Plus de 1 500 scientifiques appellent l’Europe à combler le déficit de financement en faveur de la biodiversité
Alors que les négociations sur le budget de l’Union pour la période 2028-2034 doivent débuter, des chercheurs s’inquiètent de voir la protection de l’environnement reléguée au second rang des priorités.

En deux semaines, ils sont plus de 1 500 scientifiques à avoir signé une lettre ouverte exhortant la Commission européenne à accroître ses financements en faveur de la biodiversité. Lancé le 11 juin par la branche autrichienne de Scientists for Future, une initiative née en 2019 en soutien au mouvement étudiant Fridays for Future, cet appel intervient alors que vont débuter les négociations sur le cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2028-2034. Une première mouture de ce budget devrait être présentée le 16 juillet par la Commission, dans un contexte où la protection de l’environnement n’apparaît plus comme une priorité.
« Ces cinq dernières années, l’Union européenne [UE] a démontré sa capacité à ajuster rapidement son budget pour faire face à la pandémie de Covid-19, à l’invasion russe de l’Ukraine ou à la crise énergétique, explique Carla Freund, chargée de la politique climatique et environnementale à l’Institut international d’analyse des systèmes appliqués, un centre de recherche indépendant. Mais le budget de l’UE ne parvient toujours pas à répondre à d’autres crises majeures, celles liées au climat et à la biodiversité. Or, les années 2028 à 2034 sont des années charnières. »
En 2022, un rapport réalisé pour la Commission européenne estimait le déficit de financement en faveur de la biodiversité à 19 milliards d’euros par an, en prenant en compte à la fois la contribution de l’UE et celle des Etats membres. D’ici à 2030, les pays européens se sont engagés à atteindre des objectifs ambitieux inscrits dans la stratégie biodiversité 2030, la loi pour la restauration de la nature ou encore l’accord de Kunming-Montréal, adopté en 2022. Ces textes prévoient notamment la protection de 30 % des terres et des mers ou la restauration de 20 % des écosystèmes dégradés.
Dégradation des sols
Aujourd’hui, les efforts à réaliser pour mettre un terme à l’érosion de la biodiversité demeurent considérables : plus de 80 % des habitats naturels sont dans un état de conservation « médiocre ou mauvais » et la population totale d’oiseaux a chuté de près de 19 % entre 1980 et 2017.
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« Le sous-investissement [en faveur de la biodiversité] a des conséquences sur la mise en œuvre des politiques, insiste Franz Essl, chercheur à l’université de Vienne, en Autriche. Par conséquent, le déclin de la biodiversité en Europe persiste, ce qui expose nos sociétés à des risques graves. Les inondations en Europe, par exemple, sont de plus en plus dévastatrices en raison de pluies plus intenses dues au changement climatique, mais aussi parce que les sols sont imperméabilisés. La dégradation des sols entraîne un ruissellement plus rapide des eaux, ce qui contribue à des pics de crue plus élevés. »
La compétitivité, priorité de la Commission
Alors que la Commission européenne a fait de la compétitivité sa nouvelle priorité, les scientifiques redoutent de voir les financements régresser, ou en tout cas reléguer au second plan. « D’après ce que nous savons des négociations budgétaires en cours, la nature ne reçoit une fois de plus pas l’attention qu’elle mérite, indique Carla Freund. Dans une communication sur l’avenir du CFP publiée en début d’année, la biodiversité est à peine mentionnée. »
« Le CFP va être complètement remis à plat et réorganisé autour de la compétitivité et de grands axes tels que la défense, la transition énergétique ou la santé, mais on ne voit pas comment la biodiversité va être prise en compte, ajoute Didier Babin, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement et signataire de l’appel. Or, la compétitivité dépend de la santé des écosystèmes. »
Ces derniers mois, des eurodéputés de droite et d’extrême droite ont également attaqué le programme Life, l’un des principaux outils de financement de l’environnement et du climat, arguant qu’il servirait à financer des ONG pour faire pression sur les institutions européennes. Ce programme, qui ne mobilise que 0,5 % du budget de l’UE, apporte pourtant des bénéfices majeurs en faveur de l’environnement et de l’économie, rappelle la lettre ouverte.