« Le péril Bolloré révèle les dérives du capitalisme médiatique » – Marie Bénilde
Vincent Bolloré étend son influence au-delà même des médias qu’il possède. Dans Le péril Bolloré (La Dispute), la journaliste Marie Bénilde retrace le parcours du milliardaire, explique l’évolution de ses liens avec Emmanuel Macron, évoque sa stratégie d’influence culturelle et de soft power en Afrique et détaille la mainmise qu’il exerce sur ses médias. Elle aborde également la nature de son combat idéologique, qu’elle attribue aux liens étroits qu’il a eus avec son oncle. Entretien.
publié le 13/04/2025 https://elucid.media/democratie/le-peril-bollore-revele-les-derives-du-capitalisme-mediatique-marie-benilde
Par Laurent Ottavi

Laurent Ottavi (Élucid) : En quoi le pouvoir acquis par Vincent Bolloré tient-il à un parcours ordinaire, typique du capitalisme français, et aussi à des méthodes prédatrices ?
Marie Bénilde : J’essaye de montrer dans mon livre que Vincent Bolloré est d’abord un héritier soucieux de transmettre un patrimoine professionnel, symbolique et en capital, puis idéologique. Il a été marqué par la faillite de son père, qui a manqué de lui faire subir quelque chose d’inacceptable dans son monde d’ultrariches où l’argent ne peut et ne doit que rapporter plus : une forme de déclassement. Entendons-nous, il n’aurait jamais connu la moindre difficulté financière s’il avait échoué à redresser son entreprise familiale. Il aurait probablement eu une vie d’ultra-privilégié de la haute bourgeoisie parisienne s’il était resté chez Rothschild – où il était un cadre supérieur déjà très en vue dans les années 1970 – et s’il n’avait pas commencé à s’appuyer sur cet outil professionnel avec des gens travaillant directement pour lui. Mais Vincent ne serait pas devenu Bolloré s’il n’avait pas donné à son nom le lustre de nombreuses conquêtes dans les affaires.
Ce qui est donc typique du capitalisme français des années 1980 et 1990, c’est que l’on chasse en meute si je puis dire. Vincent Bolloré n’est pas seul, mais soutenu par des financiers qui cherchent à s’appuyer sur des affairistes rapides et sans scrupules pour s’enrichir eux-mêmes. Ils s’appellent Edmond de Rothschild, Antoine Bernheim, Claude Bébéar… Ensuite, tous profitent des privatisations, de l’essor de la Bourse de Paris, du triomphe du capitalisme financier et d’un espace encore largement dérégulé, notamment en ce qui concerne le trafic maritime avec l’Afrique. La prédation se mesure bien sûr à l’extraction de ressources agricoles sur ce continent (tabac, huile de palme…) ou aux concessions obtenues sur les ports, mais on la retrouve aussi dans les médias où la propriété n’hésite pas à s’exprimer dans la négation des réalités collectives humaines.
La fin justifie les moyens et beaucoup de choses reposent sur le mensonge : on ment pour obtenir des ouvriers et des syndicats un aménagement du temps de travail et des baisses de salaires ; on ment pour exploiter des travailleurs pauvres en Afrique et en Asie en se présentant comme un gros employeur intéressé par le développement de pays dont on tire essentiellement des profits ; on ment pour entrer en catimini dans le capital de sociétés convoitées en assurant que l’on vient en ami ; on ment pour tordre une ligne éditoriale sans s’avouer explicitement réactionnaire et d’extrême droite.
Après arrive tout le folklore autour de l’identité bretonne, les 200 ans de l’entreprise pour faire croire que seul intéresse la continuité d’une lignée… Mais le moteur de Bolloré, c’est évidemment bien plus que cela. Chez Macron, on parle d’hubris. Chez lui, Alain Minc parle de « la toute-puissance que confère l’argent et qui n’est pas habituée à trouver sur sa route quelques irrédentismes ».
« Bolloré façonne une opinion publique à travers les réactions de politiques ou de personnalités médiatiques dans ou en dehors de ses plateaux. »
Élucid : L’influence, écrivez-vous, est au cœur du projet de Vincent Bolloré. De quels canaux d’influence (presse, institut de sondage, télévisions… mais aussi réseaux) dispose-t-il pour en gagner ?
