Le Pr Antoine Pelissolo, psychiatre au GHU Henri-Mondor (AP-HP), vient de présenter 10 « vœux/propositions » pour la psychiatrie et la santé mentale.

Psychiatrie : 10 propositions concrètes du Pr Antoine Pelissolo pour 2025

Clément Loriol

17 janvier 2025 https://francais.medscape.com/voirarticle/3612383?ecd=socpd_fb_rem-traf_mscp_2025Jan27-AntoinePelissoloID3612383_dormant_inlang-fr-int&fbclid=IwZXh0bgNhZW0BMABhZGlkAAAGBsqjI8gBHqVSWmsb6-Pu3INPycWYyc2qZsagEwyRw_LtNvlp6tOBtGbtvf6DVmOOTDnX_aem_OTcSFwWgRcuG2iJR2UHfYw&utm_medium=paid&utm_source=fb&utm_id=6615498480192&utm_content=6626235583392&utm_term=6615498481592&utm_campaign=6615498480192&form=fpf

La santé mentale sera la Grande cause nationale pour l’année 2025, annonçait Michel Barnier, le 10 octobre dernier. L’ex-Premier ministre a présenté quatre objectifs prioritaires pour promouvoir la santé mentale : la déstigmatisation ; le développement de la prévention et du repérage précoce ; l’amélioration de l’accès aux soins ; l’accompagnement des personnes concernées dans toutes les dimensions de leur vie quotidienne  (formation, emploi, logement, l’accès aux loisirs, etc.).

Les besoins en psychiatrie ne cessent d’augmenter et l’offre de soins est insuffisante pour proposer au plus grand nombre des prises en charge de qualité.

C’est dans ce contexte que le Pr Antoine Pelissolo, psychiatre au GHU Henri-Mondor (AP-HP), vient de présenter 10 « vœux/propositions » pour la psychiatrie et la santé mentale. Il milite notamment pour le vote d’une loi-cadre spécifique accompagnée d’une programmation pluriannuelle, l’ouverture de Conseils locaux de santé mentale (CLSM) dans toutes les communes ou le doublement du nombre d’infirmiers en pratique avancée en psychiatrie (IPAP) en trois ans.

Medscape édition française : Pourquoi avez-vous présenté dix propositions pour la psychiatrie et la santé mentale en ce début d’année ?

Pr Antoine Pelissolo : Je voulais mettre un coup de projecteur sur un certain nombre de propositions pour élargir les termes du débat. La santé mentale a été érigée Grande cause nationale pour l’année 2025, mais, pour l’instant, il s’agit uniquement d’un label permettant de communiquer et de produire de l’information. Si les quatre objectifs prioritaires de cette stratégie (lire ci-dessus) semblent pertinents, on attend encore des mesures concrètes et chiffrées, des objectifs précis et ciblés. Il y a pourtant urgence car les structures de soins psychiatriques sont saturées. Les besoins en psychiatrie ne cessent d’augmenter et l’offre de soins est insuffisante pour proposer au plus grand nombre des prises en charge de qualité.

Vous plaidez pour une loi-cadre spécifique et la création d’une délégation interministérielle. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Pr Antoine Pelissolo : Cette loi-cadre offrirait un cadre réglementaire qui permettrait de se doter d’un véritable pilotage national. Aujourd’hui, la délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie reste cantonnée à la santé.

Pour diminuer le recours à l’hospitalisation, il faut régler le problème de l’amont mais aussi le problème de l’aval.

Une délégation interministérielle permettrait d’actionner d’autres leviers tandis qu’une programmation pluriannuelle définirait des objectifs et des moyens à long terme pour la psychiatrie. Le secteur de la psychiatrie a déjà connu de multiples réformes mais, faute d’une vue d’ensemble, on se cantonne trop souvent à un saupoudrage de mesures.

Il faut au contraire définir une véritable politique de soins en psychiatrie, réfléchir à une nouvelle organisation des soins et se projeter un peu plus vers le futur. Cet investissement permettrait en fin de compte de faire des économies car tout ce qu’on n’investit pas aujourd’hui, finit par coûter cher sur le long terme.

Quels objectifs vous semblent prioritaires ?

