Le Gouvernement modifie la procédure de régularisation des médecins à diplôme étranger
Deux décrets, parus ce jeudi 29 mai, modifient la procédure de régularisation des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue). Ces textes « permettent désormais de mieux prendre en compte l’expérience acquise en France », loue le ministre chargé de la Santé, Yannick Neuder.

Une nouvelle voie d’accès dite « interne » aux Épreuves de vérification des connaissances (EVC), reconnaissant « le parcours des [médecins à diplôme hors Union européenne] qui exercent déjà sur notre territoire ou y ont travaillé au moins deux ans récemment », vient d’être créée. Deux décretsparus ce jeudi au Journal officiel actent l’« engagement » pris par le ministre chargé de la Santé et de l’Accès aux soins, Yannick Neuder. « C’est une mesure de justice, de reconnaissance, de responsabilité », a déclaré ce dernier sur X.
En outre, le parcours de consolidation des compétences (PCC), étape essentielle en vue d’une régularisation, « pourra être adapté pour accélérer l’autorisation d’exercice pour les praticiens reconnus compétents sur le terrain, sans renoncer à l’exigence indispensable de qualité », a ajouté le ministre. Les décrets apportent également « quelques aménagements à la procédure d’autorisation d’exercice provisoire et au dispositif dérogatoire bénéficiant à certains territoires d’outre-mer », peut-on lire au Journal officiel.
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Début avril, près de 300 Padhue avaient entamé une grève de la faimillimitée pour dénoncer la précarité de leurs conditions d’exercice et l’opacité des Épreuves de vérification des connaissances. Ces EVC, auxquelles il faut obtenir plus de 6/20, encadrent l’intégration des médecins étrangers dans les hôpitaux français. S’ils sont admis, ces praticiens doivent effectuer un stage de consolidation des compétences (PCC) de deux ans dans un terrain de stage attribué. A l’issue de cette période, ils peuvent formuler une demande d’autorisation d’exercice auprès du Centre national de gestion (CNG).
Publiés le 31 janvier dernier, les résultats des dernières EVC ont été vivement contestés en raison du faible nombre de lauréats retenus. En 2024, 4000 places avaient été ouvertes pour ces épreuves. Seuls 3800 candidats ont finalement été admis, dont 3235 sur « liste principale » et 638 sur « liste complémentaire ». « Dans ma spécialité, tous ceux qui avaient en dessous de 14,7 de moyenne n’ont pas été pris », le jury ayant décidé d’attribuer moins de postes que prévu, avait expliqué Redha Kettache à l’AFP fin février, en marge d’une manifestation devant le ministère de la Santé.
De « nombreuses zones d’ombre et incohérences »
Si le ministère se réjouit de cette avancée, pour le Dr Abdelhalim Bensaidi, médecin praticien attaché en diabétologie et président de l’association Ipadecc*, ces décrets cachent de « nombreuses zones d’ombre et incohérences ». « Ce[s] décret[s] reste[nt] flou[s] et suscite[nt] de nombreuses interrogations. Notamment, le nombre de postes ouverts dans chaque spécialité sera-t-il différent selon qu’il s’agisse de la voie interne ou de la voie externe ? Ou bien s’agira-t-il de postes à se partager entre les deux voies ? Y aura-t-il suffisamment de postes pour la voie interne afin de permettre la régularisation d’un maximum de Padhue ? », a-t-il interrogé, sous le post LinkedIn du ministre Neuder.
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« La note minimale reste à la discrétion du jury, comme en 2024. Qu’est-ce qui nous garantit, dès lors, qu’un candidat ayant obtenu une moyenne de 14/20 ne sera pas exclu ? », a-t-il poursuivi, inquiet. « Par ailleurs, aurons-nous accès à des supports de préparation ? Ou serons-nous, une fois de plus, livrés à nous-mêmes pour passer un concours sous forme de QCM en médecine générale ? Il est impératif de disposer de ressources ciblées. »
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Régularisation des Padhue : déçus, les syndicats appellent à aller plus loin
Les organisations représentatives des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) ont réagi après la publication, jeudi 29 mai, de deux décrets modifiant la procédure de régularisation. « Insatisfaits », ils déplorent des textes qui ne sont que des « ébauche[s] » et appellent à aller plus loin.
