Déserts médicaux : la solidarité territoriale prend forme
Quentin Haroche| 27 Juin 2025
Le ministère de la Santé a dévoilé la liste des 151 zones rouges dans lesquelles les médecins seront incités à venir prêter main forte au nom de la solidarité territoriale, sur la base du volontariat dans un premier temps.
Lorsque, le 25 avril dernier, le Premier Ministre François Bayrou a dévoilé son plan de lutte contre les déserts médicaux, il n’a pas manqué de susciter un certain scepticisme chez les syndicats de médecins libéraux, voire une franche opposition. Les observateurs n’ont en effet pas trouvé très réaliste sa proposition phare consistant à demander aux médecins libéraux exerçant dans des zones suffisamment dotées en praticiens de venir exercer deux jours par mois dans des zones sous-denses.
Pourtant, deux mois à peine après ces annonces, le programme de « solidarité territoriale » du gouvernement prend forme. Le ministre de la Santé Yannick Neuder a ainsi dévoilé ce vendredi la liste des 151 intercommunalités prioritaires, les fameuses « zones rouges » où le programme de solidarité territoriale devra se déployer dès le mois de septembre.
Cette cartographie a été « réalisée avec les préfets, les agences régionales de santé, les élus locaux, et également les professionnels de santé, pour identifier les secteurs particulièrement désertiques » a expliqué Yannick Neuder sur BFM TV. Elle se base notamment sur le fameux indicateur d’accessibilité potentielle localisée (APL), un outil développé par la Drees, le service de statistiques du ministère de la Santé, et qui prend en compte le nombre de médecins de la commune, mais également l’offre de soins des communes environnantes, le niveau d’activité des professionnels de santé, la distance entre les patients et les soignants ainsi que l’âge de la population. Les services du ministère de la Santé ont également pris en compte la proportion de personnes en affection de longue durée (ALD) dans la population, la distance avec le service d’urgences le plus proche ainsi que le niveau de vie des ménages pour réaliser cette carte.null
Un système basé sur le volontariat…qui pourrait devenir obligatoire
En découle donc une liste de 151 zones rouges, dont 142 en métropole. Sans surprise, ce sont dans les zones rurales et en particulier dans la fameuse diagonale du vide nord-est/sud-ouest que se concentrent ces « super déserts médicaux ». En revanche, on ne trouve aucune zone rouge sur la côte méditerranéenne, ni en Ile-de-France, alors même que l’on déplore fréquemment le manque de médecins dans certaines banlieues parisiennes défavorisées.
Dès septembre, les généralistes seront donc incités à prêter main forte dans ces zones rouges deux jours par mois. Inciter est bien le mot, car ce système de solidarité territoriale « fonctionnera sur le mode du volontariat » a précisé Yannick Neuder à nos confrères du Monde. Les omnipraticiens qui joueront le jeu se verront ainsi gratifier d’une indemnisation financière, dont le montant est encore à déterminer, a précisé le ministre. Si le dispositif est pour le moment destiné uniquement aux généralistes, Yannick Neuder dit vouloir inciter « les médecins des autres spécialités qui souhaitent aller aider dans un cabinet secondaire ou dans des hôpitaux de proximité, à le faire ».
Un certain flou règne cependant sur les conditions de mise en œuvre de ce programme de solidarité territoriale. Si le système sera donc, dans un premier temps, basé sur le volontariat, la version finale pourrait être bien différente. Lors de l’adoption de la proposition de loi Mouiller au Sénat en mai dernier, le gouvernement a en effet voté un amendement pour donner une assise légale à son nouveau programme de lutte contre les déserts médicaux. Bien que cela ne soit pas dit clairement, il semble bien, à la lecture de l’amendement, que le dispositif sera in fine obligatoire. Il est en effet prévu que les médecins récalcitrants pourront être sanctionnés d’une pénalité financière, pouvant aller jusqu’à 1 000 euros par jour, voire même être réquisitionnés par les agences régionales de Santé.null
Le gouvernement agit vite…au risque d’improviser ?
Le ministre de la Santé ne s’est pas montré beaucoup plus précis sur les obstacles pratiques à la mise en place de cette mission de solidarité. En effet, on est en droit de se demander dans quels locaux et avec quel matériel ces médecins itinérants vont pouvoir exercer. Reconnaissant que ce dispositif est pour le moment « en phase de test », le ministre explique qu’il va falloir « rôder le système, trouver les lieux, ces maisons médicales, ces bureaux qui sont disponibles pour accueillir les patients ». « L’idéal serait d’avoir, demain, 151 centres avec au moins un médecin présent tous les jours, soit sur 250 jours ouvrables dans l’année ; je pense qu’on peut y arriver » poursuit le ministre, optimiste.
