La preuve qu’augmenter seulement le nombre de médecins ne suffit pas pour améliorer l’accès aux soins.

Démographie médicale : plus de médecins…mais pas forcément mieux répartis

Quentin Haroche | 28 Mars 2025 https://www.jim.fr/viewarticle/démographie-médicale-plus-médecins-pas-2025a10007j5?ecd=wnl_all_250328_jim_daily-doctor_etid7325014&uac=368069PV&impID=7325014&sso=true

Le dernier atlas de la démographie médicale confirme la hausse du nombre de médecins. En revanche, les inégalités d’accès aux soins continuent de s’accentuer.

A partir de mardi prochain, les députés examineront en séance plénière, après l’avoir adoptée (et fortement modifiée) en commission, la proposition de loi d’initiative transpartisane sur les déserts médicaux. Au moment d’aborder cette loi, qui préconise d’encadrer la liberté d’installation des médecins pour mieux lutter contre les inégalités en santé, on espère que les parlementaires auront au préalable consulté le nouvel atlas de la démographie médicale, publié ce jeudi par le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) et qui constitue une référence pour tous ceux qui s’intéressent à la question de l’accès aux soins et des déserts médicaux.

L’édition 2025 de l’atlas confirme en premier lieu une tendance observée depuis plusieurs années en France : le nombre de médecins en activité augmente. Notre pays compte ainsi au 1er janvier 2025 environ 4 000 médecins supplémentaires par rapport à l’an dernier, soit une hausse de 1,7 %. Sur le plus long terme, le nombre de médecins en activité a augmenté de 11,9 % depuis 2010. C’est « le fruit du desserrement d’un numerus clausus trop durablement sévère » commente le CNOM. Le nombre d’étudiants admis en deuxième année de médecine est en effet passé de seulement 3 500 en 1993 à plus de 9 300 en 2020, année de suppression du numerus clausus. Cette augmentation du nombre de médecins devrait d’ailleurs s’amplifier dans les prochaines années sous l’effet de cette réforme.

La parité est atteinte 

La manière d’exercer la médecine évolue également. On ne compte ainsi plus que 83,4 % d’actifs réguliers (contre 92,8 % en 2010) alors que la part des actifs intermittents (4,6 % en 2010 contre 7,1 % en 2025) et celle des retraités actifs (2,6 % en 2010 contre 9,5 % en 2025) explosent. L’activité libérale est également en perte de vitesse : alors que près de la moitié (47,9 %) des médecins en activité étaient libéraux en 2010, ils ne sont plus que 42,4 % en 2025, désormais surpassés par les médecins salariés (46,5 %). Un recul de l’activité libérale concomitant à celui de la médecine générale : seulement 42,3 % des médecins sont des omnipraticiens, contre 48 % en 2010. 

L’atlas confirme également la féminisation croissante de la profession médicale. La parité est en effet désormais atteinte, puisque 49,9 % des médecins en activité sont des femmes (contre seulement 40,1 % en 2010). Les femmes sont même majoritaires (52,6 %) chez les médecins en activité régulière. La profession se rajeunit également timidement, l’âge moyen étant passé de 50,4 ans en 2010 à 50,1 ans en 2025. La pyramide des âges reflète d’ailleurs l’évolution du numerus clausus ces dernières décennies, qui fut d’abord assez large (années 1970), très strict (années 1980 et 1990) puis de nouveau élargi (années 2000) : 30 % des praticiens ont plus de 60 ans (+12 points en 15 ans), 40 % ont entre 40 et 60 ans (-26 points) et 30 % ont moins de 40 ans (+14 points).

Demain trop de médecins ?

Le CNOM termine son atlas en s’essayant au jeu des prédictions. Selon l’Ordre, si les tendances actuelles se poursuivent, la France devrait compter environ 70 000 médecins en activité supplémentaires d’ici 2040, soit une hausse de 30 % des effectifs, alors même que les projections démographiques prédisent une stagnation de la population. 

