Un plan pour la santé mentale sans moyens !

Santé mentale : le gouvernement dévoile son plan, sans budget associé

Le ministère de la Santé priorise la détection précoce et la gestion des crises. Un peu juste pour une Grande cause nationale.

Yannick Neuder, ministre chargé de Santé et de l’Accès aux soins.
Yannick Neuder, ministre chargé de Santé et de l’Accès aux soins. | AFP

Ouest-France Philippe RICHARD.

Publié le 11/06/2025 à 20h00 https://www.ouest-france.fr/sante/un-plan-sante-mentale-presente-sans-budget-associe-37371afc-46ab-11f0-be2d-492a352fc811#:~:text=Le%20minist%C3%A8re%20de%20la%20Sant%C3%A9%20avait%20pr%C3%A9cis%C3%A9%20en%20amont%20%3A%20pas,Pas%20de%20sous%20donc.

Le ministère de la Santé avait précisé en amont : pas d’annonces financières dans le Plan santé mentale que le ministre Yannick Neuder a annoncé ce mercredi soir. Un plan bien entendu prévu avant le drame de Nogent, mais qui arrive tard dans une année censée en faire la Grande cause nationale.

Pas de sous donc. Le sujet sera éventuellement évoqué dans une « mission sur les conditions de travail dans le secteur de la psychiatrie », qui va prochainement être lancée et aboutira sur « un plan d’action en 2026 ». Qui lui aussi invoquera probablement davantage de réorganisations que de moyens.

Lire aussi : Sécurité à l’école : « le vrai problème ? La santé mentale des élèves », d’après cette principale

Détection précoce des signes de fragilité

En attendant, il est question de prioriser les efforts, notamment en direction de la détection précoce. Comme l’avait récemment évoqué Élisabeth Borne, des personnels seront formés dans chaque établissement d’enseignement primaire et secondaire. Deux par établissement, précise le plan (a priori par autoformation avec des modules en ligne), alors que des « kits de repérage et d’intervention » seront remis à chaque personnel d’éducation. « L’enjeu est de mettre en place un dispositif national de repérage et de vigilance collectif », assure le ministère de la Santé. Les étudiants, qui doivent donner des jours de service sanitaire, seront principalement orientés sur des missions de « développement des compétences psychosociales ».

Créneaux non programmés

Sur un deuxième axe, « Soigner », pas davantage de financements globaux pour les centres médico-psychologiques saturés, mais davantage de budget pour ceux qui proposeraient des « créneaux non programmés » et des suivis intensifs » en ville (hors hôpital).

Parallèlement un « infirmier référent en santé mentale » devrait être désigné dans chaque maison de santé… Les SAS de psychiatrie (service d’orientation téléphonique en amont des urgences), qui n’existent pas partout, seront renforcés. Des mesures piochées dans le rapport d’information parlementaire sur la prise en charge des urgences psychiatriques, remis en décembre 2024.

Troisième axe annoncé : la reconstruction d’un secteur mal aimé. Beaucoup de flou et d’incantations, et quelques bonnes initiatives. Comme pousser les facs de médecine à muscler leur enseignement en psychiatrie, adossé à un stage pratique obligatoire, pour susciter davantage de vocations. Objectif affiché : 600 internes par an en 2027. En 2024, 13 % des postes ouverts sont restés vacants. Mais l’objectif de doubler en deux ans le nombre de psychologues (12 000 contre 6 000) engagés dans le dispositif « Mon soutien psy » semble aléatoire.

Réactions

Plan psychiatrie] « déresponsabiliser, enfumer, et désarticuler »

Par Geneviève Henault Psychiatre secteur public

Sans surprise, pas un euro annoncé pour la psychiatrie. Désolée pour celles et ceux qui ont cru à la « Grande cause ».
Sans surprise à nouveau, aucun de mes voeux – exprimés hier ici : https://lnkd.in/eUEg3VqQ – n’a été évoqué ce jour par Yannick NEUDER. Je ne suis pas mauvaise joueuse, donc je vais quand même commenter les annonces.

