L’explosion de la dette publique française expliquée en quatre infographies
Il y a 11 heures 26/06/2025
INFOGRAPHIES – À la fin du premier trimestre 2025, la dette publique française s’établit à 3345,8 milliards d’euros, soit 114% du PIB.Passer la publicité
SOMMAIRE
- Une dette en constante augmentation
- Un budget en déséquilibre depuis 50 ans
- La France rappelée à l’ordre par les agences
Au premier trimestre 2025, la dette publique au sens du traité de Maastricht – norme de référence dans l’Union européenne – s’élève à 3345,8 milliards d’euros, en hausse de 40,5 milliards par rapport au trimestre précédent. En pourcentage du PIB, elle représente désormais 114%, dépassant une nouvelle fois la barre symbolique des 100%. Son montant est donc bien supérieur à la richesse économique du pays. Ce seuil critique rappelle combien la promesse de maintenir la dette publique sous les 60% du PIB, posée lors des accords de Maastricht, est désormais lointaine. Avec une dette près de deux fois supérieure à cette limite, la France fait partie des pays les plus endettés de la zone euro, devancée seulement la Grèce (153,6%) et l’Italie (135,3%).
Une dette en constante augmentation

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Depuis des décennies, la dette publique française suit une trajectoire ascendante quasi ininterrompue. Portée par des crises successives et des déficits structurels, elle s’est alourdie de manière spectaculaire, traversant les quinquennats sans réelle inflexion durable. La barre des 1000 milliards de dette est atteinte en 2003, elle représente alors 64% du PIB. Celle des 2000 milliards est atteinte dix ans plus tard – 95% du PIB. Et celle des 3000 milliards, début 2023, soit 112% du PIB.

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La dette publique désigne l’ensemble des emprunts contractés par les administrations publiques qui ne sont pas encore remboursés. l’État en porte l’écrasante majorité. Dans le détail, l’État cumule 2 723,7 milliards d’euros de dettes, soit 81% de l’ensemble de la dette publique. En y ajoutant les organismes divers d’administration centrale (ODAC), tels que les universités ou les musées, qui affichent 69,7 milliards d’euros d’endettement, la part de l’administration centrale grimpe à 84% du total au premier trimestre 2025.

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Les autres composantes du secteur public pèsent beaucoup moins lourd dans la balance. Les administrations publiques locales – collectivités territoriales, établissements publics locaux, chambres consulaires – représentent 262,5 milliards d’euros, soit 8% de la dette. Quant aux administrations de Sécurité sociale, comprenant les régimes de retraite, l’assurance chômage et les hôpitaux publics, elles totalisent 289,9 milliards d’euros, équivalant à 9% du montant global.
Un budget en déséquilibre depuis 50 ans
La dette française trouve en grande partie son origine dans un déséquilibre budgétaire persistant : depuis 50 ans, les dépenses de l’État excèdent systématiquement ses recettes. Entre 1973 et 2024, les dépenses publiques sont passées de 40,9% à 57% du PIB, un niveau bien supérieur à la moyenne observée chez nos voisins européens. L’an dernier, la France a dépensé 1670 milliards d’euros pour des recettes de seulement 1500 milliards. Résultat : un déficit de près de 170 milliards d’euros, l’un des plus élevés jamais enregistrés, en dehors de celui de 2020 provoqué par la crise sanitaire du Covid-19.
L’envolée de la dette a une conséquence directe : l’augmentation de la charge de la dette, c’est-à-dire le montant des intérêts que l’État doit verser à ses créanciers. Avec une dette publique dépassant les 3300 milliards d’euros, la France pourrait bientôt consacrer davantage de ressources au remboursement de ses créanciers qu’au service de ses citoyens.

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La charge de la dette, qui s’élève déjà à près de 59 milliards d’euros, continue de croître sous l’effet de son propre poids. Elle atteindra 67 milliards d’euros en 2025, un niveau historiquement élevé. Ce poste budgétaire a désormais dépassé celui de la Défense et se rapproche dangereusement de celui de l’Éducation nationale. Exprimée en pourcentage du PIB, la charge de la dette représentait 3,25% en 2023 et devrait franchir les 5% d’ici 2027.
