En Seine-Saint-Denis, la maternité des Lilas devrait fermer ses portes avant la fin de l’année
L’annonce a été faite, mardi 1ᵉʳ juillet, par l’agence régionale de santé d’Ile-de-France aux représentants de cet établissement privé non lucratif, au statut associatif.

Le calendrier n’est pas encore tout à fait arrêté, mais la décision est actée : la maternité des Lilas (Seine-Saint-Denis), célèbre pour ses accouchements physiologiques, va fermer ses portes. L’annonce a été faite, mardi 1er juillet, par l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France aux représentants de cet établissement privé non lucratif, au statut associatif. Elle intervient dans un contexte particulier : celui du débat, récurrent dans l’espace public, sur la fermeture des petites maternités – celles dites de « secteur 1 », comme Les Lilas, n’accueillant pas de grossesses à risques et pratiquant souvent moins d’un millier d’accouchements par an.
« De nombreux éléments convergent vers une fermeture de la maternité, et ce, depuis plusieurs années », explique-t-on à l’ARS francilienne, en invoquant, en premier lieu, la perte de sa certification par la Haute Autorité de santé, le 15 janvier, « signe que les conditions de sécurité n’y sont plus optimales ».
Autre argument mis en avant : la baisse de l’activité des Lilas. L’ARS comptabilisait environ 1 400 accouchements en 2019, et 940 en 2023. Les chiffres ont encore baissé depuis, de source syndicale. Troisième argument : une cessation de paiements semble possible, le gestionnaire de l’établissement – l’association Naissance – ne parvenant plus à assurer sa soutenabilité financière.
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Dans un contexte de renouvellement des autorisations d’activité, qui, pour les maternités, intervient à la rentrée 2025, un renouvellement de l’autorisation d’exercice des Lilas paraît « peu probable, voire impossible », confirme l’ARS francilienne dans une réponse écrite apportée aux questions du Monde.
Cela fait au moins une quinzaine d’années que cet établissement hors norme, engagé, depuis sa création, en 1964, dans tous les combats pour les droits des femmes à disposer de leur corps (droit à un accouchement naturel, droit à la contraception, droit à l’avortement…), est sous la menace d’une fermeture, notamment en raison du bâti et d’équipements vétustes, mais aussi d’une situation financière complexe. La maternité assumerait quelque 6 millions d’euros de déficit chaque année, comblé par l’ARS pour verser les salaires.
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2007, 2014, 2021, 2022, 2024. Les salariés de la maternité – ils sont 85 aujourd’hui – ne comptent plus les projets de déménagement, de restructuration, de rapprochement, envisagés pour tenter de maintenir l’activité d’obstétrique et d’orthogénie sur un territoire qui enregistre le plus fort taux de natalité de France métropolitaine, et où les difficultés d’accès aux soins sont connues. Le « premier désert médical de France », comme disent les soignants du département. Mais que ce soit avec la clinique Floréal de Bagnolet, la clinique Vauban de Livry-Gargan (fermée en 2023), le centre hospitalier intercommunal André-Grégoire de Montreuil, la maternité Les Bluets ou, plus récemment, l’hôpital Tenon, à Paris… aucun des plans de sauvetage envisagés n’a abouti.
« Les Lilas ont développé une culture différente des soins, un savoir-faire et un état d’esprit qui font sa renommée, mais qui peuvent difficilement être reproduits dans des structures plus grandes, des “usines à bébés”, rapporte la sage-femme et militante féministe Chantal Birman, cooptée par les personnels pour accompagner les discussions en cours, après avoir exercé parmi eux pendant quarante ans. Ici, on mobilise une sage-femme pour une patiente, deux patientes au maximum, quand les ratios habituels lors d’un accouchement médicalisé sont plutôt d’une sage-femme pour trois, quatre voire cinq patientes. »
Nouveau projet
C’est grâce à la mobilisation locale – celle des soignants, des patientes, de la municipalité – que la maternité des Lilas avait, jusqu’à présent, réussi à négocier un « sursis » après l’autre. En 2022-2023, encore, une pétition de soutien avait réuni des dizaines de milliers de signatures. Le contexte a changé, y compris du côté des professionnels de santé, reprend Chantal Birman : « Chacun se rend bien compte que la maternité ne vit que sous perfusion des deniers publics. Le nombre d’accouchements continue de diminuer, les femmes redoutent une fermeture au cours de leur grossesse… Et cette fermeture apparaît, aujourd’hui, à beaucoup d’entre nous, comme une option déchirante mais inéluctable. »
Mais pas à n’importe quelles conditions : « Nous avons deux priorités, affirme Corina Pallais, déléguée syndicale SUD, et psychologue aux Lilas depuis bientôt trente ans. La première, c’est de permettre aux femmes enceintes déjà inscrites aux Lilas d’aller au terme de leur parcours de soins, sans leur imposer d’aller accoucher ailleurs. La seconde, c’est, pour les personnels, d’obtenir un plan de sauvegarde de l’emploi, avec des conditions acceptables de départ. »
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Un nouveau projet porté par l’ARS francilienne, dans lequel s’est impliquée la maternité des Lilas, consiste à créer, sur l’emplacement de la maternité, un centre de soins pour la santé des femmes et des mères géré par l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Il assurerait le suivi avant et après la naissance, avec, aussi, une activité d’orthogénie maintenue, une compétence pour le traitement de l’endométriose, un accompagnement des couples LGBT et des personnes trans, etc.
En parallèle, les sages-femmes qui le souhaitent pourraient rejoindre l’unité physiologique en train d’être constituée à l’hôpital Tenon, à Paris – même si, à ce stade, ces dernières, comme les auxiliaires de puériculture, avec qui elles travaillent en binôme, y sont opposés, selon Corina Pallais. Les bâtiments de la maternité accueilleraient également des personnes en grande précarité dans des chambres gérées par Hôtel social 93. L’ensemble du projet, aux Lilas et à Paris, serait géré par l’AP-HP. Un protocole d’accord a été signé par l’ensemble des partenaires, le 26 juin.
« C’est un dispositif différent dont nous posons les premiers jalons, mais il correspond aux valeurs militantes d’accueil et d’ouverture historiquement portées par les professionnels de cette maternité », relève Lionel Benharous, le maire socialiste des Lilas, qui a fait voter un vœu en ce sens, en conseil municipal, mercredi 2 juillet, et s’engage à rester « mobilisé pour les membres du personnel et les patientes ». A ce stade, ceux-ci espèrent que la fermeture de la maternité n’interviendra pas avant la fin de l’année 2025.
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