L’accord franco-britannique sur l’immigration va «aggraver la situation», dénonce Xavier Bertrand
11 Juillet Le Figaro avec l’AFP

Le président de la Région de Hauts-de-France, Xavier Bertrand, a critiqué l’accord sur l’immigration conclu par la France et le Royaume-Uni ce jeudi. François BOUCHON / LE FIGARO
Les Anglais vont choisir «qui va rester au Royaume-Uni» et «qui va retourner en France et en Europe», ils «auront l’immigration choisie et nous, on va avoir l’immigration subie», a estimé le président LR des Hauts-de-France.Passer la publicité
Le président LR des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, a vivement critiqué ce vendredi l’accord conclu la veille entre la France et le Royaume-Uni sur un «projet pilote» d’échange de migrants, estimant qu’il s’agissait d’un «mauvais accord pour la France», dans un entretien sur BFMTV-RMC. «Cet accord va aggraver la situation (…) Tel qu’il est présenté, cet accord, est un mauvais accord pour la France. Comme d’habitude, c’est un bon accord pour les Anglais», a déclaré M. Bertrand.
Le projet annoncé à l’issue de la visite d’État du président Emmanuel Macron au Royaume-Uni, qui doit encore être soumis à la Commission européenne avant d’être signé, repose sur le principe d’«un pour un». Il prévoit que pour chaque renvoi en France d’un migrant arrivé au Royaume-Uni clandestinement, Londres s’engage à accepter un migrant se trouvant en France et exprimant sa volonté, via une plateforme en ligne, de s’installer au Royaume-Uni et justifiant de liens avec ce pays.Passer la publicité
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Les Anglais doivent être «davantage impliqués», selon lui
Les Anglais vont choisir «qui va rester au Royaume-Uni» et «qui va retourner en France et en Europe», ils «auront l’immigration choisie et nous, on va avoir l’immigration subie», a estimé M. Bertrand. M. Bertrand déplore également l’absence de consultation des élus locaux, alors que sa région est «en première ligne» face aux traversées de migrants, et l’absence de l’Union européenne. «S’il n’y a pas l’Europe, ça ne peut pas marcher», a-t-il souligné.
Le président de la région Hauts-de-France a aussi estimé que tout était «de la faute des Anglais», en affirmant que les migrants vont en Angleterre «parce que là-bas, ils savent qu’ils finiront par avoir du travail». Selon Xavier Bertrand, les anglais «ne font rien, ils ne font que de la communication», a-t-il encore fustigé, appelant Londres à «mettre un terme»à «l’immigration clandestine du travail» et à «démanteler les trafics de passeurs».
«Nous gardons la frontière des Anglais pour eux, en France. C’était la logique des accords du Touquet», mais «20 ans après, ces accords sont dépassés», a-t-il estimé. Selon lui, les Anglais doivent être «davantage impliqués». «Ils nous font un chèque, de temps en temps, qui ne couvre même pas la totalité de la facture», a-t-il encore dénoncé.
Migration : la France accepte un accord de retour avec le Royaume-Uni
Paris s’est engagé à reprendre les personnes ayant réussi à traverser la Manche mais n’étant pas éligibles au droit d’asile au Royaume-Uni. En échange, Londres accueillera celles qui peuvent y prétendre, par le biais d’une procédure légale. Environ 21 000 personnes ont rejoint l’Angleterre en « small boats » depuis le début de l’année.
Temps de Lecture 4 min.
A l’issue des deux jours de la visite d’Etat du président français, Emmanuel Macron, à Londres, suivis d’un sommet France-Royaume-Uni, jeudi 10 juillet, le premier ministre britannique, Keir Starmer, a confirmé la conclusion d’un accord sur la migration transManche actant pour la première fois le principe d’un retour vers l’Hexagone de personnes refoulées du Royaume-Uni après avoir traversé la Manche en small boats (« petites embarcations »).
Le nombre de personnes concernées devrait s’établir autour de cinquante par semaine. Un minimum selon Londres, qui s’engage symétriquement à accueillir, dans l’autre sens, des personnes dont la nationalité garantirait presque automatiquement l’asile au Royaume-Uni ou dans le cadre de regroupements familiaux.
Les cohortes envisagées restent très modestes, rapportées aux 21 000 personnes qui ont traversé le détroit du Pas-de-Calais depuis le début de l’année (50 % de plus que par rapport à la même période de 2024). Pour autant, le dirigeant travailliste a qualifié l’accord de « révolutionnaire ». « Beaucoup de gouvernements ont tenté de le mettre en œuvre en vain », a affirmé Keir Starmer lors d’une conférence de presse commune avec Emmanuel Macron, jeudi, depuis Northwood, une base militaire du nord-ouest de Londres.
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Il est vrai que, depuis 2018, quand le phénomène des small boats est apparu – après le renforcement de la sécurité autour du port de Calais (Pas-de-Calais) et du tunnel sous la Manche –, la droite britannique réclamait que Paris accepte le principe de retours des migrants sur son sol. En parallèle, les Français déploraient qu’il n’existe plus de voie légale pour demander l’asile au Royaume-Uni. Depuis le Brexit, en 2021, Londres n’applique plus le règlement de Dublin, qui permettait à quelques centaines de personnes présentes en Europe de faire valoir des attaches familiales outre-Manche pour y trouver refuge.
