À l’Assemblée, Maxime Amblard, un député RN au service du lobby du nucléaire
Construction de nouveaux réacteurs, développement de la filière du combustible, réduction comptable du coût des réacteurs : l’élu RN de la Meuse n’a cessé de proposer des amendements favorables aux intérêts économiques de Framatome, qui l’emploie, lors du vote cette semaine d’une proposition de loi sur l’énergie.
20 juin 2025 à 11h37 https://www.mediapart.fr/journal/politique/200625/l-assemblee-maxime-amblard-un-depute-rn-au-service-du-lobby-du-nucleaire?utm_source=quotidienne-20250620-161015&utm_medium=email&utm_campaign=QUOTIDIENNE&utm_content=&utm_term=&xtor=EREC-83-[QUOTIDIENNE]-quotidienne-20250620-161015&M_BT=115359655566
Écrite par un sénateur du parti Les Républicains (droite), la proposition de loi Grémillet sur l’énergie a été votée par les député·es dans la soirée du jeudi 19 juin. Elle contient des articles bruyamment soutenus par le Rassemblement national (RN) : moratoire sur les nouveaux projets éoliens et solaires, réouverture de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin) – arrêtée en 2020 –, relance massive du nucléaire.
Un parlementaire a joué un rôle prépondérant au sein du groupe d’extrême droite : Maxime Amblard, 28 ans, élu de la Meuse et ingénieur nucléaire de métier, comme il ne cesse de le rappeler, notamment en conférence de presse du RN. Pendant les quatre jours de débat dans l’hémicycle, il a pris la parole à de nombreuses reprises pour défendre les amendements déposés par son parti.
Mardi 17 juin, il a ainsi proposé d’inclure dans la loi « un objectif de développement d’une filière de production et de retraitement-recyclage du combustible destinée aux réacteurs de quatrième génération d’ici 2040 ». La fabrication de combustibles nucléaires, ces assemblages d’uranium qui permettent aux centrales de produire de l’électricité, est justement une des spécialités de Framatome.

Ce groupe industriel, filiale d’EDF, s’intéresse particulièrement au développement de ses activités dans les réacteurs de quatrième génération, en particulier les réacteurs à neutrons rapides, dont la technologie demeure au stade expérimental. On le voit dans ce communiqué de 2023, dans la liste des produits qu’il commercialise, ou encore dans cette offre d’emploi d’ingénieur sûreté conception GEN IV, mise en ligne le 20 juin 2025 sur le site d’EDF.
« Obligation de loyauté »
Framatome est aussi l’employeur de Maxime Amblard, qui n’a pas démissionné de cette entreprise en entrant à l’Assemblée et s’est contenté de suspendre son contrat – contrairement à ce qu’avait fait Maud Bregeon, députée macroniste et ancienne cadre d’EDF.
« Le contrat de Maxime Amblard a été suspendu, explique Framatome à Mediapart, ce qui veut dire que pendant cette période il n’est pas sous l’autorité ni les directives de Framatome. » Pour autant, tous les liens ne sont pas rompus puisque « durant la suspension de son contrat, le salarié doit […] continuer de respecter l’obligation contractuelle de loyauté qui lui interdit de se livrer à toute activité concurrente à celle de Framatome et l’obligation de discrétion vis-à-vis de l’entreprise », précise le groupe.
Jusqu’où va « l’obligation de loyauté » de Maxime Amblard vis-à-vis de son employeur ? Le député n’a pas répondu aux questions de Mediapart, malgré plusieurs relances. Un salarié élu député « retrouve son précédent emploi », ou un emploi analogue assorti d’une rémunération équivalente dans les deux mois suivant la date à laquelle il a prévenu son entreprise qu’il souhaitait retrouver son poste, selon le Code du travail. Il bénéficie de « tous les avantages acquis » par les salariés de sa catégorie durant l’exercice de son mandat.
L’Assemblée face aux conflits d’intérêts
Maxime Amblard est-il en situation de conflit d’intérêts ? Le règlement de l’Assemblée nationale les définit comme « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts privés de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif du mandat ». Par exemple, Xavier Albertini, député et avocat de profession, s’était déporté en avril 2024 d’une proposition de loi sur la « confidentialité des consultations des juristes d’entreprise ». Pareillement, Philippe Latombe, élu et commissaire à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), avait renoncé à voter sur la proposition de nomination de Marie-Laure Denis comme présidente de la Cnil.
Car un député qui se sent en potentielle situation de conflit d’intérêts peut se « déporter » lors d’un vote, c’est-à-dire ne pas y participer. Ces déports sont listés sur le site de l’Assemblée. Il n’y en a eu aucun depuis le début de l’actuelle mandature en juin 2024. Le déontologue de l’Assemblée est chargé de « faire cesser » les conflits d’intérêts. Sollicité par Mediapart sur le cas de Maxime Amblard, il n’a pas répondu à nos questions.
Dans le cas de Maxime Amblard, la suspension de son contrat « est convenue pour la durée de son mandat qui peut donc aller jusqu’à cinq ans », précise encore son employeur, qui assure qu’« il n’y a aucun contact de la direction de Framatome avec Maxime Amblard : ni sur les sujets en rapport avec son mandat ni sur l’activité de Framatome ». C’est le premier salarié du groupe, depuis sa création en 2018, à devenir député.
Le sous-amendement 808 sur la filière « combustibles » de quatrième génération a, finalement, été rejeté par les député·es. Mais la construction d’un démonstrateur de réacteur à neutrons rapides, correspondant à cette technologie dite GEN IV, « en vue d’un déploiement industriel », a bien été votée. C’est le rapporteur de la proposition de loi, Antoine Armand (majorité présidentielle), qui l’a déposé. Mais Maxime Amblard s’en est réjoui sur son compte X. Énumérant ce qu’il a « soutenu et obtenu », il cite « le lancement de la 4ᵉ génération avec un démonstrateur à neutrons rapides dès 2030 en vue d’un déploiement industriel », le tout accompagné de l’émoji d’une fusée qui décolle.