J’ai proposé d’emblée pour nous échauffer, un nouveau triptyque de mots-clés en sous-titre du pseudo-plan, parce que l’officiel : « repérer, soigner, et reconstruire », ça ne colle pas du tout avec ce qui va suivre.

C’est parti, on reprend les 3 axes :

1️⃣ Repérer
« L’enjeu est de mettre en place un dispositif national de repérage et de vigilance collectif » au sein des écoles.
Deux personnes par établissement désignées « référentes » formées avec des modules en ligne (⁉️) Et des « kits de repérage et d’intervention » distribués à chaque personnel d’éducation.
Bon.
Comment dire.
Est-ce aux enseignants de se substituer aux soignant·es inexistant·es dans les lieux de soins ? Ont-ils à porter cette responsabilité, quand 14% des collégiens et 15% des lycéens présentent un risque important de dépression ? Que 24% des lycéens ont des idées suicidaires ? Que feront-ils, une fois l’enfant/ado « repéré » ? L’orienter ? Vers qui, quoi ? Un dispositif de soins sur-saturé avec 12-24 mois d’attente en pédopsychiatrie ou en CMPP ?

2️⃣ Soigner
▪️Pour renforcer les centres médico-psychologiques (CMP) sans dépenser une thune, les ARS vont flécher les financements en priorité vers les établissements qui proposent des créneaux de rdv non programmés et des dispositifs post-urgence.
Bon.
Les patients qui vont « juste » mal sans être en urgence absolue, on les réoriente où, du coup ?
SPOILER : un patient souffrant de maladie psychiatrique sévère non suivi régulièrement devient… un patient que l’on retrouve aux urgences !
On ne parle donc absolument pas de « soigner » mais de « trier » et « gérer ». De pallier à la crise tout en favorisant la création de nouvelles crises.
Bravo.

▪️Doublement du nombre de psychologues conventionnés participant à « Mon soutien psy », de 6 000 à 12 000 d’ici à 2027.
On a déjà expliqué mille fois comment ce n’est pas une solution, mais une désarticulation supplémentaire des soins et un outil de destruction de la psychiatrie publique : https://lnkd.in/e87m_Zns

3️⃣ Reconstruire
En formant 600 internes par an. Avec une bonne idée : inciter les étudiants en médecine à faire un stage pratique en psychiatrie.
13% des postes n’ont pas été pourvus aux ECN 2024 : peu de chance que cela suffise à améliorer l’attractivité de la discipline…!

Le mot de la fin au Dr Salvarelli (SPH Syndicat) : « on ne peut pas rattraper 10 ans d’atermoiements et d’attente en deux coups de cuillère à pot. On prend ces mesurettes, mais ça ne va pas résoudre quoi que ce soit »

Alors la Grande cause nationale, pas qu’un slogan, Monsieur le ministre ?

Le Ministre de la Santé Yannick NEUDER répond hier dans Le Parisien à propos du plan psychiatrie.

Après avoir dit il y a quelques jours sa détermination à ce que la « Grande cause nationale santé mentale » ne se résume pas à un « slogan », après avoir dit que « La situation est trop grave, chaque jour compte », il n’annonce… RIEN. J’ai déjà fait hier un petit commentaire non exhaustif des mesurettes annoncées : https://lnkd.in/eitTeP4N

Extraits de l’article (que l’on peut lire ici pour les abonnés : https://lnkd.in/e6Ru9CRV)

❓ Les acteurs de l’Éducation nationale demandent plus de moyens humains. Que leur répondez-vous ?
❌ On peine à recruter en milieu scolaire. On doit donc s’appuyer en priorité sur les moyens que l’on a déjà.

❓ Un « kit de repérage » dans chaque établissement, n’est-ce pas un peu gadget ?
❌ On n’est plus à l’heure de savoir si ce que l’on propose est gadget ou pas.
La situation est trop grave, il faut des leviers immédiats, et ils passent notamment par le renforce- ment de dispositifs existants.