Finalement, le ministre revendique la nécessité de poser un premier jalon de cette nouvelle politique de lutte contre les déserts médicaux, au risque de glisser dans l’improvisation. « Nous n’avons pas la prétention de régler du jour au lendemain le problème des déserts médicaux, mais c’est une mesure à laquelle on s’était engagé, dans un ensemble d’actions, et qui vacommencer à faire reculer les déserts dans les zones les plus vulnérables, dès septembre » plaide ainsi le ministre. « Il faut bien commencer quelque part : nous n’attendons pas, nous agissons ».
Le ministre a également mis en avant les autres mesures prises ces derniers mois et années par le gouvernement pour pallier la pénurie de médecins : création d’une 4ème année d’internat de médecine générale, suppression du numerus apertus, régularisation des Padhue, retour des étudiants partis à l’étranger, etc. Yannick Neuder promet ainsi que la France comptera, dès 2027, 50 000 médecins supplémentaires en activité.
Déserts médicaux : le gouvernement définit 151 zones rouges pour la « mission de solidarité obligatoire » des médecins
La mesure, qui prévoit de demander à des médecins d’aller prêter main-forte dans les territoires les moins bien pourvus, s’appliquera à partir de septembre, sur la base du volontariat.

Nouvelle étape dans la mise en place de la « mission de solidarité obligatoire » des médecins, soit la mesure clé du « pacte » annoncé par le premier ministre, François Bayrou, le 25 avril, pour lutter contre les déserts médicaux. Le ministère de la santé dévoile, vendredi 27 juin, la cartographie des zones qui vont bénéficier, dès septembre, du soutien de médecins généralistes, jusqu’à deux jours par mois. Ceux-ci viendront de territoires mieux dotés pour prêter main-forte à ceux qui sont en souffrance. Sujet sensible, ce découpage ne va pas manquer d’être scruté de près, à l’heure où l’accès aux soins se dégrade dans de nombreux territoires.
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Dans la Creuse, l’Yonne, l’Indre, le Cher, le Gers, le Tarn, l’Aude… 151 intercommunalités ont été retenues, à partir d’un indicateur composite mêlant besoins et offre existantes, pour calculer un « cumul des fragilités ». On y trouve pris en compte, pêle-mêle, la densité médicale (inscrite dans un indicateur dénommé « accessibilité potentielle localisée », avec une pondération par rapport au niveau d’activité des professionnels et à l’âge de la population), mais aussi la part de personnes en affection longue durée, le temps de route jusqu’au service d’urgence le plus proche ou encore le niveau de vie des ménages.

« C’est un premier pas et c’est inédit de s’inscrire comme ça, à l’échelon du bassin de vie, au plus proche des territoires, pour apporter une solution immédiate et urgente, souligne, auprès du Monde, Yannick Neuder, ministre de la santé. Nous n’avons pas la prétention de “régler” du jour au lendemain le problème des déserts médicaux, mais c’est une mesure à laquelle on s’était engagé, dans un ensemble d’actions, et qui va commencer à faire reculer les déserts dans les zones les plus vulnérables, dès septembre. »
Une concertation avec les préfectures, les agences régionales de santé (ARS) et les élus a été organisée, ces dernières semaines, pour atteindre ce résultat – une dizaine de territoires ont été ajoutés à l’issue de ces discussions. Au total, 2,5 millions d’habitants pourraient être concernés, soit près de 4 % de la population.
Incitation financière
Avec 151 intercommunalités marquées en rouge, impossible néanmoins de couvrir l’ensemble des déserts médicaux – ils représentent, si l’on retient l’indicateur des ARS pour définir les zones en tension, 87 % du pays. Mais « il faut bien commencer quelque part et il s’agit d’apporter du soin aux populations des territoires qui en ont le plus besoin, qui n’ont plus d’accès à un médecin », défend le ministre.
