Loi inter-partisane Garot, qu’est-ce que c’est ?

Egora décrypte la proposition de loi Garot

Les discussions autour de la proposition de loi Garot, visant à lutter contre les déserts médicaux, ont commencé le 2 avril dernier à l’Assemblée nationale. Son article phare, qui instaure la régulation de l’installation des médecins, a été adoptée en première lecture. Mais en quoi consiste cette mesure et pourquoi suscite-t-elle la colère chez les médecins et les étudiants en médecine ? Egora vous explique en vidéo. 

11/04/2025 https://www.egora.fr/podcast/actus-pro/egora-decrypte-la-proposition-de-loi-garot

Par Justine Maurel

 VIDÉO DÉMOGRAPHIE MÉDICALE

https://youtu.be/oZuuaVYntbY

Le 2 avril dernier, les députés ont adopté en première lecture le premier article de la proposition de loi Garot instaurant la régulation de l’installation des médecins. Concrètement, pour qu’un médecin puisse s’installer, il aurait besoin d’une autorisation délivrée par une agence régionale de santé. Cette autorisation serait automatique dans le cas où le praticien voudrait s’établir dans une zone sous-dotée. Mais pour ouvrir son cabinet dans une zone où l’offre de soin est suffisante, soit 13% du territoire aujourd’hui, il devrait attendre qu’un confrère de la même spécialité cesse son activité.

Ces zones seraient définies sur la base d’un nouvel « indicateur territorial » instauré par la loi, qui prendrait en compte le nombre de médecins déjà en activité, mais aussi « le temps médical disponible par patient« . Il serait actualisé chaque année pour chaque spécialité.

Cette mesure ne concernerait que 435 généralistes par an (20% d’une promotion), d’après une étude publiée dans Egora avec l’aide du Dr Michaël Rochoy *. Mais elle est « nécessaire » selon Guillaume Garot, le député socialiste à l’origine de la proposition de loi. Comme argument, il cite notamment les dentistes, les kinés, les pharmaciens ou les infirmières, qui sont déjà concernés par une régulation à l’installation.

Lire aussi : « Je veux porter la voix de tous ceux qui attendent un médecin » : portrait de Guillaume Garot, le député qui veut réguler l’installation

Le premier ministre François Bayrou, s’est également dit favorable à une forme de régulation, et elle serait soutenue par 86% des Français *, d’après un sondage Ipsos pour la Fédération hospitalière de France.

Mais du côté des médecins et des étudiants, ça ne passe pas du tout. Pour les organisations syndicales, cette mesure est « contre-productive« , voire dangereuse pour notre système de santé. Selon elles, elle ne ferait que « détourner les jeunes médecins de l’installation au profit d’autres exercices, ou d’une fuite vers l’étranger« . Certains pourraient même être tentés de se réorienter. D’ailleurs les syndicats d’externes, d’internes et de jeunes médecins ont décidé de lancer un mouvement de grève à partir du 28 avril prochain pour une durée indéterminée.

Et ce n’est pas le seul article que contient la PPL Garot. Le deuxième supprime la majoration du tarif de consultation pour les patients qui n’ont pas de médecins traitants, soit près de 6 millions de Français aujourd’hui.

L’article 3 vise quant à lui à ouvrir « dans chaque département » une première année de médecine, pharmacie, odontologie et maïeutique. Cette « territorialisation » des études est soutenue par le ministre chargé de la Santé et de l’Accès aux soins Yannick Neuder qui a même évoqué l’idée qu’il y ait « trois années de médecine » accessibles dans chaque département. Mais pour les Doyens et les universités, cette proposition n’est « pas réaliste« . Ils affirment que les territoires ne disposent pas tous des infrastructures suffisantes, ni des moyens humains suffisants.

Enfin, le quatrième article fait, lui aussi, grincer des dents : il prévoit le retour de l’obligation de participation à la permanence des soins ambulatoires (PDSA) des médecins généralistes, libéraux et salariés. Depuis 2002, ces gardes de nuit et de week-ends s’effectuent sur la base du volontariat, mais pour Guillaume Garot, cela « ne permet pas de répondre à la demande de soins exprimée par la population ». Il évoque même un « désengagement des médecins libéraux ».

