La tragique complaisance envers Nétanyahou
19 juin 2025 https://info.mediapart.fr/optiext/optiextension.dll?ID=eTheHGLW9r9KV65E4g2yQqrDwkM1vXNLh8v4%2BeVFG8_2KuxKA
| Par Fabien Escalona
La politique guerrière du premier ministre israélien est indéfendable. En se refusant à la condamner clairement en Iran, ou à y réagir concrètement à Gaza, les responsables européens rendent le pire service possible au peuple israélien, et vont contre leurs propres intérêts à long terme.
« Israël a le droit de se défendre. » En réaction à la guerre lancée contre l’Iran par le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, les plus hautes autorités du monde occidental n’ont rien trouvé de mieux que de répéter cette phrase jusqu’à plus soif. Si plusieurs expriment davantage que d’autres une gêne et des réserves, c’est bien la complaisance, sinon l’approbation qui l’emportent. Se défendre n’exonère cependant pas du droit des conflits armés.
Le communiqué du sommet du G7, publié mardi 17 juin, est éloquent. S’il appelle à une « désescalade » des conflits au Moyen-Orient, il n’inclut aucune condamnation de l’agression israélienne, ni dans son principe ni dans ses modalités. Celle-ci a pourtant été décidée de manière unilatérale, alors même que des négociations étaient en cours à propos du programme nucléaire iranien censé justifier l’attaque. Il devrait être possible de la réprouver sans occulter le caractère détestable du régime des mollahs, bien documenté par Mediapart.
À l’inverse, tandis que Donald Trump en a rajouté dans les menaces contre la République islamique, le chancelier allemand, Friedrich Merz, est allé jusqu’à témoigner de son « plus grand respect » pour les actions menées sur le sol iranien, estimant que « c’est le sale boulot qu’Israël fait pour nous tous ».

Benyamin Nétanyahou à la Knesset, le Parlement israélien à Jérusalem, le 11 juin 2025. © Photo Debbie Hill / UPI / Abaca
Kaja Kallas, responsable de la diplomatie de l’Union européenne (UE), a réussi à affirmer sur le réseau social X que « protéger sa sécurité »devait se faire « en cohérence avec le droit international », mais sans en tirer la moindre conclusion et en enchaînant avec une admonestation à l’adresse de l’Iran. Emmanuel Macron, quant à lui, tente un numéro d’équilibriste moins caricatural mais au risque de l’illisibilité, quand il y aurait besoin de clarté.
Choquantes sur le plan moral, ces positions traduisent aussi une grande lâcheté et une grande faiblesse sur le plan diplomatique, tout en s’avérant calamiteuses sur le plan politique.
Un agent de la « brutalisation »
Dans le pire des cas, on y retrouve la solidarité de « l’internationale réactionnaire » envers un dirigeant israélien qui a tous les atouts pour rejoindre ce club informel. Mépris de l’État de droit et des minorités, fantasme d’homogénéité interne, pulsions impérialistes et colonisatrices, cynisme absolu… Nétanyahou et ses alliés suprémacistes juifs cochent les mêmes cases que tous les acteurs contemporains de la « brutalisation du monde ».
Certes, la rhétorique tournée vers l’Occident rend le soutien de Trump beaucoup plus évident que celui des présidents russe ou chinois, qui entretiennent par ailleurs des relations stratégiques et économiques avec Téhéran. Mais on sent bien que le régime islamique pourrait tout à fait faire les frais d’une entente plus large entre autocrates. Dans le chemin dystopique vers la constitution de sphères d’influences broyeuses des peuples sous la coupe des puissances dominatrices, Nétanyahou a tout de l’agent accélérateur.
