Seuls 435 médecins généralistes sur 2300 seraient potentiellement concernés chaque année par la proposition de loi Garot

Combien de généralistes seraient réellement concernés par la régulation de l’installation ?

La commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale examinera ce mercredi 26 mars la proposition de loi du groupe « transpartisan » contre les déserts médicaux dont l’article 1erinstaure « une régulation de l’installation » des médecins libéraux. Dans les zones les mieux dotées en médecins, toute nouvelle installation serait conditionnée au départ d’un confrère de même spécialité. Mais combien de généralistes seraient susceptibles de s’installer dans les zones sous-denses si cette régulation était mise en place ? Avec l’aide du Dr Michaël Rochoy, généraliste à Outreau (62) et chercheur associé à l’université de Lille, Egora a tenté d’évaluer la portée de cette mesure, jugée contre-productive par la profession.

24/03/2025 https://www.egora.fr/actus-pro/acces-aux-soins/combien-de-generalistes-seraient-reellement-concernes-par-la-regulation?utm_source=Newsletter&utm_medium=gms_egora&utm_campaign=A_la_Une___Mardi_25_mars_2025&utm_medium=gms_egora&utm_source=email&utm_campaign=A%20la%20Une%20-%20Mardi%2025%20mars%202025%20(6h)20250325&sc_src=email_4523458&sc_lid=171093826&sc_uid=XYBlorZBtz&sc_llid=28445&sc_eh=5d463c22601bc0401

Par Aveline Marques & Dr Michaël Rochoy

Régulation

Que prévoit exactement cette proposition de loi ?

L’article 1er soumet l’installation d’un médecin libéral à « l’autorisation préalable » du directeur de l’ARS. « Si le lieu d’installation du médecin est situé dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins », cette autorisation « est délivrée de droit ».

Dans le cas contraire, l’autorisation d’installation « ne peut être délivrée qu’à la condition qu’un médecin de la même spécialité et exerçant dans la même zone cesse concomitamment son activité ».

Le but affiché de cette mesure, « premier pas dans la régulation de l’installation des médecins sur le territoire », est de « flécher l’installation » des généralistes comme des spécialistes vers les zones où l’offre de soins est insuffisante, avancent les auteurs de la proposition de loi. Ces députés estiment qu’elle permettra « à tout le moins, de stopper la progression des inégalités entre [les] territoires ». Plusieurs médecins ont déjà dénoncé le possible caractère contre-productif de cette mesure qui est stricto sensu une « interdiction d’installation » dans certaines villes.

Afin d’éclairer nos lecteurs, nous proposons dans cet article d’identifier le nombre de généralistes qui seront concernés par la mesure. Pour cela, nous avons cherché à évaluer le nombre de nouveaux généralistes qui, sur une année, s’installent hors zones sous-denses et hors d’une cessation d’activité concomitante.

Combien de généralistes s’installent en libéral et cessent leur activité chaque année ?

D’après les derniers chiffres communiqués par la Cnam à Egora, 2361 médecins généralistes (MG) se sont installés pour la première fois en 2023. Ce chiffre inclut des MG en exercice libéral exclusif et des MG en exercice mixte (libéral-salarié).

Grâce au relèvement du numerus clausus au début des années 2000, le nombre d’installations a presque doublé entre 2011 (1224 installations) et 2017 (2360 installations). Il stagne depuis, en attendant l’impact vers 2030 de l’augmentation récente du numerus apertus. L’ajout d’une quatrième année au DES de médecine générale devrait cependant générer une chute temporaire du nombre d’installations à partir de 2027 puisqu’aucun MG ne sera diplômé en 2026… 

Lire aussi : « Vous n’aimez pas vos patients » : avec la proposition de loi Garot, s’ouvre le procès des médecins libéraux

Par ailleurs, ce nombre de 2361 nouveaux MG libéraux installés en 2023 présente deux bémols : tous n’exercent pas à temps plein et tous n’exercent pas en tant que médecin traitant. L‘exercice de la médecine générale est en effet très varié : médecine du sport, médecine vasculaire, orientation d’activité en gynécologie ou pédiatrie, médecin coordonnateur en Ehpad, médecin de PMI, etc. Le nombre de MG actifs conventionnés installés depuis plus de 3 ans et ayant au moins 200 patients médecin traitant adultes a diminué de près de 5% depuis 2019 : ils n’étaient que 38 500 en juin 2024.

Au cours l’année 2023, 2484 généralistes libéraux ont cessé leur activité d’après l’Assurance maladie. Malgré la hausse des installations, le solde reste négatif.

Les médecins libéraux pourraient toujours librement s’installer dans 87% des communes françaises

Qu’est-ce qu’une zone sous-dense ?