Qui parle dans ce tweet : le député, l’ingénieur nucléaire ou le salarié de Framatome dont la carrière reste à bâtir ? Maxime Amblard n’a pas répondu à nos questions.
Lors de la précédente mandature, Perrine Goulet, députée de la Nièvre (MoDem), était en même temps toujours en lien contractuel avec EDF, salariée de la division production nucléaire, sur de la logistique. Elle avait posé un congé sans solde en raison de l’exercice de son mandat. Mais elle avait alors décidé de ne pas prendre part au vote sur le projet de loi « nouveau nucléaire ».
Claire Pitollat, députée Renaissance des Bouches-du-Rhône, était également agente EDF, et elle aussi en congé longue durée pour fonction politique. Elle s’est déportéedes discussions sur la loi réorganisant la sûreté nucléaire en 2024. Deux ans plus tôt, elle s’était aussi écartée du vote de l’article 6 du projet de loi de finances 2022, car il concernait des crédits pour des opérations sur des entreprises stratégiques françaises, parmi lesquelles EDF.
« La physique, elle, ne ment pas »
D’autres amendements qu’il a défendus vont dans le sens des intérêts économiques du groupe qui l’emploie : la construction de nouveaux réacteurs nucléaires afin de produire 70 gigawatts, ou encore la construction de 20 nouveaux réacteurs EPR – Framatome fabrique des cuves de réacteurs, des générateurs de vapeur et autres éléments clés des chaudières nucléaires. Ils n’ont pas été adoptés par les député·es.
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Mais sa plaidoirie pour l’augmentation du « facteur de charge », c’est-à-dire le niveau de puissance à laquelle fonctionne un réacteur, a été entendue et se retrouve dans la loi. Tout comme son idée de plafonner à 2 % le taux d’actualisation des coûts concernant les investissements dans la production énergétique, ce qui permet de réduire la facture comptable d’un réacteur nucléaire par un simple jeu d’écritures.
Tout au long des débats dans l’hémicycle, l’élu de la Meuse, département où doit être construit le centre de stockage des déchets nucléaires les plus dangereux, Cigéo, à côté de Bure, a agrémenté ses analyses techniques de commentaires plus personnels. Il a ainsi proposé de voter un amendement contre la notion d’économie d’énergie, car « la meilleure énergie n’est pas celle que nous ne consommons pas, la meilleure énergie est bien celle que nous consommons ». Si bien que « parler d’économie d’énergie sans nuance » relèverait soit d’« une vision décroissante du projet humain », soit d’« incompétence ».
Autre sortie notable, un éloge de la science un peu particulier : « Quoi de mieux que d’en revenir à la physique pour nous éclairer sur un sujet éminemment scientifique ? La physique, elle, ne ment pas. » Une référence qui rappelle « la terre, elle, ne ment pas » de Philippe Pétain, dans son discours de juin 1940. Maxime Amblard y fait référence, lui, pour dénigrer les énergies renouvelables : « Les énergies pilotables et concentrées sont et seront toujours bien plus efficaces que les énergies diffuses et intermittentes », ce qui, selon lui, est « une réalité physique, pas une opinion politique ». Il n’a cependant pas pris la peine d’en faire la démonstration mathématique depuis son banc de l’Assemblée.
Délire atomique à l’Assemblée

https://r.mailing6.agirpourlenvironnement.org/mk/mr/sh/1t6AVsd2XFnIGGrM7gz6n7YScF5zkH/MUnmvMs1sPEP
| Chères amies, chers amis, La France connaît un nouvel épisode caniculaire démontrant, s’il le fallait encore, l’urgence de mettre en œuvre un vaste plan de rénovation énergétique des logements et de déploiement des énergies renouvelables. Pourtant, une poignée de députés (exactement 65) a adopté un moratoire sur l’éolien et le solaire, tout en annonçant la construction de 14 réacteurs nucléaires de type EPR2, qui ne produiront leurs premiers kilowattheuresqu’entre 2040 et 2045 ! Dans les jours qui viennent, EDF sera contrainte de réduire sa production nucléaire en raison des températures trop élevées affectant déjà les eaux du Rhône. Et nous ne sommes que le 21 juin… Parallèlement, le gouvernement a contribué à renforcer ce « délire atomique » en annonçant la suspension de Ma Prime Rénov’, l’un des principaux dispositifs d’aide à la rénovation énergétique des passoires thermiques. « Gaspiller plus pour produire plus » : c’est à cette logique absurde que pourrait correspondre la stratégie énergétique de la France pour les décennies à venir. Sous la pression d’une extrême droite totalement « atomisée », la France poursuit sa course folle en privilégiant le tout-nucléaire, au détriment des milliers d’artisans locaux formés pour isoler nos maisons et déployer les énergies renouvelables. L’absence des parlementaires centristes et macronistes a permis aux députés de droite et d’extrême droite d’imposer leur idéologie radioactive. Le 24 juin prochain, un vote solennel des députés aura lieu sur cette loi de régression écologique. Notre avenir énergétique se joue dans moins de 3 jours. Nous devons être des milliers à interpeller Marc Fesneau, président du groupe MoDem et Gabriel Attal, président du groupe Ensemble pour la République, pour inciter les députés à rejeter le moratoire sur les énergies renouvelables. |
| Nous vous proposons également d’interpeller Gabriel Attal, président du groupe Ensemble pour la République. |