❓ Vous annoncez des consultations sans rendez-vous dans les centres médico-psychologiques pour les jeunes. Avec quels moyens ?
❌ Nous allons accompagner financièrement les structures qui mettent en place des actions pour prendre en charge la santé mentale des jeunes patients, en priorisant les agences régionales de santé.
(mais rappelons-nous, sans financement supplémentaire…)

❓ Vous souhaitez aussi passer de 6 000 à 12 000 psychologues dans le dispositif Mon soutien psy, permettant un remboursement par l’Assurance maladie. Comment les convaincre ?
❌ Je ne vais pas forcer un psychologue, mais les 6 000 qui y sont déjà doivent bien y trouver un intérêt !

❓ De nombreux acteurs de terrain estiment que sans nouveaux financements, on n’arrivera à rien. Que leur répondez- vous ?
❌ Je ne suis pas d’accord. La psychiatrie dispose d’un budget de plus de 430 millions en 2025, on peut avoir toujours plus mais on peut aussi mieux s’organiser avec ce qu’on a aujourd’hui.

Par Geneviève Henault Psychiatre secteur public

Psychiatrie, santé mentale et langue de bois (LDB) : des techniques à acquérir et une pratique difficile à mettre en œuvre. Manifestement, l’actuel Ministre de la santé est encore au niveau débutant.

Il répondait ce matin sur France Inter à Sonia Devillers dont on salue la pugnacité, notamment sur la question des moyens (non) attribués à la psychiatrie et tout particulièrement aux Centres Médico-Psychologique (CMP). On peut écouter l’interview ici : https://lnkd.in/exsiTQeZ C’est environ 9 minutes pendant lesquelles on se dit que l’on attend avec impatience que le ministre passe au niveau intermédiaire en LDB.

On n’a donc toujours pas compris comment un jeune (oui on parle toujours des jeunes, à partir de 20-25 ans on n’existe plus dans le discours politique actuel sur la « santé mentale ») qui serait repéré à l’école pourrait bénéficier d’un « coupe-file » dans les CMP ou CMPP où il y a un à deux ans de liste d’attente. Je vais dire une évidence mais c’est toujours important de les rappeler dans ces circonstances : tous les jeunes qui y consultent ou attendent des soins sont en souffrance psychique. Comment on hiérarchise ? Comment on fait passer un jeune qui va mal devant 50 jeunes qui vont mal et qui attendent depuis plusieurs semaines, plusieurs mois ? Sur quelle évaluation ? De l’infirmière scolaire ? Oups il n’y en a plus… Du médecin scolaire ? Pas plus… De la psychologue scolaire ? Pas mieux… L’évaluation du CPE alors ? Du prof principal ? Du directeur d’établissement ? Sans doute seront-ils à l’aise pour faire une évaluation psychologique voire psychiatrique complète avec évaluation des risques et du degré de priorisation. Sans doute réussiront-ils à convaincre le lieu de soin sur-saturé de faire passer ce jeune devant tous ceux également anxieux, dépressifs, suicidaires, psychotraumatisés, présentant des troubles du comportement plus ou moins inquiétants.

Bon, pour celles et ceux qui ne sont pas convaincus par la prestation radiophonique, on peut toujours chercher davantage de réponses dans le dossier de presse communiqué par le Ministère 👉 https://lnkd.in/ep_fwcgw

https://www.linkedin.com/posts/genevi%C3%A8ve-henault-7203a2276_psychiatrie-santaezmentale-grandecause-activity-7338953521632845828-zaFJ?utm_source=share&utm_medium=member_ios&rcm=ACoAAAVVFSQBdBwuDjWgD0tQSovupKOV5raBFhw

Yannick Neuder : « La psychiatrie ne doit plus être le parent pauvre de l’hôpital » | France Inter
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-jeudi-12-juin-2025-5675783

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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