De là une question que le CNOM reconnait « contre-intuitive au vu de la situation actuelle » : « ne sommes-nous pas en train de former trop de médecins ? ». Pour l’heure, alors que l’accès aux soins ne cesse de se dégrader, la question n’est pas l’ordre du jour et les responsables politiques ne cessent de réclamer une augmentation du nombre d’étudiants en médecine. Mais pour le CNOM, il ne faudra pas attendre longtemps avant que « les discours malthusiens s’invitent dans les débats, à l’instar de ce qu’ils furent de la fin des années 70 à la décennie 90 ». D’ailleurs, cette constatation d’un nombre potentiellement « trop important » de médecins 

Commentaire Dr Jean SCHEFFER:

Je tiens une nouvelle fois à rappeler que l’augmentation du nombre de médecins et la régulation des installations des médecins généralistes mais aussi des médecins spécialistes, si elles sont nécessaire, elles ne sont pas suffisante pour solutionner lensemble des déserts médicaux.

En effet ces derniers ne sont pas uniquement dans les zones rurales ou dans certains quartiers de nos villes moyennes ou grandes. Ils sont partout: à commencer par les hôpitaux (40% de postes vacants dans nos hôpitaux généraux, plus de 50% dans les hôpitaux psychiatriques, des postes de maître de conférence vacants en CHU…), en PMI, médecine scolaire et universitaire, crèches, CMP, médecine pénitentiaire , médecine du travail, santé publique…

Dès lors en plus de l’augmentation du « Numérus Apertus », de la création de centres de santé publics multiprofessionnels dans les déserts médicaux les plus criants, de la régulation de l’installation des médecins, il faut créer le « Clinicat Assistanat Pour Tous ». Il débuterait en fin d’internat, obligatoire pour tous, futurs généralistes comme futurs spécialistes, d’une durée de deux à 3 ans.  L’activité serait partagée entre divers établissements à l’image des assistants partagés actuels entre CHG et CHU: entre CHU et CHG pour les futurs spécialistes; entre CHG-CHU et PMI, CMP, santé publique, santé scolaire, médecine pénitentiaire, médecine du travail… ; entre CHG et centres de santé et maisons de santé… Il  s’agit donc par un seul et même dispositif de solutionner en quelques années l’ensemble des manques criants et urgents de médecins dans tous les domaines, dans toutes spécialités, sans pénaliser une catégorie, les futurs  généralistes par exemple, ou les étudiants en médecine peu fortunés, obligés de s’installer dans un désert pour se payer ses études. Cela évitera de plus le dumping entre villes, entre départements pour recruter ou débaucher, les jeunes en fin d’internat, ou ceux déjà installés et répondant à une offre plus alléchante. Il faudra définir par région, département et territoire de santé, les manques les plus urgents en généralistes et spécialistes, et en tirer les conséquences sur la répartition par spécialité pour la première année d’internat.

« Vision Globale -Solution globale »: https://1drv.ms/w/s!Amn0e5Q-5Qu_sAoKetf_T8OKk2Io?e=GfjeRj?e=4YzGt2

Voir aussi:

PPL Garot : les députés sauvent la liberté d’installation (pour le moment)

Quentin Haroche | 27 Mars 2025 https://www.jim.fr/viewarticle/démographie-médicale-plus-médecins-pas-2025a10007j5?ecd=wnl_all_250328_jim_daily-doctor_etid7325014&impID=7325014&icd=login_success_email_match_norm

En commission des affaires sociales, les députés ont voté contre toute contrainte à l’installation pour les médecins, mais cette mesure pourrait ressurgir lors des débats en séance publique.

Les syndicats de médecins libéraux et d’internes ont remporté une bataille, mais pas encore la guerre. Fortement mobilisés contre toute entrave à la liberté d’installation, ils ont accueilli avec joie le résultat du vote à la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale ce mercredi. Invités à examiner la proposition de loi transpartisane contre les déserts médicaux, les députés ont en effet voté contre la mise en place de mesures coercitives.

