La prochaine Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3) intègre une nouvelle énergie renouvelable hydrolienne à installer d’ici à 2032 ou 2033

L’hydrolien retient son souffle dans l’attente d’une PPE prometteuse

Toujours en attente de publication, la PPE 3 inclut pour la première fois le déploiement d’hydroliennes commerciales en France. Les acteurs de la filière s’en réjouissent mais jouent la prudence, craignant un effet d’appel d’air sans vision de long terme.

Energie  |  11.04.2025  https://www.actu-environnement.com/ae/news/hydrolien-ppe-45972.php4

|  F. Gouty

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L'hydrolien retient son souffle dans l'attente d'une PPE prometteuse

© HydroquestHydroquest et son partenaire Qair devraient installer sept hydroliennes pilotes à axe vertical au raz Blanchard en 2028.

Dans sa dernière version soumise à consultation publique, la prochaine Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3) intègre une nouvelle énergie renouvelable. Elle prévoit désormais d’ouvrir un premier appel d’offres pour l’équivalent de 250 mégawatts (MW) d’énergie hydrolienne à installer d’ici à 2032 ou 2033 au raz Blanchard, au large du Cotentin (Manche). Mais, réunis dans l’enceinte de l’Assemblée nationale ce mercredi 9 avril, les acteurs de cette filière émergente et la coalition de parlementaires qui la soutiennent ne s’en satisfont pas encore tout à fait.

L’incertitude politique perdure

D’abord, parce que le décret de ce fameux document – qui devait initialement être publié au lendemain de la dernière consultation publique – pourrait finalement ne pas voir le jour avant l’été. Face à la pression de l’opposition, le Gouvernement s’est arrogé des créneaux spéciaux pour débattre, au préalable, de la politique énergétique, les 28 avril à l’Assemblée nationale et 6 mai au Sénat. De plus, il compte faire examiner la « petite loi » de programmation énergétique du sénateur Daniel Gremillet (LR, Vosges) au Palais Bourbon, à la mi-juin. D’ici là, l’avenir de l’hydrolien, dont les acteurs sont habitués aux déconvenues, n’est pas exactement gravé dans le marbre.

Et ensuite, parce que le potentiel de cette filière n’est pas encore pleinement assumé par le Gouvernement. La PPE 3 se contente d’évoquer que, « selon les résultats du premier appel d’offres et l’évolution des coûts de la technologie, un ou plusieurs appels d’offres complémentaires pourront être lancés, notamment sur la même zone ». Si le raz Blanchard concentre bien les courants les plus forts et donc le meilleur gisement de France métropolitaine, d’autres zones ont déjà été identifiées comme propices à l’énergie hydrolienne, comme le passage du Fromveur, près de l’île d’Ouessant, ou au niveau de l’île de Bréhat, en Bretagne.

Éviter l’appel d’air“ Compte tenu du fait que 60 % des éléments des hydroliennes sont fabriqués ou assemblés en France, cela pourra créer 6 000 emplois directs ”Marc Lafosse, SER

Marc Lafosse, président de la commission énergies marines renouvelables du Syndicat des énergies renouvelables (SER), milite par exemple pour une clause de revoyure annuelle plutôt que quinquennale de la PPE, afin notamment d’y inscrire un deuxième appel d’offres hydrolien misant sur 500 MW de plus au raz Blanchard et au moins 125 MW au Fromveur. « Au raz Blanchard, nous disposons d’une zone exploitable de 60 kilomètres carrés pour un gisement de 4 à 5 gigawatts (GW), tandis qu’à Fromveur, nous pouvons aisément accueillir 1 à 1,5 GW. Le tout nécessitera au moins 10 milliards d’euros d’investissement mais, compte tenu du fait que 60 % des éléments des hydroliennes sont fabriqués ou assemblés en France, cela pourra créer 6 000 emplois directs. »

D’autres acteurs sont d’avis d’échelonner les appels d’offres, plutôt que d’en soutenir un volume conséquent en une fois. « Nous avons déjà vu les effets du « stop-and-go » et c’est très dangereux : cela conduit à des creux de plusieurs années, aux retards des investissements, puis à des fermetures ou des menaces de fermetures », relate le député Mathias Tavel (LFI, Loire-Atlantique), en écho à la liquidation judiciaire de l’entreprise quimpéroise Sabella en janvier 2024, dont l’hydrolienne de 1 MW fixée à Fromveur a été reprise par la société britannique Inyanga Marine Energy.