Marie Bénilde : Il dispose de tout cela à travers le Journal du Dimanche, Prisma, Europe 1, l’institut CSA, Hachette, le groupe Canal+ avec CNews et Dailymotion. Ce qui est nouveau chez lui, c’est qu’il ne se contente pas de trouver des synergies en mettant en commun des moyens de production ou en mutualisant des coûts (ce que font tous les capitalistes). Il se pose aussi en chef d’orchestre pour faire jouer une même musique à travers ses divers instruments. Et pour que la partition soit fidèlement interprétée, il n’est toléré aucune fausse note – d’où la propension à se débarrasser des gêneurs sans ménagement.
Chaque instrument doit intervenir en rebond d’un précédent pour apporter un maximum de profondeur d’impact. C’est ce qui rend si redoutable son influence médiatique. Elle se saisit d’un drame ou d’une question de l’actualité – Crépol par exemple –, crée une bulle grossissante qui va s’épanouir sur les réseaux sociaux à mesure qu’elle est reprise et amplifiée par ses médias. Chemin faisant, cette bulle nourrit une conversation à sens unique qui va non seulement gagner en puissance et en intensité sur les plateformes numériques, mais en plus alimenter des émissions, des articles et des plateaux, donc fabriquer de l’opinion en contaminant les médias extérieurs à l’empire qui ont fait de l’observation des réseaux sociaux une boussole.
Au fond, la meilleure façon de lutter contre l’influence de Bolloré serait – comme on le faisait jadis avec l’extrême droite – de l’ignorer. Mais ce n’est plus possible dès lors qu’il façonne une opinion publique à travers les réactions de politiques ou de personnalités médiatiques dans ou en dehors de ses plateaux. Pour allumer la mèche sur des questions de fond comme l’immigration, on fait venir des idéologues qui se présentent comme des chroniqueurs ou des animateurs d’émission ou de journaux (Pascal Praud, Laurence Ferrari, Matthieu Bock-Côté, Philippe de Villiers…). Parfois, l’institut CSA sert de caution pour exprimer ce que les Français penseraient vraiment. D’autres fois, et le plus souvent, il suffit d’un fait divers.
Quels objectifs vise Vincent Bolloré spécifiquement, par rapport à l’Afrique, par le biais des canaux d’influence qu’il possède ?
Il y a eu selon moi deux époques. La première, celle d’un néo-colonialisme assumé où Vincent Bolloré profite des réseaux de la Françafrique pour tirer le maximum de profits de l’Afrique francophone. Cela passe par l’obtention de terres louées à des prix dérisoires et au mépris des habitants ou de la pollution que la monoculture d’hévéas suscite, comme on a pu le voir au Cameroun. Mais l’essentiel du « business » se fait à travers Bolloré Africa Logistics, qui gère le trafic dans les ports et les gares. Là encore, on voit que, de Havas à Vivendi ou Canal+, tous les moyens sont mis en œuvre pour faciliter le renouvellement de concessions, le plus souvent obtenues dans des États « ami de la France ».
Dans ces pays, le choix de Bolloré est alors une manière de resserrer un partenariat économique et/ou militaire avec l’ancienne puissance coloniale. Que cette alliance soit remise en cause, comme on l’a vu au Niger, et l’influence de Bolloré ne pèse plus rien. C’est la raison pour laquelle l’homme d’affaires va finalement décider de sortir des ports et du rail africain en 2023, en cédant sa branche logistique africaine à l’armateur italo-suisse MSC pour 5,7 milliards d’euros. C’est le deuxième temps de l’expansion africaine.
Loin de déserter l’Afrique, Bolloré se concentre désormais sur l’extension de Canal+ sur ce continent dans les zones anglophones et lusophones. À Canal+, il a récupéré un développement entrepris du temps de ses prédécesseurs, mais il veut lui donner une tout autre dimension en acquérant le bouquet de chaînes sud-africain MultiChoice. Il est également présent à travers Havas, donc dans le conseil en communication. En d’autres termes, il s’inscrit désormais dans l’influence culturelle et le soft power et non plus dans la logistique industrielle, sans doute plus gourmande en capitaux et plus risquée sur le plan géopolitique.