Une affirmation contredite par l’Ordre des médecins, qui a récemment publié son enquête annuelle sur la PDSA : elle montre que 39,56% des généralistes ont participé à la permanence des soins en 2024 (Donc 60% ne font pas de garde !), un chiffre en très légère hausse par rapport à 2023. Elle indique également que 97% du territoire est déjà couvert (oui mais que jusqu’à minuit, car de minuit à 8 H seul 27% du territoire** est couvert !).

** p 115 https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/external-package/analyse_etude/hmd61x/cnom_rapport_pdsa_2023.pdf

NB: entre parenthèse dans le paragraphe au-dessus ajout personnel (Dr J Scheffer)

Les discussions sur la PPL Garot doivent reprendre à l’Assemblée la semaine du 5 mai. 

*86% des Français favorables à la régulation à l’installation des médecins

17/03/2025 https://www.egora.fr/actus-pro/hopitaux/86-des-francais-favorables-la-regulation-linstallation-des-medecins

Par Sandy Bonin

5 ans jour pour jour après le premier confinement, la Fédération hospitalière de France (FHF) publie un sondage Ipsos sur les Français et l’accès aux soins. Le bilan est sans appel : les Français se disent massivement en colère et révoltés face aux problèmes dont souffre l’hôpital public. Ils craignent de ne plus pouvoir accéder à des soins de qualité. 

Colère, révolte ou peur sont les principaux mots qui ressortent du sondage Ipsos pour la FHF* sur l’accès aux soins. « Cet état d’esprit est nouveau », relève la FHF qui constate que pour 92% des Français, l’hôpital public est en danger. Un taux en hausse de 16 points par rapport à la situation avant Covid, en 2019. Ainsi, 89% des sondés se disent en colère face au manque de moyens alloués à l’hôpital public et aux conditions de travail du personnel soignant. Plus de 8 Français sur 10 (84%) sont révoltés par les inégalités d’accès aux soins et 76% des sondés sont inquiets de ne pas pouvoir accéder à des soins de qualité en cas de besoin urgent. 65% des Français ont peur de devoir être hospitalisés au vu de la situation actuelle des hôpitaux.

Dans les faits, plus de deux tiers des Français déclarent avoir dû renoncer à au moins un acte de soin dans les cinq dernières années. Ces renoncements sont en hausse significative cette année par rapport à 2024. Les raisons évoquées sont notamment le temps d’attente, la distance ou le prix à débourser pour une consultation. Le temps d’obtention d’un rendez-vous reste la première cause du renoncement aux soins et concerne 56% des sondés.

Hausse des moyens, plus de médecins…

La prise en charge des patients aux urgences a été interrogée par le sondage, et il en ressort que plus d’un Français sur trois déclare avoir rencontré une prise en charge déficiente aux urgences au cours des cinq dernières années. Pour 39% des sondés, le temps d’attente trop long au regard de la situation était pointé du doigt. Les Français déplorent une absence ou un retard dans la réalisation d’examens médicaux (36%) ou encore une gestion inadéquate de la douleur (32%). Le manque de communication avec le personnel médical est pointé du doigt par trois sondés sur dix.

Face à ces difficultés, 95% se prononcent en faveur d’une augmentation des moyens financiers de l’hôpital public ; un souhait qui atteint son plus haut niveau historique. Pour améliorer le fonctionnement de leur système de santé, plus de 9 Français sur 10 sont favorables à l’idée de former plus de médecins, notamment dans les disciplines en tension. Les Français sont majoritaires (86%) à être en faveur d’une répartition plus équitable des médecins sur le territoire « quitte à leur imposer leur lieu d’exercice les premières années », relève le sondage. Une volonté en hausse de 5 points par rapport à 2024, alors que le projet de loi Garot instaurant une régulation à l’installation des médecins sera débattu au printemps dans l’hémicycle. 79% des sondés se disent également favorables à la fin des actes médicaux non nécessaires.  

Les Français sont prêts à s’investir personnellement, en changeant leur comportement pour soulager l’état du système de santé. 90% ont déjà ou envisagent de diminuer fortement leur consommation d’alcool ou d’adopter une alimentation plus équilibrée. « Les Français ne sont plus passifs », constate la FHF. 

*Sondage Ipsos réalisé auprès de 1500 personnes constituant un échantillon national représentatif de la population vivant en France métropolitaine âgée de 18 ans et plus, du 20 au 26 février 2025

Auteur de l’article

Sandy Bonin

Cheffe de rubrique Actualités

*Combien de généralistes seraient réellement concernés par la régulation de l’installation ?

La commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale examinera ce mercredi 26 mars la proposition de loi du groupe « transpartisan » contre les déserts médicaux dont l’article 1er instaure « une régulation de l’installation » des médecins libéraux. Dans les zones les mieux dotées en médecins, toute nouvelle installation serait conditionnée au départ d’un confrère de même spécialité. Mais combien de généralistes seraient susceptibles de s’installer dans les zones sous-denses si cette régulation était mise en place ? Avec l’aide du Dr Michaël Rochoy, généraliste à Outreau (62) et chercheur associé à l’université de Lille, Egora a tenté d’évaluer la portée de cette mesure, jugée contre-productive par la profession.

24/03/2025 https://www.egora.fr/actus-pro/acces-aux-soins/combien-de-generalistes-seraient-reellement-concernes-par-la-regulation

Par Aveline Marques & Dr Michaël Rochoy

Régulation

Que prévoit exactement cette proposition de loi ?

L’article 1er soumet l’installation d’un médecin libéral à « l’autorisation préalable » du directeur de l’ARS. « Si le lieu d’installation du médecin est situé dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins », cette autorisation « est délivrée de droit ».

Dans le cas contraire, l’autorisation d’installation « ne peut être délivrée qu’à la condition qu’un médecin de la même spécialité et exerçant dans la même zone cesse concomitamment son activité ».

Le but affiché de cette mesure, « premier pas dans la régulation de l’installation des médecins sur le territoire », est de « flécher l’installation » des généralistes comme des spécialistes vers les zones où l’offre de soins est insuffisante, avancent les auteurs de la proposition de loi. Ces députés estiment qu’elle permettra « à tout le moins, de stopper la progression des inégalités entre [les] territoires ». Plusieurs médecins ont déjà dénoncé le possible caractère contre-productif de cette mesure qui est stricto sensu une « interdiction d’installation » dans certaines villes.

Afin d’éclairer nos lecteurs, nous proposons dans cet article d’identifier le nombre de généralistes qui seront concernés par la mesure. Pour cela, nous avons cherché à évaluer le nombre de nouveaux généralistes qui, sur une année, s’installent hors zones sous-denses et hors d’une cessation d’activité concomitante.

Combien de généralistes s’installent en libéral et cessent leur activité chaque année ?

D’après les derniers chiffres communiqués par la Cnam à Egora, 2361 médecins généralistes (MG) se sont installés pour la première fois en 2023. Ce chiffre inclut des MG en exercice libéral exclusif et des MG en exercice mixte (libéral-salarié).

Grâce au relèvement du numerus clausus au début des années 2000, le nombre d’installations a presque doublé entre 2011 (1224 installations) et 2017 (2360 installations). Il stagne depuis, en attendant l’impact vers 2030 de l’augmentation récente du numerus apertus. L’ajout d’une quatrième année au DES de médecine générale devrait cependant générer une chute temporaire du nombre d’installations à partir de 2027 puisqu’aucun MG ne sera diplômé en 2026… 

Lire aussi : « Vous n’aimez pas vos patients » : avec la proposition de loi Garot, s’ouvre le procès des médecins libéraux

Par ailleurs, ce nombre de 2361 nouveaux MG libéraux installés en 2023 présente deux bémols : tous n’exercent pas à temps plein et tous n’exercent pas en tant que médecin traitant. L’exercice de la médecine générale est en effet très varié : médecine du sport, médecine vasculaire, orientation d’activité en gynécologie ou pédiatrie, médecin coordonnateur en Ehpad, médecin de PMI, etc. Le nombre de MG actifs conventionnés installés depuis plus de 3 ans et ayant au moins 200 patients médecin traitant adultes a diminué de près de 5% depuis 2019 : ils n’étaient que 38 500 en juin 2024.

Au cours l’année 2023, 2484 généralistes libéraux ont cessé leur activité d’après l’Assurance maladie. Malgré la hausse des installations, le solde reste négatif.

Les médecins libéraux pourraient toujours librement s’installer dans 87% des communes françaises

Qu’est-ce qu’une zone sous-dense ?

C’est la question centrale : de cette définition dépendra l’ampleur de la régulation de l’installation mise en place, puisque seuls les médecins désirant s’installer en dehors de ces zones seraient concernés par la mesure.