Dans le meilleur des cas, si l’on peut dire, l’incapacité de condamner Israël témoigne, de la part des responsables européen·nes en particulier, d’une tétanie et d’une culpabilité persistante à l’égard de l’État hébreu, née à la suite de la destruction des juifs sur le Vieux Continent. S’ils tournent en boucle sur son « droit à se défendre », c’est que son histoire et sa « fonction » sont, de fait, bien particulières. À lire aussiArrêter Benyamin Nétanyahou
Israël est « l’État de l’exil » : un refuge possible, sans équivalent dans le monde, pour les juifs qui ont subi pendant des siècles une condition minoritaire subalterne et des persécutions, jusqu’à l’extermination dans les États mêmes qui leur avaient promis l’émancipation individuelle. Comme le rappelle le politiste Denis Charbit dans son dernier livre, l’objectif fixé à la création de cet État – disputée, y compris dans le monde juif – consistait à « disposer d’une terre pour n’être l’hôte de personne, et [à] constituer le noyau dur d’une collectivité nationale, non un élément adjuvant ».
Mais il n’y a aucune raison pour que la prise au sérieux de cette histoire, avec toute la complexité qu’elle charrie, conduise à donner un blanc-seing, ou même à rester les bras ballants face aux entorses au droit international et aux crimes commis par cet État – fût-ce avec le consentement, il faut bien le dire, de pans entiers de sa population. Cinq raisons plaident pour une attitude inverse.
La crédibilité perdue de l’Europe
Premièrement, il n’est pas exact que le droit à exister d’Israël était immédiatement mis en péril par le régime iranien, en dépit des évocations de Nétanyahou de la menace d’un « Holocauste nucléaire » – une instrumentalisation douteuse de la mémoire des victimes de la Shoah. Au demeurant, on peut avancer qu’une éventuelle acquisition de la bombe servirait surtout de garantie de sanctuarisation du régime, dans la mesure où son usage serait un suicide immédiat, en raison des répliques foudroyantes qu’elle attirerait.

Lors de la séance de photo de famille du sommet du G7 à Kananaskis (Canada) le 16 juin 2025. © Photo Geoff Robins / AFP
Deuxièmement, la question du (non-)respect du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) par le pouvoir iranien – un traité non signé par Israël, qui détient l’arme atomique hors de tout cadre – faisait l’objet d’une surveillance par la communauté internationale. Une agence onusienne, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), venait justement d’exprimer ses inquiétudes à ce propos. Pour autant, sa dernière résolution soutenait une « solution diplomatique », pourquoi pas à l’issue des négociations tentées par l’administration Trump, c’est-à-dire celle, ironiquement, qui avait naguère fait dérailler l’accord international péniblement trouvé en 2015.
Il y a vingt-deux ans, la France avait su s’opposer à l’ingénierie hors sol d’un « Grand Moyen-Orient démocratique ».
Troisièmement, si l’on tient à défendre un droit international de plus en plus malmené, il est évident que se scandaliser à la tête du client de son piétinement est une stratégie perdante. Le soutien à l’Ukraine contre le pouvoir mafieux de Vladimir Poutine ne se justifie pas seulement par la nature de son régime, engagé dans un chemin démocratique inquiétant pour l’autocrate russe. Le soutien à Kyiv se défend, d’une manière bien plus universelle, en pointant que le droit des Nations unies proscrit les guerres d’invasion, aussi bien que les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité.
Fermer les yeux sur le déchaînement de la force et le non-respect de ces règles par Israël, que ce soit au Liban, en Syrie, en Iran, dans les territoires occupés ou de façon paroxystique à Gaza, c’est se condamner à être renvoyé à des rhétoriques absurdes de guerre de civilisations, et à être taxé – à juste titre – d’hypocrisie. Si l’Union européenne ne veut pas être cantonnée à un destin provincial, tel un prophète isolé de « valeurs » à géométrie variable, elle doit prouver la cohérence de ses positions au reste du monde.
Les leçons des vingt dernières années
Quatrièmement, même en envisageant la situation régionale de manière cynique, les dirigeant·es européen·nes devraient se souvenir des maux que leur ont apportés les entreprises extérieures de changement de régime. C’est en effet à ces dernières qu’il faut désormais rapporter l’intervention israélienne, dont les cibles dépassent largement le programme nucléaire – ce qui multiplie, pour cette raison, le nombre de victimes innocentes.