Portée depuis plusieurs années par le député de la Mayenne Guillaume Garot, cette proposition de loi prévoyait en effet, en son article premier, de mettre en place un système d’autorisation administrative pour les médecins souhaitant s’installer en libéral.

Cette autorisation aurait été délivrée de droit par les agences régionales de Santé (ARS) dans les zones comptant trop peu de médecins. En revanche, dans les zones considérées comme suffisamment dotés, l’installation n’aurait été permise qu’en cas de remplacement.

Un moyen « de stopper la progression des inégalités entre territoires » et d’ «orienter l’installation des professionnels de santé vers les zones où l’offre est la moins dense » explique l’exposé des motifs du texte.

La liberté d’installation divise la coalition gouvernementale

Tout au long des débats en commission ce mercredi, Guillaume Garot a défendu coûte que coûte sa proposition. Il a notamment rappelé quelques chiffres illustrant les inégalités d’accès aux médecins sur le territoire français : « 21 fois plus de dermatologues à Paris que dans la Meuse », « baisse de 15 % de médecins par habitant dans la Creuse », « une hausse de 28 % dans les Hautes-Alpes » etc. Face aux inquiétudes des médecins, le député de la Mayenne a tenu à rappeler que la liberté resterait la règle et a refusé de parler de coercition.

Le dispositif prévu par sa proposition de loi ne s’appliquerait ainsi qu’à « 13 % du territoire national » a-t-il indiqué et permettrait « chaque année à 600 000 personnes dans 87 % de la France de retrouver un médecin ».

Si la gauche a unanimement défendu la proposition de loi Garot, tandis que les députés du Rassemblement National (RN) s’y sont opposés, les débats en commission ce mercredi ont fait apparaitre des dissensions au sein du « socle commun » regroupant la droite et les macronistes.

Le député Les Républicains (LR) de l’Ain Xavier Breton a ainsi défendu une belle « occasion » de combattre efficacement les déserts médicaux et a plaidé qu’il ne s’agissait « pas d’un texte de coercition, mais d’un aménagement de la liberté d’installation ».

A l’inverse, la députée macroniste Stéphanie Rist, rhumatologue, a dénoncé une loi « contre-productive » tandis que le député LR Thibault Bazin a dit craindre que le dispositif porté par cette proposition de loi « ne décourage les internes de s’installer en libéral et d’être médecin traitant ».

La commission vote le rétablissement de l’obligation de garde pour les libéraux

A la fin des débats, Guillaume Garot a tenté un ultime coup de poker en introduisant un amendement prévoyant que le dispositif encadrant la liberté d’installation s’appliquerait également aux médecins salariés et pas seulement aux libéraux.

Bien que l’amendement ait été adopté, la tactique n’a pas porté ses fruits : à une très courte majorité de 32 voix contre et 29 voix pour, l’article premier du texte a été supprimé.

Les députés ont en revanche voté les autres mesures plus consensuelles portées par le texte, à savoir la suppression de la majoration de tarifs pour les patients ne disposant pas de médecin traitant (article 2) et la mise en place d’une formation de première année de médecine dans chaque département (article 3). 

Ils ont également voté en faveur de l’article 4 du texte, qui devrait faire grincer des dents du côté des syndicats : ce texte rétablit en effet, plus de vingt ans après sa suppression, l’obligation de participer à la permanence des soins pour tous les médecins, libéraux comme salariés.

La proposition de loi doit désormais être examinée en séance publique à partir de mardi prochain, où les députés favorables au texte ne manqueront pas de tenter de rétablir le dispositif encadrant la liberté d’installation. En attendant, hors du Palais Bourbon, les syndicats de praticiens continuent leur combat contre cette réforme.

Ce mercredi, l’intégralité des syndicats représentatifs, ainsi que les syndicats d’internes et les associations d’étudiants en médecine, ont publié un communiqué commun pour demander le rejet de la proposition de loi. 

« Réguler une profession en pénurie ne solutionnera pas la pénurie elle-même ! » plaident les syndicats.

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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