L’article 1er de la proposition de loi Garot mentionne les zones caractérisées « par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins au sens du 1° de l’article L. 1434‑4 » du code de la santé publique. Dans la rédaction actuelle du texte, le groupe transpartisan cible donc les zones pour lesquelles des dispositifs d’aide à l’installation des médecins sont prévus : les zones d’intervention prioritaire (ZIP) et les zones d’action complémentaire (ZAC). Ce zonage produit par les ARS est soumis à critique sur le plan spatial (l’échelle est la commune, ce qui est peu pertinent étant donné la mobilité des patients) et temporel (la dernière mise à jour date d’avril 2022).

L’atlas Cartosanté, édité par la Direction numérique des ministères sociaux et sur les données duquel se basent les ARS, permet d’évaluer le pourcentage de communes et, surtout, le pourcentage de la population résidant dans et en dehors de ces zones sous-denses.

Ainsi, pour ce qui concerne les médecins généralistes, en 2024, 39% des 34953 communes françaises étaient classées en ZIP et 48% en ZAC. Concrètement, si la mesure de régulation était mise en place, les médecins libéraux pourraient donc toujours librement s’installer dans 87% des villes et villages français… Les médecins désirant s’installer dans les 4561 communes restantes (soit 13%) le pourraient uniquement si un confrère de même spécialité sur le territoire cessait son activité.

Lire aussi : « On a réussi ! » : épaulée par des remplaçants, une généraliste en secteur 2 a « gommé un désert médical »

68% de la population réside dans une commune classée ZIP (28%) ou ZAC (40%) et 32% en dehors de ces zones. Sur cinq ans (entre 2017 et 2021), la population a augmenté de 0,8% en ZIP, de 0,8 % en ZAC (+380 000 habitants pour l’ensemble), et de 2,4% en dehors de ces zones (+500 000 habitants).

Combien de généralistes exercent et s’installent en zones sous-denses ?

D’après l’atlas Cartosanté, en 2024, 19% des généralistes libéraux* exerçaient en ZIP, 39% en ZAC et 42% en dehors de ces zones.

Au total, toujours d’après les données ministérielles, au 31 décembre 2024, le bilan est négatif avec une perte de 3333 généralistes libéraux en 5 ans**. La chute est générale, mais elle se répartit ainsi : 35.2% dans les ZIP, 46.3% dans les ZAC et 18.4% en dehors de ces zones.

Si l’on applique ces taux d’évolution, on peut estimer que sur les 2484 cessations d’activité de généralistes enregistrées par la Cnam en 2023, 874 exerçaient en ZIP, 1150 en ZAC et 457 hors zones. Toujours selon ces dynamiques, sur les 2361 généralistes primo-installés en 2023, 831 se seraient installés en ZIP, 1093 en ZAC et 435 en dehors de ces zones.

La perte est ainsi respectivement de -43 (35%), -57 (46%) et -23 (18%) MG libéraux par an dans les ZIP, ZAC et hors zones — malgré l’augmentation de la population et des besoins de santé, notamment liés au vieillissement et à la diminution des autres spécialités (dermatologie, rhumatologie, etc.).

Seuls 435 généralistes seraient potentiellement concernés sur une année

Finalement, la régulation à l’installation concernerait combien de généralistes ?

En résumé, seuls 435 médecins généralistes seraient donc potentiellement concernés chaque année par la proposition de loi Garot, leur autorisation d’installation étant conditionnée au départ préalable d’un confrère – ce qui représenterait l’opportunité pour ces derniers de revendre leur patientèle et/ou d’anticiper leur retraite. Le nombre de médecins en partance étant supérieur au nombre d’arrivants… il y aura de la place pour tout le monde, y compris hors zonage.

C’est sans compter l’effet dissuasif d’une loi qui vise à « interdire l’installation » en misant sur le fait que les médecins libéraux aillent vivre dans des villes qu’ils jugeaient moins attractives pour leur vie personnelle et familiale. Contrariés dans leur choix de lieu d’installation***, rebutés par les démarches, les jeunes généralistes pourraient se reporter sur un exercice salarié, de MG traitant ou non. Partout en France, les postes ne manquent pas.

*Médecins « à expertise particulière » (MEP) inclus, soit homéopathie, acupuncture, ostéopathie, hypnose, sexologie, etc.
**Dont 1700 MEP : un effet du déremboursement de l’homéopathie ?
***Une récente étude de l’Insee a montré le caractère déterminant de la commune d’origine et de la ville où ils ont effectué leur internat dans le choix du lieu d’installation.

Auteurs de l’article

Aveline Marques

Rédactrice en chef web

Dr Michaël Rochoy

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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