Faut-il rappeler le bilan de l’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003 ? Ou celui de l’intervention en Libye en 2011 ? La circulation des armes, l’avènement d’un « ordre milicien » dans plusieurs pays de la région, et le développement de mouvements djihadistes dont certains ont frappé le sol européen, devraient faire réfléchir Friedrich Merz sur les avantages du « sale boulot ». Il y a vingt-deux ans, pour le coup, la France avait su s’opposer avec vigueur à l’ingénierie hors sol d’un « Grand Moyen-Orient démocratique », qui n’a abouti qu’à sa décomposition.
Pas plus qu’aujourd’hui cette position n’impliquait d’absoudre la dictature de Saddam Hussein de ses crimes. Il est clair que le régime iranien est le bourreau de ses propres citoyen·nes. Mais comme l’a exprimé le philosophe Anoush Ganjipour, à l’instar d’autres voix, « la République islamique devrait être renversée par le peuple iranien, qui est le seul souverain légitime et maître de son destin ». La solidarité internationale peut s’exprimer à cet effet, mais pas à travers des bombardements décidés par un chef de gouvernement qui ne cherche qu’à échapper à la justice de son propre pays. À lire aussiMenachem Klein : « L’idéologie suprémaciste est partagée par une grande partie des élites israéliennes »
Cinquièmement, réprouver et entraver la politique de Nétanyahou, au moins par le biais de sanctions, est la seule solution qu’il reste pour l’avertir contre une politique d’autodestruction. Certes, les attaques terroristes du Hamas se sont révélées, en plus d’une vilenie morale, un fiasco stratégique pour le supposé « axe de la résistance » dans lequel le mouvement islamiste s’inscrivait. Mais la fuite en avant d’Israël, dans son usage de la force nue, pourrait lui offrir une terrible victoire symbolique, à retardement.
Dans un billet de blog sur Mediapart, le politiste Jean-François Bayart anticipe qu’« Israël ne se remettra pas de la “guerre qui a commencé le 7 octobre” […]. L’horreur qu’ont légitimement inspirée les crimes de guerre et contre l’humanité du Hamas a été convertie en pure vengeance, souvent bestiale dans son expression politique. Le moment viendra où Israël se regardera dans son miroir et n’y verra que le visage grimaçant de l’utopie qu’il prétendait incarner. »
Pour les nations qui se prétendent partenaires d’Israël et soucieuses de son existence, le plus mauvais service à lui rendre serait de l’absoudre quels que soient ses actes, et de n’opposer aucune résistance concrète aux plus transgressifs d’entre eux.
Le fil du jour. Israël-Iran : des organisations appellent au respect du droit international
L’ONU, l’OMS et la Croix-Rouge s’inquiètent des pertes civiles croissantes et des attaques contre les sites médicaux. Une rencontre entre diplomates iraniens et européens doit se tenir vendredi à Genève.
La rédaction de Mediapart et Agence France-Presse
AuAu septième jour du conflit sans précédent entre les deux pays, Israël a haussé le ton à l’encontre du Guide suprême iranien Ali Khamenei, après que des salves de missiles ont touché un hôpital et fait des dizaines de blessé·es en Israël. « Un tel homme ne peut être autorisé à continuer d’exister », a notamment déclaré le ministre israélien de la défense Israël Katz.
L’ONU, l’OMS et la Croix-Rouge ont appelé l’Iran et Israël à respecter le droit international en ne considérant pas les civil·es comme d« des dommages collatéraux dans la conduite des hostilités » et en arrêtant de viser des structures médicales.
Alors qu’une nouvelle alerte aux tirs de missiles a retenti dans le nord d’Israël, aucune victime n’a été déclarée, une rencontre doit avoir lieu, vendredi à Genève, entre diplomates iraniens et européens.

Israël aurait détruit « plus de la moitié » des lanceurs de missiles iraniens
Benyamin Nétanyahou a affirmé, dans un entretien diffusé jeudi soir par la chaîne publique KAN 11, que l’armée israélienne avait détruit « plus de la moitié » des lanceurs de missiles iraniens depuis le début du conflit.
« J’ai dit qu’on allait changer la face du Moyen-Orient et maintenant je dis : nous changeons la face du monde », a encore affirmé le premier ministre israélien.