En regardant la carte, ce sont, sans surprise, les territoires ruraux qui ont été sélectionnés, correspondant largement à la « diagonale du vide », du Nord-Est au Sud-Ouest, allant de la Haute-Marne jusqu’aux Landes, en traversant la Nièvre, l’Allier, la Creuse, la Dordogne, le Lot-et-Garonne… Les territoires plus attractifs, telles les métropoles ou les côtes méditerranéenne et atlantique, n’y figurent pas. Ni même l’Ile-de-France, qui souffre pourtant, elle aussi, d’une faible densité de généralistes, en premier lieu en Seine-Saint-Denis.
Une fois ces zones définies, comment la mission de solidarité va-t-elle s’appliquer aux médecins ? Si le ministère de la santé refuse d’y voir un renoncement, elle ne sera finalement pas obligatoire dans un premier temps. « Nous allons fonctionner sur le mode du volontariat », annonce M. Neuder, rappelant que c’est le cas du modèle dont il s’inspire, le dispositif « Médecins solidaires ». Les volontaires pourront prendre un remplaçant, les jours consacrés à cette mission, ce qui n’est pas possible selon les règles actuelles. Quant à l’incitation financière promise, cette mission fera l’objet d’une indemnisation, qui s’ajoutera à la rémunération des actes et des consultations réalisés, précise le ministre, sans en dévoiler le montant, qualifiant ces prochains mois de « phase test ».
La configuration est complexe : pour mettre en musique ce plan annoncé par M. Bayrou, le gouvernement a choisi de passer par une proposition de loi dont l’examen a débuté en mai, au Parlement, celle du sénateur Philippe Mouiller (Les Républicains, Deux-Sèvres), qui prévoit notamment une régulation à l’installation pour les médecins généralistes. La mission de solidarité y a été introduite par amendement, avec, pour l’accompagner, la possibilité d’appliquer des sanctions à un médecin en cas de refus – jusqu’à 1 000 euros de pénalité –, voire celle d’en passer par la réquisition. De quoi assurer son caractère obligatoire. Mais le texte, adopté le 13 mai au Sénat, n’a pas achevé son parcours parlementaire – il doit encore être examiné par l’Assemblée nationale, à l’automne, espère-t-on au ministère de la santé. D’où ce caractère encore expérimental, pour la rentrée.
« Nous avançons, petit à petit »
Sans compter un contexte politique confus : une autre proposition de loi, portée par le député Guillaume Garot (Parti socialiste, Mayenne), a été votée, le 7 mai, par l’Assemblée nationale. Elle prévoit une mesure de régulation plus forte, qui n’est pas, elle, soutenue par le gouvernement.
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« Nous n’attendons pas, nous avançons, petit à petit, défend M. Neuder. Les médecins se sont exprimés contre l’obligation, à eux de se saisir de cette mission de solidarité ! » Pour cette première étape, seuls les généralistes seront concernés, et non les spécialistes, pour lesquels les indicateurs n’existent pas encore de manière aussi fine. « J’ai aussi écrit aux conférences de directeurs des établissements de santé pour que les médecins des autres spécialités qui souhaitent aller aider dans un cabinet secondaire ou dans des hôpitaux de proximité, une demi-journée, une journée par semaine ou par mois, soient incités à le faire », ajoute le ministre.
Quant aux futurs médecins généralistes volontaires, ils iront faire leur mission prioritairement dans des cabinets existants – par exemple, des maisons de santé avec des professionnels paramédicaux mais sans médecins – ou dans des locaux que l’ARS et les élus vont s’organiser pour équiper. « L’idéal serait d’avoir, demain, 151 centres avec au moins un médecin présent tous les jours, soit sur 250 jours ouvrables dans l’année ; je pense qu’on peut y arriver », reprend le ministre.
Commentaire Dr Jean Scheffer:
A force de refuser de réguler l’installation des généralistes et des spécialistes les gouvernements successifs de Sarkozy à Macron se couvrent de ridicule. Ce qui est bon pour les autres professions (infirmières/ers, kinésithérapeutes, sages femmes, pharmaciens) ne le serait pas pour les médecins !
Ils s’enferment dans leur obstination quitte à affirmer des contrevérités comme déclarer que la régulation n’a pas marché sans les autres pays (alors qu’elle est efficace au Canada et en Allemagne par exemple).
Pour couper l’herbe sous les pieds à la proposition de loi intergroupe de Guillaume Garot*, votée en commission des affaires sociales, ils inventent une énième machine à gaz sous forme d’une obligation volontaire** pour aller quelques jours « boucher les trous ». Rien de tel pour démotiver des praticiens qui seront dans l’impossibilité d’assurer une continuité de prise en charge de nos malades chroniques abandonnés dans les déserts médicaux.
