Médecins spécialistes : la Cnam s’inquiète de la hausse « significative » des dépassements d’honoraires
Le montant total des dépassements d’honoraires facturés par les médecins a atteint 4.5 milliards d’euros en 2024, soit une hausse de 7% par an depuis 2021, relève la Cnam dans son rapport Charges et produits pour 2026.
Par Aveline Marques

Il y a un avant et un après Covid. Le montant total des dépassements d’honoraires facturés par les médecins, qui s’élevait à 3.5 milliards d’euros en 2019, a augmenté de 7% par an depuis 2020, pour atteindre 4.5 milliards d’euros en 2024, pointe la Cnam dans son rapport Charges et produits pour 2026. « Si une hausse des dépassements a pu être activée par les médecins de secteur 2 pour compenser via leurs tarifs en 2021 la perte d’activité de 2020, puis du fait de la forte inflation de 2022 et 2023, l’accélération constatée depuis est significative », relève le rapport.

En outre, les taux d’installation en secteur 2 « restent élevés et ont globalement augmenté », rapporte la caisse : 74% des nouvelles installations se sont faites en secteur 2 en 2024, contre 64% en 2017. Toutes sécialités confondues, 56% des spécialistes exercent désormais en secteur 2, contre 37% en 2000.
Si la mise en place de l’Optam a permis de stabiliser la part des dépassements dans les honoraires des spécialistes autour de 15.5% jusqu’en 2020, depuis elle a fortement progressé, pour atteindre 17.7% en 2023. Résultat : le taux de reste à charge des ménages pour les soins spécialisés, qui avait « fortement diminué » entre 2017 et 2021, passant de 12.4% à 9.8%, a de nouveau augmenté, s’élevant à 11.1% en 2023.
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Pour enrayer cette hausse, la nouvelle convention a revu le dispositif de l’Optam. Mais les nouveaux avenants proposés, qui prennent en compte les revalorisations tarifaires (dont une partie vient d’être reportée à janvier 2026), présentent des objectifs si contraignants que de nombreux spécialistes pourraient choisir de ne pas les signer. Ils ont jusqu’au 27 juin pour se décider.
Des dépassements sur la base de l’expérience et de l’expertise ?
Déterminée à « geler durablement le niveau de dépassement », la Cnam juge « impératif » d’engager une « refonte plus conséquente » de l’Optam, dans le cadre de la révision de la CCAM, qui a pris du retard.
Dans l’attente, une mission lancée par François Bayou sur les dépassements d’honoraires devrait rendre ses conclusions en septembre prochain. « S’agissant de l’encadrement de la pratique tarifaire, l’Assurance Maladie suggère dans le cadre de ces travaux de relier davantage le niveau des dépassements et leur progression et à des critères d’expérience et d’expertise », précise le rapport Charges et produits.
Auteur de l’article Aveline Marques Rédactrice en chef web
Extrait du rapport de la CNAM:AMÉLIORER LA QUALITÉ DU SYSTÈME DE SANTÉ ET MAÎTRISER LES DÉPENSES (page 54)
Les soins programmés spécialisés : un accès aux soins spécialistes rendu complexe par la pratique des dépassements d’honoraires
En 2024, le montant total des dépassements d’honoraires atteint 4,5 Md€ avec une rupture marquée depuis la crise sanitaire du COVID-19. Alors que le montant a peu évolué entre 2010 et 2019 (+2% par ans), on assiste à une dynamique très significative depuis 2021 (+7%/an). Si une hausse des dépassements a pu être activée par les médecins de secteur 2 pour compenser via leurs tarifs en 2021 la perte d’activité de 2020, puis du fait de la forte inflation de 2002 et 2023, l’accélération constatée depuis est significative

Les taux d’installation en S2 restent élevés et ont globalement augmentés. A titre d’exemple 87 % des chirurgiens, 85 % des anesthésistes, 89 % des gynécologues-obstétriciens s’installent en secteur 2. Cette dynamique entraîne une hausse de la part des médecins en secteurs 2 nouveaux installés passant de 64% à 74% et du nombre de total de médecins spécialistes en secteur 2 passant de toutes spécialités confondues de 37% en 2000 à 56% en 2024 avec une nette accélération de ce taux depuis 2017 puisqu’il a augmenté de 10 points entre 2017 et 2024.

Pour permettre de limiter le reste à charge des patients consultant un médecin de secteur 2, il a été mis en place un dispositif optionnel de maitrise des tarifs (l’OPTAM). En contrepartie d’un engagement à respecter notamment un taux de dépassement particulier, le médecin devient également éligible à divers avantages financiers. Ce dispositif a permis de stabiliser la part des dépassements dans les honoraires des médecins spécialistes en ville (hors médecins généralistes) qui est resté stable proche de 15,5% jusqu’en 2020. Cependant, on note depuis 2020, une hausse de cette part qui a atteint 17,1% en 2023. Dans le même temps, les taux de reste à charge des ménages pour les soins de spécialistes en ville (hors médecins généralistes) ont fortement diminué entre 2017 et 2021 passant de 12,4% à 9,8% mais ont depuis augmenté pour atteindre 11,1% en 2023 (70).
Afin de réduire les restes à charge et d’améliorer la prise en charge financière des soins des patients, la convention médicale 2024-2029 a actualisé le dispositif de l’option pratique tarifaire maîtrisée (Optam) et l’a conforté. Dans un objectif d’attractivité et de développement de l’activité à tarif opposable, de réduction des dépassements d’honoraires et d’amélioration du niveau de remboursement par l’Assurance Maladie, certains paramètres du dispositif ont été remis à jours. Il est toutefois impératif d’engager, dans le cadre de la révision de la CCAM à venir, une refonte plus conséquente du dispositif OPTAM (simplification, périmètre d’éligibilité, couverture AMO/AMC, etc.) pour geler durablement le niveau de dépassement.
Dans le prolongement de cette action et pour garantir à tous un accès, en particulier financier, aux soins, de nouvelles propositions pourraient être faite pour limiter l’impact de la liberté tarifaire. Le Gouvernement partageant cette volonté a d’ores et déjà chargé deux députés de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, Yannick Monnet et Jean-François Rousset, d’une mission sur les dépassementsd’honoraires des professionnels de santé afin qu’ils dressent un état de lieux précis et qu’ils formulent des recommandations pour repositionner cette pratique dans le cadre actuel de notre système de santé.
S’agissant de l’encadrement de la pratique tarifaire, l’Assurance Maladie suggère dans le cadre de ces travaux de relier davantage le niveau des dépassements et leur progression et à des critère d’expérience et d’expertise.
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