Elle a le droit d’être soignée » : la détresse d’une famille confrontée à la faillite de la pédopsychiatrie dans le Tarn
Publié le 04/05/2025 à 11:01 https://www.ladepeche.fr/2025/05/04/elle-a-le-droit- -a-la-faillite-de-la-pedopsychiatrie-d..php
by ETX
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Venue de Mayotte pour soigner les troubles mentaux de leur fille, une famille se heurte aux carences des services de psychiatrie pour enfants. Aucune structure ne peut prendre en charge l’adolescente, qui a passé trois semaines, internée avec des adultes instables. Les professionnels tirent la sonnette d’alarme.
Naïma a 14 ans. Elle est née à Mayotte avec un trouble du spectre de l’autisme. « J’ai vu tout de suite, qu’elle n’était pas comme les autres », confie sa mère, Mariame. Dès la maternelle, l’équipe éducative a également détecté des difficultés. Les années ont passé, et l’état de Naïma s’est aggravé. « Plus elle grandissait, plus son autisme se développait », explique sa mère. Si elle a pu intégrer une classe ULIS (Unité localisée pour l’inclusion scolaire), le dispositif s’est rapidement révélé inadapté.
« À 10 ans, elle avait le niveau d’un élève de grande section de maternelle. Et son niveau scolaire n’a jamais changé », souligne-t-elle. Ce retard mental important a été un facteur aggravant lors de son passage au collège, où Naïma a commencé à faire des crises violentes. « Elle tapait, était agressive. »
Une hospitalisation temporaire, des réponses inadaptées
Fin 2022, face à l’urgence et à l’absence de solution à Mayotte, Mariame a décidé d’emmener sa fille à La Réunion. Là, Naïma a été hospitalisée pendant 3 mois dans une unité de pédopsychiatrie. Le diagnostic posé était flou : schizophrénie, déficience intellectuelle… « En fait, ils ne savent pas exactement ce qu’elle a », regrette Anthony, le grand frère de Naïma, très impliqué dans la prise en charge de sa sœur. C’est sur recommandation de l’équipe réunionnaise que la famille a décidé de rejoindre la métropole, espérant y trouver des structures adaptées. Ils ont vite déchanté.

Mariame (au centre) a dû arrêter de travailler pour s’occuper de Naïma à plein temps.
Le 2 mars, la famille s’installe à Aiguefonde, dans le sud du Tarn. Mais très vite, la situation dégénère. Anthony entreprend immédiatement des démarches pour trouver une solution, mais se heurte à un véritable « parcours du combattant ». Après plusieurs refus et un sentiment persistant de ne pas être pris au sérieux, Naïma est finalement admise à l’hôpital de Lavaur. Mais le service, non équipé d’une chambre sécurisée, ne peut lui offrir qu’une prise en charge en psychiatrie adulte, dans une chambre non adaptée, à côté de patients instables. « Même si ce n’était pas adapté, ils ont compris l’urgence de la situation. On était soulagés quelque part qu’ils la gardent, même si on savait que ce serait temporaire », souffle Anthony.
Une vie familiale bouleversée
Au total, Naïma reste hospitalisée trois semaines. Le 28 mars, elle doit quitter l’établissement. Depuis, aucune prise en charge n’a pu être mise en place. Elle vit désormais à domicile, dans un climat de tension extrême. « Elle casse tout dans la maison », raconte Mariame, qui a dû cacher tous les objets tranchants. « J’ai caché les couteaux de cuisine, je n’ose rien laisser traîner. » Dans leur logement, le strict minimum subsiste : un canapé, une table, quelques chaises. Plus de télé, plus de décoration. « Elle est très violente, imprévisible. Parfois, elle a des hallucinations, se met à frapper, nous menace de mort », confie la mère, souvent prise pour cible par sa propre fille. « Elle s’en prend tout le temps à moi. Elle donne des ordres. Elle m’a déjà dit : ‘Je vais te tabasser jusqu’à mourir.' »
Mariame a dû arrêter de travailler pour s’occuper de Naïma à plein temps. L’ARS, la MDPH, la protection de l’enfance… Tous les organismes ont été sollicités. Sans succès. « Nous avons tout tenté : contacté le procureur de Castres, les services de Carcassonne – sur les conseils de notre médecin – mais l’ordonnance de placement provisoire a été refusée », explique Anthony. « Tout le monde se renvoie la balle. Moi je veux me battre pour ma sœur. C’est une enfant, elle est malade, et elle a le droit d’être soignée et d’être prise en charge. Là, pour moi, il y a non-assistance à personne en danger. » »Elle est un danger pour les autres mais aussi pour elle-même. Il y a vraiment urgence », insiste-t-il. En dernier recours, Anthony a même écrit au préfet du Tarn pour alerter sur cette situation qu’il qualifie de désespérée.
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