Nouvelle alerte aux missiles dans le nord d’Israël
Des sirènes d’alertes antiaériennes ont à nouveau retenti, jeudi après-midi, dans le nord d’Israël à la suite de tirs de missiles iraniens. « Il y a peu de temps, des sirènes d’alerte ont retenti dans plusieurs régions d’Israël, à la suite de l’identification de missiles lancés depuis l’Iran en direction de l’État d’Israël », indique l’armée dans un communiqué.
Le Commandement du front intérieur (Défense passive), appelant la population à se confiner dans des abris, a précisé que l’alerte concerne la plupart des villes et localités du nord du pays. Environ vingt minutes plus tard, l’armée a indiqué que le niveau d’alerte était abaissé et que les résident·es des zones concernées pouvaient sortir des abris.
Le Magen David Adom, l’équivalent israélien de la Croix-Rouge, n’a pas fait état de blessés.
L’ONU, l’OMS et la Croix-Rouge appellent au respect du droit international
Le Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, a appelé, dans un communiqué, l’Iran et Israël à « respecter le droit international humanitaire », qualifiant d’« épouvantable de voir comment les civils sont traités comme des dommages collatéraux dans la conduite des hostilités ».
« Les bombardements extensifs et les attaques de missiles et de drones ont déjà causé des dommages au-delà des objectifs militaires, écrit Volker Türk. Ils ont tué et blessé des civils et endommagés de vastes cibles civiles, comme des infrastructures médicales, des immeubles résidentiels, des conduites d’eau et des installations de gaz ou d’électricité. »
« Les menaces et la rhétorique incendiaire de hauts responsables des deux camps suggèrent qu’il y a une intention inquiétante d’infliger des dommages aux civils », poursuit le haut-commissaire. « Le seul moyen de sortir de cette spirale illogique d’escalade est un maximum de retenue, le plein respect du droit international et un retour de bonne foi à la table des négociations », conclut Volker Türk.
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19 juin 2025
Le directeur général de l’OMS, Tedros Adhamon Ghebreyesus, a lui aussi qualifié les attaques contre les centres de santé d’« épouvantables ». « L’escalade des hostilités entre Israël et l’Iran met en danger les structures de santé et l’accès aux soins », écrit-il sur X en citant l’attaque sur le centre médical israélien de Soroka, touché jeudi par un missile iranien, celle contre un hôpital iranien à Kermanshah il y a trois jours ainsi que la mort, le même jour, de trois soignants du Croissant-Rouge tués alors qu’ils secouraient des personnes blessées.
Plus tôt dans la journée, c’est le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) qui avait appelé les parties à respecter le droit international : « Les blessés et les malades, le personnel médical et les hôpitaux doivent être respectés et protégés », a-t-il déclaré sur X.
Une rencontre entre diplomates iraniens et européens vendredi
Le ministre des affaires étrangères iranien, Hossein Amir Abdollahian, a confirmé, jeudi à la mi-journée auprès de l’agence de presse iranienne Irna, qu’il rencontrerait ses homologues français, britannique et allemand vendredi à Genève.
Cette réunion avait été annoncée plus tôt dans la matinée à l’AFP par des diplomates européens. La cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, doit également participer à cette réunion, au moment où les pays européens multiplient les appels à la désescalade.
La France, l’Allemagne, le Royaume-uni et l’UE faisaient partie des signataires de l’accord de 2015 dit JCPOA (Joint Comprehensive Plan of Action) fixant à l’Iran une limite de 3,67 % au taux d’enrichissement de son uranium, une restriction que le pays aurait largement dépassée. Mais Donald Trump avait rompu cet accord lors de son premier mandat.
Samedi soir, l’UE a rappelé avoir « toujours clairement indiqué que l’Iran ne doit jamais être autorisé à se doter de l’arme nucléaire ». Le bloc européen s’était dit« préoccupé par le récent rapport de l’AIEA [l’Agence internationale de l’énergie atomique – ndlr], sur la base duquel le Conseil des gouverneurs de l’AIEA a conclu que l’Iran ne respectait pas ses obligations juridiquement contraignantes en matière de garanties nucléaires ».
