Pas de ZFE sans alternative pour LFI: développer les transports en commun, condition sine qua non à la réduction de la pollution de l’air.

« À LFI, on dit : pas de ZFE sans alternative ! »

29 mai 2025 | https://info.mediapart.fr/optiext/optiextension.dll?ID=1xw1r3Y6PF%2B_1EU3kjo1vXOzDO3B6qEcHOEC6niqYJMnKCxf9cNYojVfWKv6iUpahjz1wmoAKjA5rK2m%2Bxe2z3YcfzT1h

Par Pauline Graulle

Le député insoumis Sylvain Carrière s’explique sur le vote qui a conduit à supprimer les ZFE à l’Assemblée nationale, et revient sur les propositions de son mouvement pour développer les transports en commun, condition sine qua non à la réduction de la pollution de l’air.

Mercredi 28 mai, l’Assemblée nationale a adopté, par 98 voix pour et 51 contre, l’article 15 ter du projet de loi de simplification de la vie économique prévoyant la suppression des zones à faibles émissions (ZFE). Les député·es de La France insoumise (LFI) ont unanimement voté pour, à l’unisson avec le Rassemblement national (RN) et la droite Les Républicains (LR), et à l’inverse des écologistes, des socialistes et d’une partie des macronistes. Une « victoire historique pour tous les automobilistes », s’est aussitôt félicité Philippe Nozière, patron du lobby 40 millions d’automobilistes.

Au lendemain du scrutin, le député insoumis de la 8e circonscription de l’Hérault, Sylvain Carrière, qui a entrepris depuis 2022 un « tour de France des ZFE » pour aller dialoguer avec les usagers et usagères sur le terrain, revient pour Mediapart sur les problèmes posés par la mise en place de ces zones et les raisons qui ont conduit les Insoumis·es à les supprimer à l’Assemblée nationale – il faudra néanmoins attendre le vote au Sénat, et le vote solennel de la loi de simplification pour que leur suppression soit définitivement entérinée.

Mediapart : Hier, LFI s’est associée à la droite et à l’extrême droite contre une initiative écologique. Cela ne vous pose-t-il pas de problème ? 

Sylvain Carrière : Nous nous sommes opposés effectivement à des amendements de réintroduction des ZFE portés par les écologistes, les macronistes et les socialistes, car nous réclamons un moratoire sur les ZFE – nous étions déjà le seul groupe parlementaire à s’être opposé à leur création en 2019. La raison, c’est que nous voulons d’abord que les gens puissent avoir des alternatives de déplacement en transports en commun avant de leur interdire d’utiliser leur voiture. À LFI, on dit : pas de ZFE sans alternative !

Sylvain Carrière, député LFI, pendant les questions au gouvernement, à l’Assemblée nationale, le 21 mai 2025. Photo : Telmo Pinto / NurPhoto via AFP

Mais même si nous avons voté avec le RN, lui porte tout autre chose : il prétend défendre le peuple en supprimant les ZFE mais promeut en réalité le « tout-bagnole », ce qui n’est pas du tout souhaitable pour les classes populaires, car la pollution des voitures touche d’abord les classes populaires et, en plus, c’est un gouffre financier. Condamner les gens à prendre leur voiture, ce n’est pas aller dans l’intérêt du peuple.

Votre position est donc un moratoire conditionné au développement des transports en commun ?

Oui, nous sommes pour un moratoire mais qui permette vraiment de développer des alternatives. Cela ne sert à rien de repousser pour repousser. Or le gouvernement nous dit à chaque fois qu’on verra dans un second temps pour les alternatives, et quand l’examen du budget arrive chaque année, les macronistes et le RN votent systématiquement contre les plans vélo, le retour des trains de nuit, etc. Nous, nous voulons tout l’inverse : penser l’alternative avant l’interdiction.

Les ZFE ne sont aujourd’hui ni comprises ni acceptées dans leur forme actuelle, car beaucoup de Français ne peuvent ni changer de véhicule ni utiliser un autre moyen de transport. Dans toutes les enquêtes d’opinion qui ont été réalisées, les ZFE sont le plus acceptées dans les endroits où il y a beaucoup de services publics. Il y a une corrélation flagrante entre accès aux services publics et acceptabilité.

On ne peut pas accepter qu’il y ait 40 000 morts par an, mais il faut aussi penser à ces millions de Français qui sont empêchés de se déplacer.

