Haut Conseil pour le climat regrette que le rythme de décarbonation ait « beaucoup ralenti » en 2024 et déplore les reculs environnementaux,

La France a pris des « retards importants » pour tenir l’objectif de neutralité carbone en 2050

Dans son rapport annuel, le Haut Conseil pour le climat regrette que le rythme de décarbonation ait « beaucoup ralenti » en 2024 et déplore les reculs environnementaux, comme pour les zones à faibles émissions et le zéro artificialisation nette des sols. 

Par Publié aujourd’hui à 06h58, modifié à 09h17 https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/07/03/la-france-a-pris-des-retards-importants-pour-tenir-l-objectif-de-neutralite-carbone-en-2050_6617513_3244.html?lmd_medium=email&lmd_campaign=trf_newsletters_lmfr&lmd_creation=a_la_une&lmd_send_date=20250703&lmd_link=tempsforts-title&random=1771357081

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Réfection du toit d’un immeuble, à Lyon, le 30 juin 2025.
Réfection du toit d’un immeuble, à Lyon, le 30 juin 2025.  OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP

Alors que la quasi-totalité de la France vient de suffoquer sous une canicule éprouvante, avec des températures dépassant les 41 °C, le Haut Conseil pour le climat (HCC) publie son septième rapport annuel, jeudi 3 juillet, et appelle à un « sursaut collectif pour relancer l’action climatique ». L’instance indépendante chargée d’évaluer les politiques climatiques regrette que le rythme de décarbonation ait « beaucoup ralenti » en 2024 et déplore les reculs environnementaux « inquiétants » et les « retards importants » du cadre de l’action publique en matière de climat. Conséquence : la France n’est pas sur les rails pour tenir ses objectifs climatiques.

En 2024, les émissions de gaz à effet de serre ont seulement baissé de 1,8 %, contre − 6,8 % en 2023. Le décrochage concerne tous les secteurs, sauf celui de la production d’énergie. De surcroît, 70 % de la réduction atteinte en 2024 provient de facteurs conjoncturels, comme un hiver doux qui a limité l’usage du chauffage, la baisse du cheptel bovin du fait de conditions socio-économiques difficiles ou la pluviométrie élevée, qui a augmenté la production hydroélectrique. La part liée aux réformes structurelles s’est considérablement réduite comparée à 2023.

Ce « fléchissement est incompatible » avec l’atteinte de la neutralité carbone en 2050, mettent en garde les douze experts, mais aussi avec la cible intermédiaire de 2030, qui implique de réduire les émissions de 55 % par rapport à 1990. « Ces mauvais résultats rendent plus difficile le respect du troisième budget carbone », c’est-à-dire les plafonds d’émissions prévus pour la période 2024-2028, ajoute l’agronome Jean-François Soussana, président du HCC. Le deuxième budget carbone (2019-2023), quant à lui, est tenu pour les émissions brutes de gaz à effet de serre (sans compter les puits de carbone, comme les forêts). Il l’est aussi pour les émissions nettes, mais seulement grâce au stockage temporaire du carbone dans le bois mort, « ce qui constitue un handicap pour la suite, car il va se décomposer », avertit M. Soussana.

Quelques avancées

Pour tenir les objectifs de 2030, le rythme de réduction des émissions devra doubler. La baisse devra être neuf fois plus forte dans le secteur des bâtiments, quatre fois dans les transports et trois fois dans l’agriculture et l’industrie. Or les dernières estimations sont inquiétantes : d’après l’Insee, la baisse des rejets carbonés pourrait être limitée à 1,3 % en 2025.

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Les experts du Haut Conseil pour le climat regrettent des reculs sur les dispositifs environnementaux, comme pour les zones à faibles émissions et l’objectif de zéro artificialisation nette des sols. Certaines mesures rencontraient pourtant un « succès important » auprès des particuliers, qu’il s’agisse des rénovations d’ampleur (qui voient leur financement suspendu dans MaPrimeRénov’) ou du photovoltaïque sur les toitures (dont le soutien public pourrait être abaissé). De manière générale, les membres soulignent que le manque d’un portage politique fort, de stabilité des dispositifs et de pérennité des financements grève l’action climatique et crée une absence de « lisibilité et de visibilité » pour les entreprises et les collectivités.

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L’autorité indépendante relève plusieurs avancées dans les transports, qui restent le premier secteur émetteur (avec 34 % des rejets carbonés). Elle cite l’évolution du cadre fiscal et réglementaire ayant favorisé le « verdissement » des flottes d’entreprises ou l’augmentation de la taxe sur les billets d’avion. Mais les remaniements ministériels et les coupes budgétaires annoncées en 2024 et en 2025 « ont retardé la décarbonation » d’un secteur qui manque, par ailleurs, de mesures structurelles.

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Dans l’agriculture, le deuxième émetteur (21 %), les concessions sur l’environnement faites par le gouvernement après la crise agricole ont « fragilisé [son] action climatique » et ralenti la transition agroécologique. Les derniers textes, comme la loi d’orientation agricole, « contribueront à verrouiller sur le long terme la production agricole dans des modèles intensifs en émissions », met en garde le HCC.

Des moyens financiers insuffisants

L’instabilité des règles de financement de l’Agence nationale de l’habitat a provoqué une baisse de 40 % du nombre de rénovations énergétiques dans le secteur des bâtiments (qui pèsent pour 15 % des émissions), à laquelle s’ajoute un « relâchement » des efforts de sobriété. En revanche, les rénovations d’ampleur sont montées en puissance, mais elles doivent « continuer d’être soutenues ». Or, en 2024, souligne le HCC, les ventes de pompes à chaleur air-eau – un système décarboné – ont chuté de plus de 40 %, tandis que celles de chaudières à gaz ont augmenté de près de 15 %.

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Le secteur industriel (17 % des émissions), lui, ne « réoriente pas assez la demande » vers des industries moins émettrices. Quand au secteur des déchets (4 %), il a augmenté ses émissions depuis 2015 et ne fait pas preuve de suffisamment de stratégies pour réduire la production à la source. Enfin, le secteur énergétique, bien que contribuant le plus aux baisses d’émissions, a vu sa gouvernance et sa planification « nettement détériorées ces deux dernières années ».

Le HCC s’inquiète des deux ans de retard dans la publication de feuilles de route « indispensables » à l’action climatique : la troisième stratégie nationale bas carbone (SNBC) et la troisième programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). S’il salue l’adoption du troisième plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc), qui marque des « améliorations », il rappelle qu’il demeure insuffisant, notamment en matière de financement et de transformations d’ampleur. La France, qui se réchauffe bien plus vite que la moyenne mondiale, est pourtant fortement touchée par les impacts du réchauffement.

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Les experts, qui formulent 74 recommandations, appellent notamment à rendre la transition écologique accessible à tous (extension du leasing social, reste à charge nul pour la rénovation des logements des propriétaires aux capacités d’endettement limitées, etc.) et à mettre en place des trajectoires d’investissements et de renouvellement desinfrastructures (ferroviaires, cyclables, etc.). La France aurait aussi « intérêt » à soutenir l’adoption par l’Union européenne (UE) d’un objectif de réduction des émissions de 90 % pour 2040, « sans recours aux crédits carbone internationaux, qui l’affaibliraient », appelle l’économiste Céline Guivarch, membre du HCC. Enfin, la sortie rapide des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) – les deux tiers des émissions de gaz à effet de serre françaises sont liées à leur usage – est une condition de l’« autonomie stratégique de l’UE ».

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Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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