Kaja Kallas a toutefois insisté sur le fait que la diplomatie devait rester la voie privilégiée pour empêcher Téhéran de se doter de la bombe atomique.
La France appelle ses ressortissants à quitter l’Iran
Les ressortissant·es français·es souhaitant quitter l’Iran peuvent partir « sans visa »via l’Arménie et la Turquie, où « les frontières sont ouvertes », a annoncé jeudi le ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot.
Pour celles et ceux souhaitant quitter Israël, le ministre a appelé les Français·es à gagner par la route la Jordanie et l’Égypte, où des bus pourront les acheminer vers les aéroports d’Amman et de Charm El-Cheikh.
Un avion sera affrété depuis la capitale jordanienne Amman « en fin de semaine pour faciliter le retour des Français vulnérables ou en situation d’urgence qui se sont signalés » auprès des services diplomatiques, a ajouté Jean-Noël Barrot.
En Iran, où se trouve actuellement quelque 900 ressortissantes et ressortissants français ou binationaux, « les personnes s’étant signalées [auprès de l’ambassade] et ne pouvant pas gagner la frontière arménienne ou la frontière turque par leurs propres moyens, seront acheminées par convoi d’ici la fin de semaine. Des équipes sont déployées ce jour aux deux frontières », a-t-il précisé, à l’issue d’une réunion sur le sujet au ministère.
Barrot a renouvelé son appel aux 150 000 ressortissant·es français·es se trouvant en Israël « à la plus grande prudence ».
Plusieurs pays ont commencé à lancer des opérations d’évacuation par terre, mer et air de leurs ressortissant·es d’Israël et d’Iran, qui ont échangé jeudi des frappes pour la septième nuit consécutive.
Le ministre a précisé que le personnel diplomatique en Iran et en Israël n’était pas évacué.
Israël bombardé, Katz menace directement Ali Khamenei
Après une attaque de dizaines de missiles iraniens particulièrement violente, l’alerte a été activée dans plusieurs régions d’Israël, où les habitant·es ont trouvé brièvement refuge dans les abris. Le bilan de ces frappes est pour l’instant de soixante blessé·es dont six dans un état très grave, a annoncé sur BFMTV Olivier Rafowicz, porte-parole de l’armée israélienne.
L’hôpital Soroka de Beer Sheva (Sud) a été touché. « Il y a eu d’importants dégâts », a indiqué l’hôpital. Les affaires étrangères israéliennes ont fait état d’un « impact direct » sur l’établissement, où sont notamment soignés des soldats israéliens blessés dans la guerre à Gaza.
« Le lâche dictateur iranien […] tire délibérément sur des hôpitaux et des immeubles résidentiels en Israël. Ce sont là des crimes de guerre parmi les plus graves, et Khamenei devra répondre de ses crimes », a déclaré le ministre de la défense, Israël Katz.
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Plus tard dans la journée, le ministre est allé plus loin dans ses menaces vis-à-vis du Guide suprême iranien en évoquant son élimination. « Khamenei déclare ouvertement qu’il veut détruire Israël […]. Il considère la destruction d’Israël comme un objectif », a déclaré Israël Katz à des journalistes, ajoutant : « Un tel homme ne peut être autorisé à continuer d’exister », selon des propos rapportés par l’Agence France-Presse.
Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou s’est rendu jeudi après-midi à l’hôpital Soroka, où il a expliqué que les attaques israéliennes sur l’Iran avait un double objectif : « Le nucléaire et les missiles balistiques. »
« Nous allons les faire disparaître. Nous sommes en train de finir d’éliminer cette menace », a déclaré le premier ministre israélien, lors d’une conférence de presse donnée sur les lieux de l’attaque. « Nous sommes déterminés à détruire la menace nucléaire, la menace d’un anéantissement nucléaire d’Israël », a encore affirmé Benyamin Nétanyahou.
Des sites nucléaires ciblés en Iran
Dans la nuit du mercredi 18 au jeudi 19, l’armée israélienne a frappé un « réacteur nucléaire inachevé » à Arak et « un site de développement d’armes nucléaires dans la région de Natanz », dans le centre de l’Iran, a-t-elle annoncé. Une quarantaine d’avions de combat ont participé aux raids qui ont touché des dizaines de sites, a dit l’armée.