La France rappelée à l’ordre par les agences
Face à cette trajectoire inquiétante, les agences de notation ont commencé à réagir. La France avait vu sa note dégradée en 2023 par Fitch et en 2024 par Standard & Poor’s. Elles lui attribuent actuellement une note de « AA-« , sur une échelle d’une vingtaine de crans allant de « AAA », la meilleure note possible, à « D », synonyme de défaut de paiement. Même verdict chez Moody’s, l’agence de notation américaine a abaissé la note française en décembre dernier, passée de Aa2 à Aa3, l’équivalent d’un 17/20. Les agences pointent notamment l’instabilité de la politique économique et l’absence de trajectoire claire pour réduire l’endettement.Passer la publicitéPasser la publicité
La dette française s’emballe et atteint un nouveau record mais une tutelle du FMI est écartée
L’endettement de la France atteint désormais 3 346 milliards d’euros, selon l’Insee. Une intervention du Fonds monétaire international paraît néanmoins écartée à court terme. En cas de crise, la Banque centrale européenne pourrait plus facilement agir.
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Elle monte, elle monte très vite, la dette française. Malgré les efforts du gouvernement, le gel de certains crédits et la promesse d’économies massives, la dette publique tricolore a encore progressé de 40,5 milliards d’euros en trois mois, pour atteindre 3 345,8milliards à la fin mars, selon le chiffrage rendu public, jeudi 26 juin, par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). En un an, la dette, présentée par le premier ministre, François Bayrou, comme le grand ennemi public du pays, s’est alourdie de 185 milliards d’euros, soit 6 %.
Cet endettement massif peut-il conduire la France à se retrouver bientôt placée sous la tutelle de Bruxelles, de la Banque centrale européenne ou du Fonds monétaire international (FMI) ? Cette « troïka » pourrait-elle lui imposer un plan d’austérité, comme ce fut le cas dans les années 2010 pour la Grèce, quand il est apparu que le pays avait maquillé ses comptes et que son déficit budgétaire était trois fois plus élevé que le chiffre officiel ?
Depuis plusieurs semaines, telle est la spectaculaire menace brandie par le gouvernement, à l’approche de la présentation par François Bayrou, en principe après le 14 juillet, de mesures de redressement financier très attendues. « Si nous ne faisons pas ces choix maintenant, ce seront nos créanciers ou le FMI qui nous les imposeront, a prévenu la ministre des comptes publics, Amélie de Montchalin, dans Le Journal du dimanche, le 7 juin. C’est le dernier moment pour avoir du courage. » Un message, aussi, martelé sur RTL, le 10 juin : « Il y a un risque de tutelle des institutions internationales, des institutions européennes, de nos créanciers. »
« Probabilité nulle »
En agitant le spectre d’une intervention humiliante des prêteurs étrangers, l’exécutif peut espérer faire passer plus facilement le futur budget et son lot d’économies, malgré l’impopularité record du premier ministre et l’absence de toute majorité à l’Assemblée nationale. Ce n’est plus « Moi ou le chaos », cette fameuse formule prêtée au général de Gaulle et inventée, en réalité, par ses adversaires, mais « Mon budget ou le FMI ».
La référence volontairement angoissante au FMI, cette vieille institution internationale à l’image très sombre, ne semble pourtant pas d’actualité. « La France mise sous tutelle ? J’ai beau être plus inquiet qu’avant, et très prudent, je peux vous l’assurer : cela n’arrivera pas cette année ni la suivante, tranche Frédérik Ducrozet, spécialiste de la macroéconomie pour le groupe bancaire Pictet. Aujourd’hui, la probabilité d’un tel scénario est nulle. » Jean-François Robin, de Natixis, est sur la même ligne. Il n’imagine un recours au FMI que si la France sortait de l’euro, une option qu’aucun parti n’évoque plus. Comme la grande majorité des spécialistes, Bruno Cavalier, chef économiste dans le groupe financier Oddo, se déclare, lui aussi, « assez dubitatif » sur la possibilité d’une action du FMI dans l’Hexagone.
