La loi Duplomb subordonne la santé à des intérêts économiques et répète des erreurs dévastatrices. (

« L’adoption de la loi Duplomb représenterait un recul majeur pour la santé publique » (un collectif de scientifiques, sociétés savantes et de patients).

Tribune

Cette proposition de revenir, notamment, sur l’interdiction de pesticides dangereux, examinée en commission mixte paritaire à partir du 30 juin, subordonne, selon un collectif de scientifiques et de patients dans une tribune au « Monde », la santé aux intérêts économiques et répète des erreurs dévastatrices.

Publié hier à 11h00, modifié hier à 15h29  T’y https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/06/25/l-jadoption-de-la-loi-duplomb-representerait-un-recul-majeur-pour-la-sante-publique_6615837_3232.htmlj

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L’examen de la proposition de loi du sénateur (Les Républicains) de la Haute-Loire Laurent Duplomb par une commission mixte paritaire, le 30 juin, sera un moment historique. En effet, loin de répondre à son objectif louable (« lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur »), l’adoption de ce texte marquerait un recul majeur pour la santé publique. Il aggraverait l’exposition de l’ensemble de la population, et en premier lieu des agriculteurs, aux pesticides.

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Les dangers des pesticides pour la santé humaine ne sont plus à démontrer. Les expertises collectives de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) de 2013 et 2021, fondées sur une analyse exhaustive de la littérature scientifique, établissent une forte présomption de lien entre l’exposition à ces substances et de nombreux cancers : prostate, leucémies, myélomes, lymphomes, cancers pédiatriques. S’y ajoutent des maladies neurodégénératives, comme la maladie de Parkinson, des affections pulmonaires comme la broncho-pneumopathie chronique obstructive et des troubles du développement neurologique chez les enfants. Le système d’homologation actuel se contente de tests mesurant la toxicité des molécules en laboratoire, ce qui n’est pas une approche suffisante pour détecter tous les effets possibles sur la santé humaine. L’histoire en témoigne tragiquement : des produits comme le lindane, le chlordécone ou le malathion ont reçu une autorisation de mise sur le marché avant d’être retirés en raison de leurs impacts sanitaires dévastateurs.

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Le principe démocratique voudrait que la décision politique s’appuie sur ces données scientifiques. La proposition de loi Duplomb fait exactement l’inverse, en organisant un recul inacceptable de la protection sanitaire de nos concitoyennes et concitoyens. Premier recul : la création d’un « conseil d’orientation pour la protection des cultures », associant notamment l’industrie phytosanitaire et les syndicats agricoles, dont les avis pourraient s’imposer à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).

Situation alarmante

Il s’agit, ni plus ni moins, de subordonner l’expertise scientifique et la santé publique aux intérêts économiques, comme on avait pu le faire avec le Comité permanent amiante, avec les conséquences que l’on sait. Deuxième recul : la réautorisation d’insecticides de la famille des néonicotinoïdes, interdits en 2018 pour leurs effets toxiques sur les insectes pollinisateurs. Ces agents neurotoxiques, que l’on retrouve désormais dans l’eau de pluie, ont aussi des effets sur le cerveau de nos enfants : deux études ont montré une corrélation entre l’exposition in utero et la diminution du quotient intellectuel. Que faudrait-il de pire pour que le législateur ouvre les yeux ?

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L’incidence des cancers augmente tous les ans chez les enfants et les jeunes adultes. Est-ce inexorable ? Face à cette situation alarmante, chercheurs et soignants font preuve d’une détermination sans faille pour mieux comprendre l’origine de ces maladies, développer de nouveaux traitements et offrir les meilleurs soins aux patients. Certains facteurs de risque ont d’ores et déjà été identifiés, parmi lesquels les pesticides, des agents sur lesquels seule l’action politique peut avoir un impact. Allons-nous continuer à répéter les erreurs du passé, responsables de scandales sanitaires majeurs comme ceux de l’amiante, ou du chlordécone dans les bananeraies antillaises ? Mesdames et messieurs les membres de la commission mixte paritaire, notre santé, celle de nos enfants, et particulièrement celle des agriculteurs, doit être votre priorité.

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Parmi les signataires : Dominique Bazy, président de la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer ; Philippe Bergerot, président de La Ligue nationale contre le cancer ; Mélanie Courtier, présidente de Jeune & Rose (collectif de jeunes femmes touchées par un cancer du sein) ; Olivier Coutard, président du conseil scientifique du CNRS ; Agnès Linglart, présidente de la Société française de pédiatrie ; Philippe Pourquier, président de la Société française du cancer ; Emmanuel Raffoux, président de la Société française d’hématologie ; Gérald Raverot, président de la Société française d’endocrinologie ; Pierre Sujobert, membre du conseil d’administration de la Société française d’hématologie, auteur de la tribune ; Marie Vidailhet, présidente de la Société française de neurologie ; Anne Vuillemin, présidente de la Société française de santé publique.

Retrouvez tous les signataires ici.

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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