Israël a affirmé précédemment avoir détruit « la principale installation » du site d’enrichissement d’uranium de Natanz. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a fait état mardi 17 juin d’« éléments montrant des impacts directs sur les salles souterraines » du site.
L’Iran a promis de faire « regretter et payer » à Israël ses attaques. « L’Iran continuera à exercer son droit à l’autodéfense […] et nous ferons regretter et payer à l’agresseur sa grave erreur », a écrit jeudi sur X le chef de la diplomatie, Abbas Araghtchi.
Escalade verbale entre Trump et Khamenei
Dans la journée de mercredi, le Guide suprême iranien, Ali Khamenei, a proclamé que son pays ne se rendrait « jamais », en réponse à l’appel de Donald Trump, la veille, « à capituler sans conditions ».
En réponse, Donald Trump a assuré mercredi soir n’avoir pas encore pris de décision sur une éventuelle participation des États-Unis aux frappes d’Israël contre l’Iran, affirmant devant la presse : « Je vais peut-être le faire, peut-être pas. » « Je n’ai pas pris [de décision] finale », a-t-il ensuite dit.
Interrogé sur une possible chute du pouvoir à Téhéran, il a estimé que cela « pourrait se produire ». Donald Trump avait précédemment affirmé que les États-Unis pouvaient, s’ils le voulaient, tuer l’ayatollah Khamenei.
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18 juin 2025
Jeudi, l’Iran a de nouveau affirmé que « toutes les options sont ouvertes », en cas d’intervention états-unienne dans le conflit, après que le Guide iranien a averti les États-Unis qu’une telle intervention conduirait à des « dommages irréparables ».
Les États-Unis, qui ont déployé un troisième porte-avion, le Nimitz, vers le Moyen-Orient, sont les seuls à détenir la bombe GBU-57, unique arme susceptible d’atteindre le cœur profondément enfoui du programme nucléaire iranien, à Fordo, au sud de Téhéran.
Israël affirme de son côté disposer de renseignements prouvant que l’Iran s’approchait du « point de non-retour » vers la bombe atomique. L’Iran, qui dément fabriquer l’arme nucléaire, accuse Israël d’avoir cherché à torpiller les négociations qui avaient commencé sur le nucléaire entre Téhéran et Washington. Israël maintient l’ambiguïté sur sa propre possession de l’arme atomique, et détient 90 ogives nucléaires, selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri).
Depuis le 13 juin, l’Iran a tiré environ 400 missiles balistiques sur Israël, dont 20 ont touché des zones civiles, et 1 000 drones, selon un responsable militaire israélien mercredi soir.
La rédaction de Mediapart et Agence France-Presse
BILLET DE BLOG 18 JUIN 2025
La France, alliée d’Israël dans la destruction du droit international
En soutenant les actes illégaux israéliens, Emmanuel Macron ne piétine pas le droit international, il le déchiquette. Pour le plus grand malheur non seulement des peuples du Moyen-Orient mais aussi des Français.
Collectif de Juristes pour le Respect des engagements internationaux de la France
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Ne nous y trompons pas. Malgré des déclarations qui ne parviennent même plus à ripoliner une diplomatie française à contre-courant des principes élémentaires du droit humanitaire, nous assistons bien, de la part de l’exécutif français, à la démolition de normes patiemment construites pendant des décennies sur les ruines des conflits mondiaux et l’horreur des génocides.
Il ne s’agit pas de realpolitik mais bien de la participation directe de notre pays à une attaque sans précédent et sans doute irréversible de l’ordre public international, déjà fragilisé mais qui constituait une boussole à laquelle la France se disait attachée.
Contrairement à ce que la majorité des médias ont tenté de nous faire croire depuis plus de 18 mois, le soutien quasi sans faille de la France à Israël ne date pas de la sidération provoquée par les attaques terroristes du 7 octobre 2023.
La violation continue par Israël, depuis son admission comme membre des Nations Unies, de toutes les résolutions le concernant, n’a jamais été dénoncée par Emmanuel Macron.