Le coté positif est la volonté d’établir la liste et le lieu exact de ces zones vulnérables. Curieusement il n’est retrouvé que 2,5 millions d’habitants qui pourraient être concernés, soit près de 4 % de la population, alors que nous savons qu’au moins 10 millions de français vivent dans des déserts médicaux.
On nous avait bassiné en affirmant qu’une régulation de l’installation des médecins ne servirait à rien car il n’y avait plus de territoire sur-doté et que plus de 87% du territoire était sous doté.
La méthodologie pour désigner les zones prioritaires se discute. En effet prendre en compte la localisation des services d’urgence comme un point positif ne signifie rien vis à vis de la nécessité de faire venir des médecins volontaires; combien de fois les patients se rendent aux urgences par manque de médecin traitant. On peut s’étonner de l’absence d’intercommunalités en difficulté en Ile de France en particulier en Seine-Saint Denis.
Une fois encore on ne parle que des déserts médicaux en généralistes. Il y a tous les autres déserts médicaux, encore plus nombreux et divers qui ne sont pas concernés par ces hypothétiques mesures.
Les déserts médicaux sont partout (déserts en généralistes en milieu rural et dans les quartiers, déserts hospitaliers comme les 40% de postes vacants dans nos hôpitaux généraux et psychiatriques, certains médecines spécialisées comme pédiatrie, gynécologie médicale, ophtalmologie…, CMP, PMI, médecine scolaire et universitaire, médecins du travail et pénitentiaire, santé publique, …). Il faut donc une vision globale et arrêter de vouloir solutionner à part chacun des secteurs. A vision globale, solution globale et elle existe, mais personne accepte de l’entendre à part l’ Académie de médecine***, mais que pour une année et l’Association des Citoyens contre les Déserts Médicaux (ACCDM)****
La solution c’est un « Clinicat-Assistanat pour tous », en fin d’internat, obligatoire pour tous les futurs généralistes et les futurs spécialistes, d’une durée de 3 ans. L’activité serait partagée entre divers établissements, à l’image des assistants partagés actuels entre hôpitaux Généraux (CHG) et CHU. Les chefs de clinique-Assistants auraient leur activité entre CHU et CHG pour les futurs spécialistes; entre CHG-CHU et PMI, CMP, santé publique, santé scolaire, médecine pénitentiaire, médecine du travail, EHPAD… ; entre CHG et centres de santé et maisons de santé… Il s’agit donc par un seul et même dispositif de solutionner en quelques années l’ensemble des manques criants et urgents de médecins dans tous les domaines, dans toutes spécialités, sans pénaliser une catégorie, les futurs généralistes par exemple, ou les étudiants en médecine peu fortunés, obligés de s’installer dans un désert pour se payer leurs études. Cela évitera de plus le dumping entre villes, entre départements pour recruter ou débaucher, les jeunes en fin d’internat, ou ceux déjà installés et répondant à une offre plus alléchante. Il faudra définir par région, département et territoire, les manques les plus urgents en généralistes et spécialistes, et en tirer les conséquences sur la répartition par spécialité pour la première année d’internat et pour les postes de « Clinicat-Assistanat »
La motivation de ma proposition est sur le lien « Vision Globale -Solution globale »: https://1drv.ms/w/s!Amn0e5Q-5Qu_sAoKetf_T8OKk2Io?e=GfjeRj?e=4YzGt2
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Voir aussi:
Liberté d’installation: c’est la première fois qu’un texte est aussi proche d’être définitivement adopté et ce en dépit de l’opposition du gouvernement. *https://jeansantepolitiqueenvironnement.wordpress.com/wp-admin/post.php?post=62557&action=edit
**https://jeansantepolitiqueenvironnement.wordpress.com/wp-admin/post.php?post=62109&action=edit
On ne peut pas dire que le journal « Le Monde » défende chaudement la proposition de loi trans-partisane de Guillaume Garot https://jeansantepolitiqueenvironnement.wordpress.com/wp-admin/post.php?post=61965&action=edit
Il y a des médecins qui sont pour une régulation des installations.
Le Syndicat de la Médecine Generale (SMG) ne s’inscrit pas dans la logique libérale et n’est pas contre le principe des limitations à l’installation.
Des menaces et d’anciennes mesures recyclées et qui ont déjà échoué, c’est soit disant un plan contre les déserts médicaux.