C’est la question centrale : de cette définition dépendra l’ampleur de la régulation de l’installation mise en place, puisque seuls les médecins désirant s’installer en dehors de ces zones seraient concernés par la mesure.

L’article 1er de la proposition de loi Garot mentionne les zones caractérisées « par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins au sens du 1° de l’article L. 1434‑4 » du code de la santé publique. Dans la rédaction actuelle du texte, le groupe transpartisan cible donc les zones pour lesquelles des dispositifs d’aide à l’installation des médecins sont prévus : les zones d’intervention prioritaire (ZIP) et les zones d’action complémentaire (ZAC). Ce zonage produit par les ARS est soumis à critique sur le plan spatial (l’échelle est la commune, ce qui est peu pertinent étant donné la mobilité des patients) et temporel (la dernière mise à jour date d’avril 2022).

L’atlas Cartosanté, édité par la Direction numérique des ministères sociaux et sur les données duquel se basent les ARS, permet d’évaluer le pourcentage de communes et, surtout, le pourcentage de la population résidant dans et en dehors de ces zones sous-denses.

Ainsi, pour ce qui concerne les médecins généralistes, en 2024, 39% des 34953 communes françaises étaient classées en ZIP et 48% en ZAC. Concrètement, si la mesure de régulation était mise en place, les médecins libéraux pourraient donc toujours librement s’installer dans 87% des villes et villages françaisLes médecins désirant s’installer dans les 4561 communes restantes (soit 13%) le pourraient uniquement si un confrère de même spécialité sur le territoire cessait son activité.

Lire aussi : « On a réussi ! » : épaulée par des remplaçants, une généraliste en secteur 2 a « gommé un désert médical »

68% de la population réside dans une commune classée ZIP (28%) ou ZAC (40%) et 32% en dehors de ces zones. Sur cinq ans (entre 2017 et 2021), la population a augmenté de 0,8% en ZIP, de 0,8 % en ZAC (+380 000 habitants pour l’ensemble), et de 2,4% en dehors de ces zones (+500 000 habitants).

Combien de généralistes exercent et s’installent en zones sous-denses ?

D’après l’atlas Cartosanté, en 2024, 19% des généralistes libéraux* exerçaient en ZIP, 39% en ZAC et 42% en dehors de ces zones.

Au total, toujours d’après les données ministérielles, au 31 décembre 2024, le bilan est négatif avec une perte de 3333 généralistes libéraux en 5 ans**. La chute est générale, mais elle se répartit ainsi : 35.2% dans les ZIP, 46.3% dans les ZAC et 18.4% en dehors de ces zones.

Si l’on applique ces taux d’évolution, on peut estimer que sur les 2484 cessations d’activité de généralistes enregistrées par la Cnam en 2023, 874 exerçaient en ZIP, 1150 en ZAC et 457 hors zones. Toujours selon ces dynamiques, sur les 2361 généralistes primo-installés en 2023, 831 se seraient installés en ZIP, 1093 en ZAC et 435 en dehors de ces zones.

La perte est ainsi respectivement de -43 (35%), -57 (46%) et -23 (18%) MG libéraux par an dans les ZIP, ZAC et hors zones — malgré l’augmentation de la population et des besoins de santé, notamment liés au vieillissement et à la diminution des autres spécialités (dermatologie, rhumatologie, etc.).

Seuls 435 généralistes seraient potentiellement concernés sur une année

Finalement, la régulation à l’installation concernerait combien de généralistes ?

En résumé, seuls 435 médecins généralistes seraient donc potentiellement concernés chaque année par la proposition de loi Garot, leur autorisation d’installation étant conditionnée au départ préalable d’un confrère ce qui représenterait l’opportunité pour ces derniers de revendre leur patientèle et/ou d’anticiper leur retraite. Le nombre de médecins en partance étant supérieur au nombre d’arrivants… il y aura de la place pour tout le monde, y compris hors zonage.

C’est sans compter l’effet dissuasif d’une loi qui vise à « interdire l’installation » en misant sur le fait que les médecins libéraux aillent vivre dans des villes qu’ils jugeaient moins attractives pour leur vie personnelle et familiale. Contrariés dans leur choix de lieu d’installation***, rebutés par les démarches, les jeunes généralistes pourraient se reporter sur un exercice salarié, de MG traitant ou non. Partout en France, les postes ne manquent pas.

*Médecins « à expertise particulière » (MEP) inclus, soit homéopathie, acupuncture, ostéopathie, hypnose, sexologie, etc.
**Dont 1700 MEP : un effet du déremboursement de l’homéopathie ?
***Une récente étude de l’Insee a montré le caractère déterminant de la commune d’origine et de la ville où ils ont effectué leur internat dans le choix du lieu d’installation.