Pour cet accord « one in, one out » (« une entrée, une sortie »), comme l’ont baptisé les médias britanniques, Paris et Londres se sont inspirés de la déclaration entre l’Union européenne (UE) et la Turquie de 2016, au plus fort de la crise des migrants. Il prévoyait de verser 6 milliards d’euros à Ankara, en échange de quoi la Turquie devait tenir sa frontière et reprendre tous les migrants ayant traversé la mer Egée et ayant été déboutés de leur demande d’asile en Grèce. Pour chaque Syrien renvoyé en Turquie, un autre Syrien devait être réinstallé depuis la Turquie dans l’UE. Très controversé, cet accord a permis, temporairement, de freiner les arrivées. Mais Ankara ne reprend plus aucun migrant depuis 2020 et les réinstallations de Syriens n’ont jamais atteint les objectifs de départ.
Dans un cadre européen
Le ministère de l’intérieur britannique (Home Office) espère que le plan franco-britannique sera mis en place dans les semaines qui viennent. Emmanuel Macron a précisé qu’il doit encore être soumis à vérification juridique, y compris de la Commission européenne. Signe que Paris veut replacer ces négociations dans un cadre européen (à défaut d’avoir obtenu un accord UE-Royaume-Uni), le ministère de l’intérieur a annoncé par ailleurs que 26 gardes-côtes de l’agence européenne Frontex seront déployés dès juillet sur le littoral.
Pour les retours vers la France, ne seront concernés que les adultes arrivés en small boats ; ils seront placés dans des centres de rétention et informés qu’ils ne sont pas admissibles au Royaume-Uni au motif qu’ils viennent d’un pays dit « sûr » et qu’ils sont arrivés de manière illégale. Une fois renvoyées dans l’Hexagone, ces personnes seront à nouveau refoulées si elles tentent encore la traversée.
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Symétriquement, des personnes présentes en France de nationalités obtenant presque automatiquement l’asile au Royaume-Uni (Afghanistan, Syrie, etc.) devraient pouvoir formuler une demande en ligne, par le biais d’un système développé par le Home Office. Seront aussi considérés des cas de regroupements familiaux. Les autorités britanniques espèrent que le mécanisme ne sera pas paralysé par les recours contentieux. Elles comptent augmenter leurs capacités de détention (actuellement d’environ 2 500 places).
Paris a longtemps reproché à Londres de ne pas lutter suffisamment contre le travail illégal et de refuser d’imposer une carte d’identité à tous ses citoyens, un moyen d’identifier plus rapidement les personnes sans droit au séjour. Si la France n’a obtenu aucune garantie en ce sens, le gouvernement Starmer a néanmoins rappelé que, depuis son entrée en fonction il y a un an, les opérations de vérifications contre le travail illégal ont augmenté de 50 %.
« Les mensonges du Brexit »
Le président Macron a dénoncé les « mensonges » du Brexit qui, au lieu de limiter la migration vers le Royaume-Uni, aurait agi comme « un facteur attractif » – le règlement de Dublin ne s’appliquant plus dans le pays, les demandeurs d’asile enregistrés dans un pays de l’UE ne risquaient pas d’y être renvoyés. Il a cependant admis que Français et Britanniques n’ont « pas d’autre choix que de travailler ensemble ». Et qualifié le schéma d’échange de « pragmatique ».
Sans qu’aucun montant ne soit dévoilé, le Royaume-Uni s’est par ailleurs engagé à finaliser « le plus rapidement possible » un nouveau cycle de financement de trois ans (2026-2029) en vertu du traité de Sandhurst de 2018, selon lequel Londres a déjà versé 760 millions d’euros à la France pour sécuriser sa frontière. Une nouvelle doctrine d’intervention des forces de l’ordre en mer pour empêcher les traversées doit par ailleurs être déployée prochainement.
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Alors que le Haut-Commissariat des nations unies pour les réfugiés (HCR) saluait, jeudi, le projet pilote, les associations qui viennent en aide aux migrants à la frontière franco-britannique étaient peu enthousiastes. « C’est absurde et profondément dangereux, considère Michael Neuman, de Médecins sans frontières. Ce protocole d’échange réplique ce qu’on a connu avec l’accord UE-Turquie et ses résultats peu convaincants. Il s’inscrit dans une logique de fermeture des frontières qui crée les conditions de l’inflation des trafics. »
« C’est une monétisation des personnes entre deux pays et ça n’empêchera pas ceux qui sont déboutés de leur demande d’asile en Europe d’essayer de traverser, estime Charlotte Kwantes, porte-parole d’Utopia 56. Et comment la France gérera-t-elle les personnes renvoyées ? On va les mettre par paquets dans des centres de rétention ? » Une enquête du HCR, réalisée à Calais et publiée en janvier, montrait qu’environ un quart des personnes présentes sur les campements a déjà demandé l’asile en Europe, en Allemagne notamment.
Les traversées de la Manche empoisonnent la relation franco-britannique, et l’accord annoncé jeudi est difficile pour Paris comme pour Londres : la droite et l’extrême droite britanniques se sont empressées, jeudi, de le condamner. Mais les deux dirigeants sont résolus à tirer un trait sur les tensions nées du Brexit. C’était tout l’objet de cette visite d’Etat : mettre en scène une réconciliation.
Cécile Ducourtieux (Londres, correspondante) et Julia Pascual
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