Ce dernier, Président depuis 2017, sait que la Cour Pénale Internationale a été saisie le 1er janvier 2015 par la Palestine pour des crimes présumés commis sur le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, depuis le 13 juin 2014.
Il n’a pas cependant pas œuvré à ce que la justice soit enfin rendue aux Palestiniens. Il a même contribué à ce que l’occupation perdure.
Alors que la position officielle de la France a toujours consisté à refuser de reconnaître l’annexion illégale de Jérusalem et la colonisation des Territoires Occupés, Paris a paradoxalement multiplié les soutiens à ces crimes de guerre : malgré une interdiction de façade, Israël a toujours pu importer en France des produits issus de ses colonies tout en bénéficiant des avantages de l’accord d’association passé avec l’Union Européenne ; la promotion de l’immobilier israélien, construit sur les terres spoliées aux Palestiniens, peut se tenir en plein cœur de nos villes sous protection policière française ; les annonces de sanctions anecdotiques contre les « colons extrémistes » tolèrent la colonisation illégale, puisqu’il faut comprendre que certains colons seraient plus légitimes que d’autres, ce qui est faux.
Très récemment, le Président Macron a annoncé la possibilité d’une reconnaissance par la France de l’État de Palestine. Accusé par Israël de mener «une croisade contre l’Etat juif» et critiqué par des élus français proches du groupe d’influence pro-israélien Elnet, l’exécutif français avait subordonné cette reconnaissance à une série de conditions n’ayant aucun fondement juridique, pour finalement l’abandonner au prétexte de la nouvelle guerre déclenchée par Israël.
En droit international, rien ne justifie pourtant ce nouveau recul de la France, le droit à l’autodétermination du peuple palestinien étant acquis. En outre, l’OLP a reconnu sans réciprocité l’État d’Israël en 1993 et le Parlement français a déjà voté en 2014 en faveur de cette reconnaissance.
La destruction du droit international par l’exécutif français se manifeste également par son refus explicite de coopérer avec la Cour Pénale Internationale. L’espace aérien français a été en effet librement traversé à plusieurs reprises par le premier ministre israélien, malgré l’émission d’un mandat d’arrêt international le 21 novembre 2024. L’exécutif avait tenté d’échapper à ses obligations, en se fondant sur la prétendue immunité dont bénéficieraient les dirigeants d’un État non partie à la CPI comme Israël, ce qui lui a valu d’être qualifié par un syndicat de magistrats d’« exécutif de la honte » et d’être interpellé par des juristes internationaux, contraints de lui rappeler la jurisprudence de la Cour.
Les dernières actions illégales ordonnées par le premier ministre israélien, déjà recherché par la plus haute juridiction pénale internationale pour avoir commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, ont également reçu un soutien explicite de la France, qui évoque le « droit de se défendre », en contradiction avec les termes de la Charte des Nations Unies.
Monsieur Macron et Monsieur Barrot font donc le choix de ne respecter ni l’esprit ni la lettre de la Charte. Ils ne semblent pas non plus vouloir écouter des diplomates chevronnés et modérés, comme l’ancien ambassadeur de France aux États-Unis et en Israël, Gérard Araud, qui évoque « une violation grossière du droit international » et qui déplore aussi que nous ayons oublié, à Gaza, de rappeler la loi.
La France ne respecte pas non plus la Convention de 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide. Elle ignore les ordonnances de la Cour Internationale de Justice des 26 janvier, 28 mars et 24 mai 2024, bien que les mesures conservatoires prises par cette dernière au titre de l’article 41 de son Statut aient un caractère obligatoire et créent donc des obligations juridiques internationales.
Les révélations sur la livraison continue et régulière par la France de matériel militaire à l’État d’Israël depuis le début du conflit à Gaza en octobre 2023, et même sur le financement de l’industrie militaire israélienne à travers un projet de développement de drones militaires financé par l’Europe, démontrent que la France persiste à violer l’interdiction de fournir toute forme d’aide, de soutien ou de facilitation du génocide.