Cette dernière, constatant les bénéfices de la politique britannique à l’égard de l’hydrolien (elle table sur une première douzaine de projets lauréats, cumulant 120 MW, à déployer entre 2025 et 2029), appelle la France à faire le « pari de la régularité ». Pour les développeurs et les fabricants, « il vaut mieux avoir cinq tranches de 50 MW sur lesquelles se positionner au fil de l’eau plutôt que de s’engouffrer dans un appel d’air de 250 MW sans aucune autre opportunité les années suivantes », témoigne Jean-Christophe Allo, l’un des directeurs de la branche française d’Inyanga. Et si la filière française ne s’en relève pas, ce seront peut-être des entreprises étrangères qui viendront satisfaire l’appel d’air suivant.

Repenser la fiscalité en mer

Les forces en présence

La start-up Hydroquest et son partenaire Qair sont déjà en passe d’installer sept hydroliennes pilotes à axe vertical d’un total de 17,5 MW au raz Blanchard au printemps-été 2028, grâce à 75 millions d’euros d’aides du plan France 2030 et à 20 millions d’euros du Fonds européen pour l’innovation. Dans la même zone, le consortium Normandie Hydroliennes (composé du fonds d’investissement de la Région Normandie, du développeur britannique Proteus et de l’industriel Effinor) bénéficie de 90 millions d’euros de subventions françaises et européennes et table sur quatre turbines à axe horizontal cumulant 12 MW à positionner en 2028. Dans le même temps, outre l’ex-hydrolienne de Sabella opérée par Inyanga au Fromveur, la fondation Open-C, qui gère cinq sites d’essais en mer, table sur deux à trois nouveaux démonstrateurs dans les prochaines années à Paimpol-Bréhat et de premières hydroliennes fluviales près de Bordeaux.

Cela étant, cette unité des acteurs de la filière ne s’entend pas encore exactement sur toutes les modalités financières de son développement. Les deux premiers développeurs en lice pour le futur appel d’offres du raz Blanchard, le projet Flowatt du duo Hydroquest-Qair et le consortium Normandie Hydroliennes (s’offrant l’hydrolienne aux allures d’éolienne sous-marine de l’entreprise britannique Proteus), se satisfont de la promesse d’un tarif d’achat de l’électricité produite fixé, pour le moment, à 160 euros le mégawattheure (ou 265 à 310 €/MWh en comptant les frais de raccordement).

Mais reste la question de la fiscalité. Élus locaux (comme ceux du conseil régional de Bretagne) et parlementaires (dont Anna Pic, députée PS de la Manche) comptent sur des retombées locales, à l’image de ce que permet la taxe sur l’éolien en mer aux pêcheurs et communes avoisinantes des parcs. « Nous souhaitons que les collectivités qui investissent dans les infrastructures portuaires, et pas seulement celles qui sont en covisibilité de parcs éoliens, puissent bénéficier d’une part des recettes dégagées par les EMR », exprime par exemple Gurvan Alligand, directeur du pôle EMR de la Région Bretagne. De quoi alors inviter l’État à repenser la redistribution de cette fiscalité à l’égard des particularités de l’hydrolien, selon le représentant du SER : « Lorsque la technologie est invisible à la surface de l’eau et qu’elle est installée dans une zone qui n’est pas pêchée, il y a en effet matière à rediscuter des modalités d’une telle fiscalité. » 

Félix Gouty, journaliste
Rédacteur spécialisé

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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