On ne peut pas dire que le journal « Le Monde » défende chaudement la proposition de loi trans-partisane de Guillaume Garot !

Déserts médicaux : la régulation de l’installation des médecins votée à l’Assemblée

Malgré l’avis défavorable du gouvernement, la proposition de loi a été adoptée en première lecture, mercredi soir. Son parcours parlementaire va se poursuivre, alors que la profession dénonce une mesure inefficace et contre-productive. 

Par Mattea Battaglia et Camille StromboniPublié hier à 00h43, modifié hier à 18h42 https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/05/08/deserts-medicaux-la-regulation-de-l-installation-des-medecins-votee-a-l-assemblee-nationale_6603870_3224.html

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Dans l’Orne, en septembre 2022.
Dans l’Orne, en septembre 2022.  JIMMY BEUNARDEAU / HANS LUCAS VIA AFP

Le vote fera, sans aucun doute, l’effet d’un coup de tonnerre dans la profession médicale et au-delà. La proposition de loi portée par le député (Parti socialiste, PS) de la Mayenne Guillaume Garot et cosignée par quelque 250 députés de tous horizons (hors Rassemblement national, RN), qui prévoit une régulation de l’installation des médecins, a été adoptée, mercredi 7 mai, sur les bancs d’un Hémicycle très clairsemé. Malgré l’avis défavorable du gouvernement, elle a recueilli, un peu après 23 heures, 99 voix en sa faveur, 9 contre.

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Certes, son parcours parlementaire va se poursuivre, avec un examen au Sénat envisagé à partir de l’automne, mais il s’agit d’une première victoire pour les partisans d’une contrainte à l’installation des médecins libéraux, à l’heure où les déserts médicaux s’aggravent. « Nous avons passé une étape importante [qui doit permettre de] stopper l’aggravation des inégalités », a salué M. Garot. « Lorsque les déserts avancent, c’est la République qui recule, nous avons remis un peu de République dans notre organisation collective », a-t-il aussi affirmé.

« Même si nous ne sommes pas d’accord sur la solution, nous partageons le constat que les déserts médicaux et les difficultés d’accès aux soins restent la principale préoccupation des citoyens », a réagi le ministre de la santé, Yannick Neuder, à la fin des débats.

« Chiffon rouge »

Alors que la profession s’est mobilisée ces dernières semaines contre une mesure dénoncée comme étant inefficace, et même contreproductive, des soutiens en faveur de cette option inflammable sont venus des élus locaux, souvent démunis face aux difficultés d’accès aux soins sur leur territoire – 1 500 d’entre eux ont signé une tribune en faveur de la régulation, publiée dans La Tribune Dimanche, le 4 mai.

Des médecins et des internes des hôpitaux lors d’une manifestation contre la proposition de loi sur les déserts médicaux, à Paris, le 29 avril 2025.
Des médecins et des internes des hôpitaux lors d’une manifestation contre la proposition de loi sur les déserts médicaux, à Paris, le 29 avril 2025.  ABDUL SABOOR / REUTERS

Le premier article du texte porte cette mesure phare, « chiffon rouge » pour les médecins, d’une contrainte à l’installation dans les zones géographiques jugées surdotées : l’arrivée d’un médecin, généraliste comme spécialiste, libéral comme salarié, sera conditionnée au départ d’un confrère, par le biais d’une autorisation délivrée par l’Agence régionale de santé. L’article en question avait été adopté dès le 2 avril, lors du début de l’examen du texte. Un vote large (155 voix pour, 85 contre), mais devant un nombre de députés restreint, laissant perdurer le suspense quant à l’adoption finale intervenue mercredi.

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La reprise de l’examen de la proposition de loi, qui compte trois autres articles (sur la suppression de la majoration de tarif en l’absence de médecin traitant, l’ouverture d’une première année de médecine sur tous les territoires et le rétablissement de l’obligation de permanence des soins pour tous les médecins), un mois plus tard, a confirmé ce soutien.

Une autre initiative au Sénat

Depuis vingt ans que les déserts médicaux s’aggravent sur de nombreux territoires, ruraux, mais aussi désormais urbains, les autorités politiques n’ont jamais franchi ce cap de mesures contraignantes, leur préférant toujours des dispositifs incitatifs.

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Le sujet n’est pas près de retomber. Au Sénat, une autre initiative parlementaire, portée par l’élu Les Républicains Philippe Mouiller (Deux-Sèvres) et quelque 140 autres sénateurs, doit être discutée à compter du 12 mai. Son principe est le même, réguler l’installation des médecins, mais selon d’autres modalités. Alors que la proposition du député Garot prévoit une règle qui s’appliquerait à l’ensemble des médecins de toutes les spécialités, celle des sénateurs opère un distinguo. Pour les généralistes, l’installation en zone jugée dense serait conditionnée à un exercice à temps partiel, dans un cabinet secondaire, dans un territoire en souffrance. Pour les spécialistes, elle dépendrait du départ d’un confrère, sauf si le médecin qui s’installe s’engage à exercer lui aussi à temps partiel dans une zone sous-dotée.

La concomitance des deux propositions de loi relève d’un « hasard de calendrier », soutiennent les parlementaires à la manœuvre. Du côté de Guillaume Garot, un groupe transpartisan y travaille depuis trois ans. Du côté de Philippe Mouiller, la droite sénatoriale s’y affaire depuis un an.

C’est néanmoins ce second texte qui doit recevoir le soutien du gouvernement. Face à la levée de boucliers chez les jeunes médecins, les internes et les étudiants, toujours vent debout contre la régulation et soutenus par les syndicats de médecins libéraux, le positionnement du premier ministre, François Bayrou, a évolué. Après s’être dit favorable à la régulation dans un premier temps, il a changé de braquet, en annonçant son « pacte de lutte contre les déserts médicaux », le 25 avril. Avec, comme disposition phare, la mise en place d’une « mission de solidarité obligatoire » de deux jours que devraient remplir les médecins dans les zones en difficulté.

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Pour mettre en œuvre les mesures de son « pacte », l’exécutif a prévu de passer par la voie d’amendements parlementaires. Il a d’ailleurs déclenché une procédure accélérée sur le texte sénatorial, celle-ci permettant une seule lecture dans les deux chambres – et donc, possiblement, de prendre de vitesse l’initiative des députés.

Dans les rangs des syndicats de libéraux, les réactions, à ce premier stade du parcours parlementaire, sont vives. « Le feuilleton n’est pas terminé, relève Agnès Giannotti, à la tête de MG France, majoritaire parmi les généralistes. Le “bon sens” et le fait de “n’avoir jamais essayé cette mesure”, comme le rappelle l’exposé des motifs [du texte de M. Garot] ne suffisent pas à mener un pilotage sérieux de l’offre de soin. » « Ce texte vaut sanction générationnelle, parce que ce sont les jeunes médecins qui, demain, seront pénalisés, alors qu’ils ne sont pas responsables de la situation, fait valoir Patrick Gasser, du syndicat de spécialistes Avenir Spé. L’absence de cohérence, dans cette option, ne peut qu’engendrer une perte de confiance dans l’action politique. »

Mattea Battaglia et  Camille Stromboni

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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