« Par le simple pouvoir de l’argent, on voit des médias faire le jeu d’un agenda politique conforme aux intérêts idéologiques de leur actionnaire. »
Quel est le degré d’interventionnisme de Vincent Bolloré au sein des médias qu’il possède ? Pouvez-vous donner des exemples ?
Il est connu pour avoir le dernier mot à propos de tout ce qui sort de ses médias. Et en dépit de ses déclarations sous serment à l’Assemblée nationale faisant de lui un actionnaire dénué de tout pouvoir opérationnel, à CNews ou C8, il est loin d’être un simple conseiller que l’on écoute ou pas, comme il le prétend. Les exemples sont nombreux de son interventionnisme. Le plus célèbre est la censure du documentaire sur le Crédit Mutuel, la banque avec laquelle il était en affaires notamment pour la reprise de Vivendi. Là où c’est particulièrement grave, c’est qu’il en vient à édicter un code de conduite en interdisant à une émission d’information et d’investigation de traiter de sujets le mettant en délicatesse avec des partenaires actuels ou futurs ou même des clients.
Sa reprise de Canal+ aboutit donc à l’anéantissement d’une expression libre du journalisme. Mais il faudrait aussi citer l’instrumentalisation de ses journaux gratuits pour complaire à des chefs d’État africains et surtout la transformation d’iTélé en CNews et la radicalisation du Journal du Dimanche autour d’une figure de l’extrême droite française, Geoffroy Lejeune. On voit alors, par le simple pouvoir de l’argent, des médias avec des journalistes attachés à une ligne éditoriale, ou ayant reçu une fréquence publique pour tenir un projet respectueux de la pluralité des opinions, faire le jeu d’un agenda politique conforme aux intérêts idéologiques de leur actionnaire.
Comment ont évolué les relations entre Emmanuel Macron et Vincent Bolloré ? Cela est-il une clé d’explication de son soutien à Éric Zemmour ?
J’ai repris à Mediapart et au journaliste Marc Endeweld l’idée que la relation avec Macron s’est détériorée avec Bolloré lorsque l’Élysée, par l’intermédiaire de son secrétaire général Alexis Köhler, a entrepris de favoriser MSC, par l’intermédiaire de l’Agence française de développement dans son expansion africaine. Or, cet armateur, dans lequel le « deuxième cerveau de Macron » a des intérêts familiaux, était en concurrence directe et parfois en rivalité avec Bolloré, notamment sur le port de Douala. Même Jean-Yves Le Drian, ami du milliardaire breton et alors ministre des Affaires étrangères, n’a rien pu faire.
Marc Endeweld, dans son ouvrage L’Emprise, cite un témoin qui dit que « sans Alexis Köhler, il n’y a pas de problème entre Bolloré et Macron » et que Zemmour a été mis en selle pour « emmerder Macron ». En réalité, s’inscrit alors dans l’esprit de l’industriel breton l’idée que l’État est en train de le lâcher en Afrique. Ce qu’il croyait impensable compte tenu de sa puissance de feu médiatique. Ce sentiment est considérablement renforcé lorsque la juge Isabelle Prévost-Desprez, du Parquet national financier, rejette la procédure du « plaider coupable » dans une affaire de corruption au Togo et en Guinée, qui évitait des poursuites personnelles à Vincent Bolloré. Celui-ci y voit alors « la patte de Macron », comme l’a écrit le Canard enchaîné, le PNF étant considéré par le milliardaire comme aux ordres de l’État.
La vente à bon prix de la branche logistique africaine en 2023 met fin en partie au conflit sur l’Afrique. Pas au ressentiment vis-à-vis d’Alexis Köhler qui reste vu par la bollosphère comme le mauvais génie de Macron. Un signe ? Cyril Hanouna a imputé au secrétaire général de l’Élysée l’arrêt de C8. Il est vrai que l’animateur a eu une relation assez proche avec Macron, l’appelant pour son anniversaire, et qu’il a même pris comme chroniqueuse sa belle-fille Tiphaine Auzière.
