleuves, la mer…, liste Jean-Marc Bonmatin. S’il tient plus d’un an sans avoir été dégradé [sans que les atomes de la molécule se soient détachés, NDLR], alors c’est toute cette chaîne qui est contaminée.»
L’acétamipride est d’autant plus persistant dans l’environnement qu’il est, comme tous les membres de sa famille, systémique. C’est-à-dire qu’il a la capacité d’imprégner la totalité des végétaux : «Quand d’autres pesticides font barrière en surface de la plante, les néonicotinoïdes rentrent à l’intérieur et se diffusent dans les feuilles, les racines, les fruits…», décrit Jean-Marc Bonmatin.

Seule – mince – satisfaction : l’acétamipride disparaît assez vite dans les sols (sa demi-vie est de quelques jours, contre plus d’un an pour d’autres de ses cousins néonicotinoïdes). Mais cette dégradation du pesticide ne fait pas pour autant disparaître tous les dangers, rappelle Laure Mamy : «Il se forme des métabolites [les «produits de dégradation» provenant de la transformation de la molécule, NDLR], qui peuvent être plus ou moins dangereux selon les cas.»
Risques pour la santé : des enfants contaminés jusque dans leur système nerveux
C’est justement l’un des principaux produits de dégradation de l’acétamipride qui inquiète les scientifiques : dans une étude publiée en 2019, une équipe de chercheur·ses a retrouvé le métabolite N-desmethyl-acétamipride dans l’urine d’un quart des nouveau-nés étudiés au sein d’un centre de soins intensifs à Tokyo (Japon, où l’acétamipride a été inventé en 1995). «Cela veut dire que la substance passe la barrière placentaire [qui protège le fœtus dans le ventre, NDLR], c’est une catastrophe : qu’il soit très toxique ou moyennement toxique n’est même plus la question», s’inquiète Jean-Marc Bonmatin, qui a participé à cette étude. Cette dernière a aussi mis en évidence une corrélation avec le très faible poids anormal de ces bébés japonais pourtant nés à terme.
Plus proche de la France, une étude de 2022 menée en Suisse a retrouvé des traces du principal métabolite de l’acétamipride dans la quasi-totalité des échantillons de liquide cérébro-spinal (le fluide où baignent le cerveau et la moelle épinière) de quatorze enfants testés. «On le retrouve à la base même du fonctionnement du système nerveux, qui pilote tout le corps humain», alerte Jean-Marc Bonmatin.
Le spécialiste souligne que les néonicotinoïdes sont justement des neurotoxiques, qui s’attaquent au système nerveux des insectes. Les conséquences supposées de la présence de ces substances et leurs dérivés dans le corps humain sont multiples : maladies rénales, malformations cardiaques, tremblements, pertes de mémoire…
Ces recherches indépendantes ont amené l’Efsa à reconnaitre l’an dernier des «incertitudes majeures» concernant les effets nocifs de l’acétamipride sur le système nerveux humain. Saisie à la demande de la France, l’agence européenne recommande dans son avis du 27 mars 2024 une baisse drastique des doses auxquelles un individu peut être exposé… sans pour autant demander sa suspension dans l’Union européenne.
Quantités utilisées en France : plusieurs tonnes épandues jusqu’à son interdiction il y a sept ans
Avant son interdiction, l’acétamipride avait déjà été largement utilisé en France. En 2012, ce sont près de sept tonnes de ce puissant insecticide qui ont été vendues en France, selon les données statistiques du ministère de l’agriculture. Après 2018, ce volume a considérablement diminué mais restait toujours de l’ordre du millier de tonnes, les néonicotinoïdes ayant été partiellement réautorisés par dérogation pour certaines cultures en difficulté jusqu’en 2023 (notre article).
«On peut comparer ces quantités avec celles qui sont toxiques pour les abeilles [pour rappel : un millionième de gramme], le calcul serait légitime», pointe Jean-Marc Bonmatin, qui souligne que ces doses épandues par le passé persistent dans l’environnement : «Quand on traite un champ avec des néonicotinoïdes, on en a pour plusieurs années de pollution.»
«La France n’a jamais utilisé massivement l’acétamipride, tempère Christian Huyghe, directeur scientifique à l’Inrae. Sept tonnes, c’est déjà beaucoup, mais cela reste assez faible en comparaison des 260 tonnes d’imidaclopride [un autre néonicotinoïde, NDLR] vendues la même année». Lors d’une audition par la commission des affaires économiques du Sénat, en avril 2023, le scientifique alertait sur un «chlordécone de l’Hexagone», en référence au célèbre scandale sanitaire qui marque encore aujourd’hui les Antilles (notre article).
Dépendance de secteurs agricoles : quelques filières subissent de lourdes pertes, des alternatives existent
Face à ces chiffres alarmants, pourquoi vouloir réautoriser l’acétamipride ? Depuis l’interdiction des néonicotinoïdes en France, plusieurs filières se plaignent de lourdes chutes de rendements et sont brandies en symboles par les soutiens de la proposition de loi Duplomb. Pour la noisette, la coopérative Unicoque (qui représente les trois quarts de la production française) déplore par exemple 50% de pertes en 2024 à cause d’invasions de balanin, un insecte considéré comme «ravageur».
Autre secteur qui milite activement pour pouvoir réutiliser les néonicotinoïdes : celui de la betterave, qui rappelle régulièrement avoir perdu 280 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2020, après une attaque massive de pucerons verts. «Cela ne viendrait à l’idée de personne de demander le retour de l’amiante pour préserver le secteur du bâtiment, alors pourquoi réautoriser des produits neurotoxiques pour des cultures qui, en plus, ne sont pas vivrières ?», interroge Philippe Grandcolas.
Le scientifique rappelle que des alternatives aux néonicotinoïdes, qui ne sont utilisés que depuis les années 1990, existent : «On peut mettre en place d’autres pratiques culturales, des solutions techniques, comme des pièges à odeur ou des produits moins toxiques, et proposer une transition vers d’autres filières». Dans un rapport publié en 2021 (notre article), l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses, l’équivalent de l’Efsa au niveau français) identifiait par exemple 22 produits ou méthodes de substitution aux néonicotinoïdes.
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