*** Commune d’origine, internat… Une étude décrypte le choix du lieu d’installation des médecins généralistes

Les généralistes sont de plus en plus inégalement répartis sur le territoire français, selon une nouvelle étude de l’Insee. Cette enquête, publiée mardi 12 novembre, confirme par ailleurs le caractère déterminant des lieux de naissance et d’internat dans les choix d’installation des praticiens. 

13/11/2024 https://www.egora.fr/actus-pro/acces-aux-soins/combien-de-generalistes-seraient-reellement-concernes-par-la-regulation?utm_source=Newsletter&utm_medium=gms_egora&utm_campaign=A_la_Une___Mardi_25_mars_2025&utm_medium=gms_egora&utm_source=email&utm_campaign=A%20la%20Une%20-%20Mardi%2025%20mars%202025%20(6h)20250325&sc_src=email_4523458&sc_lid=171093826&sc_uid=XYBlorZBtz&sc_llid=28445&sc_eh=5d463c22601bc0401 

Par Chloé Subileau

loupe

Les médecins généralistes sont de plus en plus inégalement répartis sur le territoire français. C’est ce que démontre une nouvelle étude de l’Insee, publiée mardi 12 novembre, qui porte sur les praticiens libéraux ayant débuté leur internat entre 2004 et 2007, et considérés comme installés de manière définitive depuis 2019. L’enquête révèle que, parmi ces soignants, la majorité (56,7%) se sont implantés dans une commune située dans l’aire d’attraction d’une ville de plus de 200 000 habitants (hors Paris), alors que seuls 43,3% de la population française réside dans ces territoires. 

Les territoires situés dans une aire d’attraction d’une ville de moins de 200 000 habitants ou en dehors de ces aires n’attirent que 30,1% de ces praticiens. Les besoins en santé y sont pourtant plus importants qu’ailleurs, puisque ces espaces regroupent 44,1% des personnes âgées de 65 ans ou plus.  

Lire aussi : Les 5 éléments qui favorisent vraiment l’installation des jeunes médecins généralistes

Paris et son aire d’attraction ont, de leur côté, attiré 13,1% de ces généralistes libéraux ; un chiffre moins élevé que la part de la population qui y réside (19,6%). 

Au-delà de ces données, l’étude révèle que six médecins généralistes sur dix ayant débuté leur internat entre 2004 et 2007 se sont installés dans la région dans laquelle ils sont nés ; environ un sur dix s’implante même dans sa commune de naissance. « Pour la moitié des médecins, la distance à vol d’oiseau entre la commune de naissance et la commune d’exercice est inférieure à 85 km », souligne l’Insee. 

Des disparités régionales 

Ce lien est d’autant plus fort dans les régions du Grand-Est, des Hauts-de-France et de l’Ile-de-France ; dans ces territoires, près de 80% des médecins généralistes libéraux de la génération étudiée sont nés dans la région où se situe désormais leur cabinet. « Cette proportion est moins élevée dans les régions de l’Ouest et du Sud de la France, notamment en Occitanie (40%) et dans les territoires d’outre-mer (15% à la Réunion) », peut-on lire.  

Ces disparités mettent en lumière des différences d’attractivité entre les territoires. En effet, plus l’une de ces régions attire des médecins nés ailleurs, « plus le taux de natifs est bas », développe l’Insee : « Au contraire, certains territoires ont […] une plus grande capacité à ‘retenir’ les médecins qui y sont nés. Ainsi, alors qu’en moyenne, 32% des médecins nés dans un département décident de s’y installer, ce taux est nettement plus élevé dans les départements des régions Hauts-de-France et Grand-Est, notamment dans le Pas-de-Calais (44%), la Somme (46%) et le Nord (50%). » 

Lire aussi : Un sacrifice supplémentaire ? Les étudiants et jeunes médecins opposés au « service médical à la Nation »

A l’heure où la menace de mesures coercitives plane de plus en plus sur les jeunes médecins, cette étude est particulièrement intéressante. Cette dernière confirme, par ailleurs, le rôle central du lieu d’internat dans le choix d’installation des généralistes. Selon l’Insee, « il a un effet propre, distinct de celui du lieu de naissance ». De fait, la moitié des praticiens généralistes libéraux ayant débuté leur internat entre 2004 et 2007 exercent en 2019 à moins de 43 kilomètres à vol d’oiseau de l’université dans laquelle ils ont effectué leur internat.

Cette distance varie selon les universités (hors DOM) ; elle est ainsi comprise entre 18 kilomètres pour l’université de Nice et 117 kilomètres pour celle de Poitiers.

De plus, le taux de médecins qui s’installent dans une commune rurale est très variable suivant l’université d’internat. Il est de moins de 5% pour les anciens internes de Nice et de 11% pour ceux de Paris, et atteint les 55% pour ceux de Besançon.  

Auteur de l’article

Chloé Subileau

Cheffe de la rubrique étudiants

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

Laisser un commentaire