« L’union des droites, c’est l’élixir rêvé pour Vincent Bolloré : elle permet de radicaliser la droite traditionnelle dans un sens nationaliste et de libéraliser le RN. »
Quel intérêt Vincent Bolloré a-t-il à œuvrer à « l’union des droites » et à financer les mouvements catholiques ? Est-ce par pure idéologie et quelle est cette idéologie ?
Je pense qu’il y a chez lui le désir, inconscient ou non, de perpétuer l’œuvre de son oncle Gwen-Aël Bolloré, qui fut combattant de la France libre, membre du commando Kieffer à 18 ans en 1944, mais aussi partisan de l’Algérie française, propriétaire des Éditions de la Table ronde et homme très pieu gagné aux dogmes des catholiques traditionalistes. On sait qu’il fut très proche de cet oncle, mort en 2001, qui avait un projet à la fois politique et religieux, en somme peu compatible avec la loi de 1905 séparant l’Église et l’État.
L’union des droites est tout simplement la meilleure garantie d’accéder au pouvoir. Vincent Bolloré tente de le faire par Éric Ciotti à la mi-2024 en ayant anticipé la suite – Paris Matchavait pour consigne de mettre en avant le président de LR lorsqu’il était encore sa propriété. Évidemment, l’union des droites, c’est l’élixir rêvé pour Vincent Bolloré : elle permet de radicaliser la droite traditionnelle dans un sens nationaliste et de libéraliser le RN. En gros, retenir tout ce qui a trait à l’identité nationale avec la dénonciation d’un péril venu de l’immigration et favoriser l’éclosion d’un mouvement d’extrême droite moins ouvert aux lubies « sociales » de Marine Le Pen et plus en phase avec les attentes des patrons, et pas seulement des petits entrepreneurs.
On voit que le RN se prépare à jouer cette carte avec Renaud Labaye, bras droit de Marine Le Pen et proche des milieux traditionalistes catholiques, qui organise un déjeuner fin janvier avec le Medef.
En quoi Vincent Bolloré est-il, comme vous l’écrivez, « l’arbre qui dévoile la forêt » dans le paysage médiatique ?
On se plaît à regarder Vincent Bolloré comme une exception, et il l’est sans doute dans la mesure où il est le seul à laisser s’exprimer ouvertement un discours d’extrême droite. En cela, il rompt avec « le cercle de la raison » tracé par son conseiller Alain Minc. Mais Bolloré est aussi la résultante d’un capitalisme médiatique où la propriété prime sur toute autre considération : sociale, éditoriale, environnementale… Les journalistes, l’idée de contrat de lecture ou les conventions avec le public garanties par le régulateur ne pèsent rien face au pouvoir de l’argent. Précisément ce que le Conseil National de la Résistance avait cherché à empêcher après la guerre. Plutôt que de chercher à réformer ou à amender substantiellement les lois qui régissent les médias, on préfère ne voir en Bolloré que la dérive d’un homme tout puissant. Mais sa trajectoire a été rendue possible par l’absence de règles qui limiteraient efficacement la concentration et la propriété des médias.
En outre, pour reprendre l’expression utilisée par la série La Fièvre sur Canal+, ce positionnement permet d’élargir la « fenêtre d’Overton », c’est-à-dire les discours jugés acceptables dans le débat public. On voit aujourd’hui, avec quelques nuances, des titres de presse appartenant à des milliardaires reprendre nombre d’idées ou de thèmes chers à la Bollosphère. Je pense au Figaro, de la famille Dassault, qui ne dit pas non à l’union des droites et a recours à nombre de chroniqueurs ou d’éditorialistes que l’on retrouve sur CNews, ou au Point de Pinault qui entonne la même musique « plutôt Le Pen que le Front populaire ». Du côté de Bernard Arnault ou de Rodolphe Saadé, la critique de Bolloré est en quelque sorte neutralisée. L’un et l’autre estiment que la propriété de médias leur donne des droits sur la ligne éditoriale de « leurs » rédactions. Le journalisme s’en trouve sinon bâillonné, au moins mis sous surveillance.