L’institution, installée à Washington, a écarté l’hypothèse, au moins dans l’immédiat. « Il n’y a pas de sujet (…) actuellement, a affirmé son économiste en chef, Pierre-Olivier Gourinchas, interrogé, le 17 juin, sur BFM Business. La question pourrait se poser mais, j’ai envie de dire, ni demain ni après-demain. » Elle se poserait seulement « si vraiment rien n’était fait, (…) s’il n’y avait aucune volonté d’infléchir la trajectoire de la dette ». Or François Bayrou en affiche, au contraire, quotidiennement la volonté.
Sombres scénarios
La situation n’est demeure pas moins alarmante. Les comptes de l’Etat pour 2024 ont été rejetés par l’Assemblée nationale et le Sénat, les élus condamnant la « mauvaise gestion budgétaire » des gouvernements successifs. Le budget 2025, adopté avec retard, a fait l’objet d’un accord politique minimaliste. Mois après mois, surtout, l’Etat, la Sécurité sociale et les collectivités locales continuent de dépenser bien plus que ce qu’ils perçoivent, comme depuis cinquante ans. Au premier trimestre, l’écart entre les recettes et les dépenses publiques a encore atteint 5,6 % du produit intérieur brut (PIB).
Pour le combler, pas d’autre solution que de s’endetter toujours davantage. C’est ainsi que le cumul des emprunts contractés au fil des ans est monté à 114 % du PIB fin mars, contre 110,4 % un an plus tôt. Dans le budget 2025, il est prévu qu’il atteigne 115,5 % en fin d’année. Le problème est qu’il faut payer des intérêts sur cette lourde dette. En 2025, ils devraient coûter 53 milliards d’euros, rien que pour l’Etat, contre 44,5 milliards en 2024, selon Bercy. La facture pourrait grimper à 112 milliards d’euros en 2029, selon une des projections de la Cour des comptes. De l’argent totalement improductif, et qui empêche d’investir dans d’autres domaines.
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Pour l’heure, la France n’a aucun mal à trouver des investisseurs prêts à lui prêter des fonds. Lundi 23 juin, le Trésor a encore levé 7,6 milliards d’euros, remboursables d’ici trois à douze mois. L’offre était quatre fois supérieure à ce dont Bercy avait besoin. Les taux pratiqués, après avoir bondi avec la dissolution, restent, depuis, assez stables.
Mais rien n’assure que les financiers se montreront toujours aussi ouverts. Les économistes ont tous de sombres scénarios en tête. « On peut imaginer un cocktail où une crise mondiale, provoquée, par exemple, par l’instauration d’énormes droits de douane, se conjugue avec une crise politique française et une chute du gouvernement », glisse Frédérik Ducrozet, de Pictet. Pour peu que les agences de notation finissent par ravaler la France dans la catégorie « simple A », comme c’est possible à tout moment, « il est pensable qu’un jour une émission de dette se passe mal », poursuit-il. C’est-à-dire que les banques et les investisseurs réclament soudain des taux d’intérêt beaucoup plus élevés.
Faire baisser les taux d’intérêt
Le mouvement pourrait être alimenté par des fonds spéculatifs misant sur les difficultés budgétaires françaises. D’année en année, les hedge funds se montrent de plus en plus actifs sur le marché de la dette publique. « En 2023, ils représentaient environ 55 % des volumes échangés de titres souverains de la zone euro », souligne la Banque de France dans un rapport publié mardi.
Même dans le cas d’une telle crise financière, les économistes ne croient cependant guère à l’arrivée du FMI, prêteur de dernier ressort, capable d’imposer des cures de minceur à certains Etats devenus ses débiteurs. « Le FMI n’est pas un gendarme des finances publiques, observe Bruno Cavalier, d’Oddo. Il intervient plutôt dans les pays qui ont des problèmes pour financer leur déficit de balance de paiement. Or en France, cette balance est presque équilibrée. »
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Dans l’hypothèse d’une crise financière, d’autres opérateurs pourraient plus facilement voler au secours de la France. A commencer par la Banque centrale européenne, susceptible d’acheter de la dette tricolore pour faire baisser les taux d’intérêt, notamment via un outil créé en 2022 et encore jamais utilisé, le Transmission protection instrument.
Plus qu’une mise sous tutelle, la France semble, en réalité, risquer une forme d’asphyxie financière, avec une charge de la dette si massive qu’elle pourrait forcer le pays à effectuer – lui-même – des choix douloureux.