A contre-courant, l’Ordre s’inquiète d’un surplus de médecins
Quentin Haroche |
22 Avril 2025 https://www.jim.fr/viewarticle/contre-courant-lordre-sinquiète-d-surplus-médecins-2025a10009nk?ecd=wnl_all_250422_jim_daily-doctor_etid7376702&uac=368069PV&impID=7376702&sso=true
L’Ordre des Médecins estime que la France comptera trop de médecins en 2040, s’opposant ainsi aux propositions du gouvernement.
Depuis plusieurs années, les gouvernements successifs se sont engagés dans une politique d’augmentation du nombre d’étudiants en médecine, afin de faire face à la pénurie de médecins et à la désertification médicale. Le numerus clausus a d’abord été élargi dans les années 2000, puis abandonné en 2020 et remplacé par le numerus apertus.
Il y a un an presque jour pour jour en avril 2024, le Premier Ministre Gabriel Attal proposait également de faire passer le nombre d’étudiants en médecine formés chaque année de 11 000 actuellement à 16 000 en 2027. Et vendredi prochain, son successeur François Bayrou devrait de nouveau, dans le cadre d’un plan plus général de renforcement de l’offre de soins, annoncer une augmentation du nombre de futurs médecins.
Une hausse tous azimuts des effectifs qui va peut-être trop loin. C’est l’alerte, quelque peu contre-intuitive, lancée le mois dernier par l’Ordre des médecins. Dans son atlas annuel de la démographie médicale, publié le 27 mars dernier, le conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) notait que le nombre de médecins en activité avait déjà augmenté de 12 % depuis 2010.
Il se prêtait ensuite au jeu des projections : selon le CNOM, au vu du nombre de médecins formés, de l’âge de départ en retraite des praticiens et de l’arrivée en France de médecins étrangers, notre pays devrait connaitre d’ici 2040 une augmentation de 30 % de ses effectifs médicaux, soit 70 000 médecins supplémentaires.
Plus de médecins pour moins d’habitants
« C’est considérable, pour une population qui n’augmentera plus, mais qui vieillira en revanche » analyse ce lundi sur France info le Dr Jean-Marcel Mourgues, vice-président du CNOM. En effet, selon une récente étude de l’Institut national d’études démographiques (INED), en raison de la baisse des naissances, la population française ne devrait que faiblement augmenter d’ici 2040, pour atteindre les 70 millions d’habitants, avant de commencer à diminuer.
L’Ordre des médecins appelle également à prendre en compte les nouvelles technologies et notamment l’intelligence artificielle qui pourrait, à l’avenir, diminuer le nombre de médecins nécessaire pour assurer l’accès aux soins.
« Les discours malthusiens risquent de s’inviter dans les débats, à l’instar de ce qu’ils furent à la fin des années 70 » écrit le CNOM dans son Atlas. Dans les années 1970, c’est en effet la crainte d’un trop plein de médecins qui avait conduit les autorités à mettre en place un numerus clausus dans les études médicales. « Il faut se poser d’ores et déjà la question de savoir si nous ne sommes pas en train de former trop de médecins » ajoute le CNOM.
Le gouvernement estime que la pénurie médicale durera jusqu’en 2050
L’Ordre des médecins n’est pas la seule institution à adopter cette position, qu’il reconnait « contre-intuitive », selon laquelle la France s’expose à un trop plein de médecins. Au cours d’un colloque à l’Académie de médecine en octobre dernier, certains intervenants, dont le doyen de la faculté de médecine de Tours le Pr Patrice Diot, avait déjà évoqué le risque d’une « pléthore médicale » dans les prochaines années.
Le gouvernement ne partage en tous les cas pas cette analyse et estime que la France manquera de médecins au moins jusqu’en 2050. « On forme actuellement le même nombre de médecins qu’en 1970, nous étions 15 millions d’habitants en moins et la population a vieilli » répond ainsi Yannick Neuder à l’Ordre des médecins. « Il y a aussi un facteur important que personne ne remet en cause, c’est le rapport au travail, il a frappé tous les milieux professionnels et le milieu de la santé aussi » rajoute le ministre.
Selon lui, les jeunes médecins, qui préfèrent le salariat à la médecine libérale, travaillent moins que leurs ainés, dans un souci de mieux concilier vie privée et vie professionnelle. L’exécutif est donc déterminé à continuer d’augmenter le nombre de médecins formés.