Cela a des conséquences très concrètes sur le traitement des mouvements sociaux, la mise en avant de thèmes sécuritaires ou économiques ou encore la couverture de l’actualité internationale, en particulier à propos du conflit israélo-palestinien dont je m’efforce de démontrer l’iniquité de la couverture dans de nombreux médias dominants. On notera aussi que le suivi du procès Sarkozy sur le financement libyen de sa campagne de 2007 n’est jusqu’à présent pratiquement pas assuré par ces mêmes médias. Difficile de ne pas voir un lien avec la position d’administrateur de l’ancien président au sein du groupe Lagardère, propriétaire du groupe Hachette. Bolloré a aujourd’hui les moyens de peser sur les grandes orientations du débat public.
« La révolution conservatrice internationale vise à en finir avec les normes pour laisser s’exprimer le libre jeu du marché tout en s’ingéniant à détruire les mesures de protection étatiques. »
Quelle est la révolution conservatrice internationale dans laquelle s’inscrit à vos yeux Vincent Bolloré ?
Dans nombre de démocraties occidentales, on retrouve des mouvements d’extrême droite ou de droite ultraconservatrice qui s’appuient désormais sur des groupes de médias ou des leviers d’opinion pour prospérer. On pense bien sûr à Donald Trump qui s’est fait connaître par une émission de divertissement à la télévision (The Apprentice sur NBC) et a ensuite bénéficié du soutien de Rupert Murdoch (Fox News) puis d’Elon Musk (X). En Allemagne, le patron d’Axel Springer (Die Welt, Bild…) apporte son appui à Elon Musk pour qu’il publie une tribune favorable à l’AfD. Nigel Farage, le leader populiste de Reform UK, a au Royaume-Uni le soutien de GB News ou de Talk TV. Et en Hongrie ou en Slovaquie, l’arrivée au pouvoir de gouvernements populistes ou nationalistes s’accompagne de rachats de médias privés avant la reprise en mains de l’audiovisuel public.
La révolution conservatrice internationale est dans la continuité de l’abandon en 1987 de la Fairness Doctrine par Reagan, qui après avoir dit que l’État était « le problème », a considéré qu’il était temps d’abandonner le pluralisme interne au sein des médias audiovisuels. Cela a abouti aux expressions sans limites d’une droite dure et conservatrice sur les radios puis à Fox News. Ne vit-on pas la même chose avec CNews ?
Cette révolution vise à en finir avec toutes les normes pour laisser s’exprimer le libre jeu du marché tout en s’ingéniant à détruire toutes les mesures de protection étatiques nées de la conquête de droits civils ou sociaux. Elle prend racine dans la défense d’un occident chrétien qui serait menacé par des vagues d’immigration incontrôlées. Elle vise fondamentalement à liquider la démocratie dans une affirmation viriliste consistant à soumettre les minorités, dans une vision hégémonique de ce que veut le plus grand nombre. Elle a d’ailleurs créé l’idée de wokisme pour retourner contre les défenseurs des droits des plus faibles les excès identitaires de mouvements communautaires.
Elle exècre les contre-pouvoirs, en particulier dans les médias et la justice, pour apporter une vérité révélée, fût-elle alternative à la vérité des faits. Tout cela bien sûr au nom de la sacro-sainte liberté d’expression qui est là encore à sens unique. Il suffit de voir comment le journaliste de RTL Jean-Michel Aphatie a été sanctionné pour avoir sensibilisé à une vérité historique sur les massacres nés de la colonisation de l’Algérie. Avec une opinion chauffée à blanc par la Bollosphère, un média qui n’a rien à voir avec elle a fini par se soumettre à une vision révisionniste. C’est une défaite de la pensée qui était inimaginable il y a encore cinq ans en France.
Propos recueillis par Laurent Ottavi.
Photo d’ouverture : Le président du conseil de surveillance de Vivendi Vincent Bolloré pose avant une audition devant lacommission d’enquête parlementaire sur les procédures d’attribution des autorisations des services nationaux de télévision àl’Assemblée nationale à Paris, le 13 mars 2024. (Photo Alain JOCARD / AFP)