La décision de faire recouvrir d’une bâche noire les stands des entreprises israéliennes présentant des armes offensives au Salon International de l’Aéronautique et de l’Espace du Bourget, qu’Amnesty International a rebaptisé « Salon du génocide », n’exonèrera pas l’exécutif français de sa responsabilité, dès lors qu’il a continué de transférer des armes à Israël, en dépit des décisions de la justice internationale.
Stéphane Séjourné, alors ministre des affaires étrangères, avait osé invoquer un « seuil moral » à ne pas franchir, celui d’accuser l’« Etat juif » de génocide. Établir une telle distinction entre les États, en plaçant Israël au-dessus des lois, apparaissait déjà comme un camouflet au socle même du droit international, c’est-à-dire à la commune appartenance des Etats à une société internationale.
Loin de s’émousser, ce soutien perdure alors que paradoxalement, les preuves du génocide commis par Israël s’accumulent sur le bureau du Président de la République : rapport du 25 mars 2024 de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 ; enquête d’Amnesty International du 5 décembre 2024 ; rapports d’Human Rights Watch et de Médecins Sans Frontières du 19 décembre 2024…
Il faut être incompétent en droit, d’une totale mauvaise foi ou dépendant de l’État d’Israël (les trois conditions étant par ailleurs cumulables) pour nier ce qu’il se passe dans la Bande de Gaza.
La qualification juridique de génocide, qui appartient aux juristes et non aux historiens, n’en déplaise au Président de la République, n’est pas un préalable nécessaire pour que la France applique la Convention de 1948, sauf à vider de son sens cette dernière.
Elle n’est pas non plus un préalable nécessaire pour que la France cesse de participer, activement ou par abstention coupable, aux atteintes inédites portées par Israël au droit humanitaire.
Emmanuel Macron sait que la famine et la soif sont sciemment organisées dans la Bande de Gaza, Israël poussant l’abjection jusqu’à armer et s’allier avec des milices criminelles qui seraient affiliées à l’EI, pour massacrer enfants, femmes, et hommes venant chercher une aide qui leur est due inconditionnellement.
Emmanuel Macron a vu les photographies des enfants décharnés au regard déjà emporté par la mort.
Emmanuel Macron sait qu’Israël mène une guerre exterminatrice contre les Palestiniens de Gaza, assimilés par Netanyahou au peuple Amalek dès le 28 octobre 2023.
Et il sait que l’acquiescement, dans les faits, de l’occupation brutale et meurtrière de la Cisjordanie occupée, qui dure depuis 58 ans, est non seulement une injure aux Palestiniens, mais aussi au droit, et que cette injure ne mènera pas à la paix.
Mais Emmanuel Macron continue de soutenir Israël contre le droit international. Ce choix aura des conséquences majeures sur la place de la France dans le monde, et donc sur la sécurité, la prospérité et le bien-être des Français.
La pulvérisation des normes de droit international, à laquelle la France a choisi de prendre part malgré les avertissements d’éminents juristes et diplomates, entraînera celle de la cohésion nationale.
Le 2 mai 2025, le ministre de l’Intérieur a publié un rapport « Frères musulmans et islamisme politique ». Ses auteurs y préconisent, parmi d’autres mesures, la reconnaissance d’un État palestinien aux côtés d’Israël dans des frontières sûres et reconnues. Le Président vient pourtant d’y renoncer.
Ceux qui imaginent que restera sans effet la destruction impitoyable des principes élémentaires du droit international, dans le seul but de faire définitivement disparaître les aspirations légitimes à l’indépendance du peuple palestinien, n’ont aucune mémoire.
Il ne s’agit même plus de morale, celle qui doit théoriquement guider les nations dites « libres ».
Il s’agit de stabilité et de sécurité.
S’il est normal d’assister en direct à l’extermination de dizaines de milliers d’êtres humains, tout en continuant d’assurer à leurs assassins soutien diplomatique et coopération économique et militaire, alors plus rien ne sera anormal.
Il est regrettable que le Président de la République, qui s’en remet aux historiens, n’ait pas eu l’idée de se remémorer ce qu’est un monde sans droit international.
Cela lui aurait sans doute évité d’être un des artisans de sa disparition et du chaos qui s’en suivra.