Quand j’ai été élu en 2022 sur ma circonscription, qui est en bout de l’agglomération de Sète et en bout de la métropole de Montpellier, les gens des villages à l’ouest de Montpellier m’ont dit : « Ici, c’est le far-west : on nous interdit de nous déplacer en voiture car on est en ZFE, et on n’a pas de moyens de transport ! » Plus généralement, le baromètre WiMoov montre qu’entre 2022 et 2025, 2 millions de personnes supplémentaires ne peuvent plus se déplacer librement à cause des ZFE.

En réalité, poser la question en termes de pour ou contre les ZFE n’est donc pas pertinent : c’est le dispositif qui ne convient pas dans sa forme actuelle. Notre ligne s’inscrit dans une vision globale : nous voulons développer les transports en commun, proposer un autre modèle agricole pour améliorer la qualité de l’air…

Le développement des alternatives conduira à un double gain écologique et économique pour les gens, notamment des quartiers populaires, qui se retrouvent aujourd’hui face à une triple peine : ils ne peuvent pas se loger en centre-ville car c’est trop cher, ne peuvent plus s’y rendre autrement qu’en voiture faute de transports et subissent plus que les autres la pollution intense quand ils habitent aux alentours des périphériques.

On ne veut pas précariser les Français, et c’est d’ailleurs le rôle de l’État que de garantir la mobilité pour tous. Il faut donc une planification écologique et en matière de transports en commun. On ne peut pas accepter qu’il y ait 40 000 morts par an, mais il faut aussi penser à ces millions de Français qui sont empêchés de se déplacer.

Comment conciliez-vous la question du temps long de la création d’infrastructures de transport, de la remise en place des services publics, de la formation des conducteurs et conductrices… et l’urgence de santé publique ?

Le problème, c’est que depuis des années, on est dans une politique du « transport plus vite » qui consiste ici à gagner 10 minutes en construisant une autoroute, là à gagner 20 minutes en créant une nouvelle ligne de LGV… Il faut au contraire être dans une perspective de long terme et dans une véritable volonté de planification, car cela prend du temps de revoir le système de mobilité dans sa globalité, de redévelopper le fret… On sait très bien qu’on n’aura pas tous les transports nécessaires demain.

Tout cela doit être discuté et pensé collectivement.

Mais en attendant, on peut créer des pistes cyclables en quelques mois, et quand cela prend cinq à dix ans pour faire un nouveau tram, un tram-bus est plus rapide à mettre en place. Autre chose qui ne coûte pas cher : revoir les horaires et les cadences des bus ou des trains afin qu’ils correspondent davantage à la vie quotidienne des gens. Lors de mon « tour de France », les Français ne m’ont pas tant parlé du coût des transports que du manque d’offre et de fiabilité en la matière.

Avez-vous d’autres propositions ?

Oui : refondre la vignette Crit’air, car on sait que la pollution vient aussi des pneus et du freinage. Il faut donc prendre en compte le poids du véhicule et l’analyse de la vie du véhicule. Il faut aussi harmoniser au niveau national les dérogations, qui se comptent aujourd’hui par dizaines et ne sont pas les mêmes à Toulouse ou à Montpellier, ce qui crée une illisibilité du dispositif. Tout cela doit être discuté et pensé collectivement.

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Nous voulons aussi que les gens soient mieux accompagnés pour acheter un véhicule plus propre, mais il ne faut pas que ce soit open bardans les primes, car l’argent public ne doit pas servir à renouveler le parc automobile. Il faut donc cibler davantage en fonction des revenus et trouver une solution pour les plus précaires qui, malgré les aides, se retrouvent avec un reste à charge de 20 000 euros pour changer de voiture.

Les écologistes dénoncent depuis hier un « recul inacceptable » (l’ex-eurodéputée Europe Écologie-Les Vert Karima Delli) ou encore un « vote populiste et irresponsable » (Bruno Bernard, président écologiste de la Métropole de Lyon). Qu’en dites-vous ?

Nous avons un échange régulier avec eux. La première réunion de mon « tour de France » était d’ailleurs dans la métropole de Lyon. Tout le monde, même les écolos, fait le constat qu’il y a un problème d’application des ZFE. Là où nous divergeons, c’est sur ce que l’on fait en premier : le développement des alternatives ou les ZFE ? Nous avons des différences de timing, mais au fond, nous voulons la même chose.

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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