Par Chloé Subileau

« Cette réforme est un acte de confiance dans les équipes médicales et dans le travail rigoureux d’évaluation clinique. » C’est par ces mots que le ministre chargé de la Santé, Yannick Neuder, s’est félicité, jeudi 29 mai sur ses réseaux sociaux, de la publication au Journal officiel de deux décrets modifiant la procédure de régularisation des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue).
Parmi les principales avancées, l’ouverture d’une nouvelle voie d’accès « interne » aux Epreuves de vérifications des connaissances (EVC). Cette voie vient reconnaître « le parcours des professionnels qui exercent déjà sur notre territoire ou y ont travaillé au moins deux ans récemment », a précisé le ministre de la Santé. Les médecins éligibles à cette voie n’auront désormais plus qu’à passer une seule épreuve qui portera sur une vérification des connaissances fondamentales – contre deux épreuves auparavant, dont une pratique.
n d’une voie interne au concours des EVC, « nous restons insatisfaits », avance ainsi la Fédération des praticiens de santé (FPS) dans un communiqué, diffusé dimanche 1er juin.
L’organisation syndicale, qui représente les Padhue, pointe plusieurs éléments, dont le fait que la nouvelle voie d’accès aux ECV reste organisée sous la forme d’un concours « classique ». « La demande de la FPS d’organiser ces épreuves sous forme d’un véritable examen, plus représentatif d’une évaluation adaptée des compétences a été rejetée », dénonce le syndicat qui estime, en outre, que la création d’une voie interne « ne constitue pas une avancée révolutionnaire ».
Une nouvelle voie qui « ne régularise rien »
« Pour que cette voie interne du concours ait un réel impact pour les candidats exerçant depuis plus de deux ans en France, il serait essentiel d’ouvrir au moins 5 000 postes au concours interne en 2025, en incluant toutes les spécialités médicales et chirurgicales », poursuit notamment le syndicat.
L’association Ipadecc* estime, de son côté, que le décret créant cette voie interne « ne régularise rien ». « Il remplace un système opaque par un concours théorique verrouillé, déconnecté de notre exercice quotidien et vidé de tout lien avec la réalité du terrain », écrit l’association. « Le décret crée une prétendue ‘voie interne’, réservée aux praticiens en poste, mais fondée uniquement sur une épreuve théorique en QCM, identique à celle du concours classique », insiste-t-elle. Tandis que l’épreuve « pratique », « déjà contestable dans sa forme antérieure (un cas clinique sur dossier), est purement et simplement supprimée », abonde l’Ipadecc.
De plus, « le jury conserve le pouvoir de fixer la barre d’admission après l’épreuve, et peut modifier à sa guise le nombre de lauréats, indépendamment du nombre de postes ouverts », déplore l’association, pour qui ce mode de sélection reproduit « les dérives » déjà dénoncées ces derniers mois.
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Pour la FPS toutefois, les adaptations apportées au PCC, ainsi que l’extension à toute la France du dispositif dérogatoire accordé aux Padhue exerçant en Outre-mer et justifiant d’au moins cinq ans d’exercice pour se présenter directement devant la commission d’autorisation d’exercice, sont de véritables avancées.
La fédération « se félicite » aussi de l’implication des coordinateurs universitaires dans le suivi du PPC pour les lauréats du concours des ECV. « Nous veillons à ce que l’inscription universitaire, désormais obligatoire, soit financée par les hôpitaux […] Il est également essentiel que cette voie universitaire soit suffisamment ciblée pour répondre aux exigences des commissions d’autorisation et qu’elle soit accompagnée d’un temps de formation adéquat », précise cependant le syndicat.
La Dre Kahina Hireche Ziani, parole-parole de l’association SOS Padhue, pointe, elle, des « décrets [qui] ne sont qu’une ébauche ». Il faut les travailler davantage car ils contiennent encore beaucoup de vides juridiques« , a précisé la praticienne, sur le réseau social LinkedIn. « Quid des lauréats EVC et Stock [dispositif dérogatoire] déjà en cours de PCC. Ils doivent aussi pouvoir bénéficier de cette dérogation. »
Dénonçant fermement ces nouveaux textes, l’Ipadecc refuse, de son côté, d’appeler « cette réforme une régularisation ». « Elle ne reconnaît rien, ne répare rien, et n’a qu’un effet : institutionnaliser l’exclusion de ceux qui sont déjà là, compétents, engagés, et indispensables », lance l’association.
*Intégration praticiens à diplôme étranger engagés contre la crise.