Pr Antoine Pelissolo : Il faudrait surtout parvenir à réduire les délais pour obtenir un rendez-vous mais aussi réduire le taux d’occupation des unités d’hospitalisation. La plupart des services sont saturés en permanence. Il faut revenir à des taux d’occupation normaux. Pour diminuer le recours à l’hospitalisation, il faut régler le problème de l’amont mais aussi le problème de l’aval en créant des structures d’accompagnement médico-social adaptées pour les personnes qui sont en perte d’autonomie ou ont un handicap psychique. Faute de places dans des structures adaptées, ces personnes restent hospitalisées trop longtemps.

Pourquoi préconisez-vous l’ouverture de Conseils locaux de santé mentale dans toutes les communes…

Pr Antoine Pelissolo : Les CLSM coordonnent les actions en santé mentale sur un territoire donné en associant les professionnels, les collectivités locales, les représentants des usagers, voire l’Éducation nationale ou les bailleurs sociaux. Elles font aussi de la prévention, des actions de sensibilisation, des dépistages plus précoces, ce qui participe à lutter contre la stigmatisation en psychiatrie. Selon les derniers décomptes, il y a environ 260 CLSM en France qui sont essentiellement implantés dans les grandes villes. Il faudrait atteindre le chiffre de 1 000 CLSM pour pouvoir couvrir l’ensemble du territoire, ce qui est tout à fait faisable avec un peu de volonté politique.

Les psychologues ne sont pas assez valorisés, que cela soit en ville ou à l’hôpital. Je pense aussi qu’il faudrait mieux valoriser les médiateurs de santé.

Il faudrait aussi renforcer les Programmes territoriaux de santé mentale (PTSM) à l’échelon des départements, car, la plupart du temps, ces dispositifs n’ont pas de moyens dédiés.

Vous militez aussi pour le doublement du nombre d’infirmiers en pratique avancée en psychiatrie en trois ans…

Pr Antoine Pelissolo : On compte aujourd’hui quelques centaines d’IPAP dans les hôpitaux français. Ces infirmiers surspécialisés ont des compétences spécifiques. Ils peuvent renouveler des ordonnances, suivre les patients entre les consultations médicales, etc. Toutefois, il ne s’agit pas non plus de remplacer les médecins. Ces profils sont précieux sur le terrain car ils font le lien entre le médecin et les autres professionnels. D’où l’importance d’en former plus mais certains hôpitaux hésitent à financer ces formations de 2 ans car il faut pouvoir les remplacer par d’autres infirmiers durant cette période de formation.

Quelles mesures vont paraissent également essentielles ?

Pr Antoine Pelissolo : Je milite pour la création d’un poste de professeur de psychologie dans chaque service de psychiatrie universitaire. Ces professeurs seraient d’une grande utilité pour former d’autres psychologues, coordonner des dispositifs, faire de la recherche, etc. D’un point de vue général, les psychologues ne sont pas assez valorisés, que cela soit en ville ou à l’hôpital. Je pense aussi qu’il faudrait mieux valoriser les médiateurs de santé qui complètent les soins proposés par les professionnels et font un travail remarquable en termes d’éducation thérapeutique. Ils ont des contrats professionnels au sein des équipes hospitalières mais ce nouveau métier ne figure toujours dans les statuts de la fonction publique hospitalière. Si bien que ces emplois sont difficiles à pérenniser…

Les 10 propositions pour la psychiatrie et la santé mentale :

  • Voter une loi-cadre spécifique accompagnée d’une programmation pluriannuelle et de la création d’une délégation interministérielle.
  • Ouvrir des Conseils locaux de santé mentale dans toutes les communes (sur une ou plusieurs villes, permettant de couvrir tous les secteurs).
  • Créer un statut professionnel officiel et un cadre d’emploi pour les médiateurs de santé pairs et structurer l’aide aux aidants.
  • Doubler le nombre d’IPAP en trois ans.
  • Systématiser au moins un stage d’externe ou d’interne en psychiatrie pour tous les étudiants en médecine.
  • Renforcer les moyens des services de psychiatrie des quartiers prioritaires (QPV).
  • Doubler le nombre de formations aux « premiers secours en santé mentale ».
  • Créer un poste de professeur de psychologie dans chaque service de psychiatrie universitaire.
  • Lancer un grand plan de prévention des addictions en direction des adolescents et une interdiction réelle de toute promotion pour les boissons alcoolisées.
  • Donner les moyens aux services de psychiatrie de réduire d’au moins 50 % le recours à l’isolement et à la contention dans les 3 ans.

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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