Proposition de loi sur la liberté d’installation : l’inquiétude monte chez les syndicats
Quentin Haroche | 21 Mars 2025 https://www.jim.fr/viewarticle/proposition-loi-liberté-dinstallation-linquiétude-2025a10006tg
Une nouvelle proposition de loi souhaitant supprimer la liberté d’installation doit être examinée à partir du 31 mars. Et cette fois, elle pourrait bien être adoptée.
Il y a un peu moins de deux ans, en juin 2023, l’Assemblée Nationale avait voté en faveur du maintien de la liberté d’installation pour les médecins libéraux. Dans peu de temps, lors de la semaine du 31 mars, la question sera de nouveau posée aux députés.
La proposition de loi d’initiative transpartisane (le groupe sur les déserts médicaux comprend des députés provenant de neuf groupes différents) « visant à lutter contre les déserts médicaux » vient en effet d’être mise à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale. Une première victoire pour le député de la Mayenne Guillaume Garot, qui porte ce combat contre la liberté d’installation depuis plusieurs années.
L’article 1er de cette proposition de loi prévoit ainsi de créer un système d’ « autorisation d’installation des médecins, délivrée par l’ARS » afin de « flécher l’installation des médecins vers les zones où l’offre de soins est insuffisante ». Ainsi, dans les zones considérées comme sous-dotées en médecins, l’autorisation sera délivrée de droit.
En revanche, dans les zones suffisamment dotées, un praticien ne sera autorisé à s’installer que pour remplacer un médecin qui vient de cesser son activité. C’est le même système que celui qui s’applique aux dentistes depuis le 1er janvier dernier.
Une mesure qui fait l’unanimité contre elle parmi les syndicats
« Il s’agit d’un premier pas dans la régulation de l’installation des médecins sur le territoire, qui permettra, à tout le moins, de stopper la progression des inégalités entre territoires » plaide la proposition de loi pour justifier cette mesure radicale.
Les auteurs de la proposition de loi rappellent ainsi que la désertification médicale s’est aggravée ces dernières années, en rapportant quelques chiffres : depuis 2010, la densité médicale a augmenté dans 31 départements et a diminué dans 69 autres ; dans 45 départements où la population est en hausse, le nombre de médecins est en baisse. Selon les députés, les mesures de régulation à l’installation des médecins ont porté leurs fruits dans les pays qui les ont adoptées (Allemagne, Danemark, Norvège…).
Depuis plusieurs années que l’idée de réguler l’installation des médecins est avancée, cette proposition a toujours fait l’unanimité contre elle parmi les syndicats de médecins. La proposition de loi actuelle ne change pas la donne. Pour le Dr Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général adjoint de MG France, la fin de la liberté d’installation « va entraîner une baisse des effectifs de médecins généralistes traitants ».
Le Dr Luc Duquesnel, président de la CSMF, estime pour sa part qu’ « il n’y a pas de zones surdotées » et que « cela ne sert à rien d’attenter à la liberté d’installation car c’est trop tard ». Evoquant une « régulation punitive », la FMF rappelle pour sa part (de manière quelque peu cynique), qu’un grand nombre des députés qui ont co-signé cette proposition de loi représente des territoires considérés comme suffisamment dotés en médecins.
« Ces élus se préparent à expliquer à leurs électeurs pourquoi ils s’opposent à toute installation de nouveaux médecins dans leurs territoires, une situation périlleuse pour ne pas dire suicidaire sur le plan politique » souligne ainsi le syndicat.
Cette fois, la proposition de loi pourrait bien passer
La proposition de loi contient d’autres mesures polémiques, comme le rétablissement de l’obligation de garde pour les médecins, également unanimement rejetée par les syndicats, mais également des réformes plus consensuelles, comme la suppression de la pénalité tarifaire pour les patients sans médecin généraliste ou la mise en place d’une formation de première année d’études de santé dans chaque département.
Le premier jet de la proposition de loi, déposé en novembre dernier, contenait d’autres propositions (comme la suppression du secteur 2 hors Optam pour les nouveaux médecins ou la limitation de la durée de remplacement) qui pourraient faire leur retour par voie d’amendement.
Pour le moment, chaque proposition vivant à supprimer la liberté d’installation a été assez largement rejetée par les députés. Mais si les syndicats se montrent cette fois particulièrement inquiets, c’est parce que la loi semble avoir cette fois une réelle chance de passer.
Ce sont ainsi 258 députés qui ont co-signé la proposition de loi, soit presque la majorité absolue. Dans l’hémicycle, les syndicats pourront cependant compter sur un soutien de choix, en la personne du ministre de la Santé Yannick Neuder.
Dans une interview accordée ce mercredi à nos confrères du Quotidien du médecin, le cardiologue a qualifié cette proposition de loi de « mauvais message envoyé au monde médical et paramédical, qui souhaite qu’on le laisse travailler et s’organiser lui-même ».
Dr Jean Scheffer: seul le « Clinicat-Assistanat pour tous » est capable de solutionner l’ensemble du manque de praticien et les très fortes inégalités dans l’offre de soins
e tiens une nouvelle fois à rappeler que la régulation des installations des médecins généralistes mais aussi des médecins spécialistes si elle est nécessaire, n’est pas suffisante pour solutionner les déserts médicaux.
En effet ces derniers ne sont pas uniquement dans les zones rurales ou dans certains quartiers de nos villes moyennes ou grandes. Ils sont partout: à commencer par les hôpitaux (40% de postes vacants dans nos hôpitaux généraux, plus de 50% dans les hôpitaux psychiatriques, des postes de maître de conférence vacants en CHU…), en PMI, médecine scolaire et universitaire, crèches, CMP, médecine pénitentiaire , médecine du travail, santé publique…
Dès lors en plus de l’augmentation du « Numérus Apertus », de la création de centres de santé publics multiprofessionnels dans les déserts médicaux les plus criants, il faut créer le « Clinicat Assistanat Pour Tous ». Il débuterait en fin d’internat, obligatoire pour tous, futurs généralistes comme futurs spécialistes, d’une durée de deux à 3 ans. L’activité serait partagée entre divers établissements à l’image des assistants partagés actuels entre CHG et CHU: entre CHU et CHG pour les futurs spécialistes; entre CHG-CHU et PMI, CMP, santé publique, santé scolaire, médecine pénitentiaire, médecine du travail… ; entre CHG et centres de santé et maisons de santé… Il s’agit donc par un seul et même dispositif de solutionner en quelques années l’ensemble des manques criants et urgents de médecins dans tous les domaines, dans toutes spécialités, sans pénaliser une catégorie, les futurs généralistes par exemple, ou les étudiants en médecine peu fortunés, obligés de s’installer dans un désert pour se payer ses études. Cela évitera de plus le dumping entre villes, entre départements pour recruter ou débaucher, les jeunes en fin d’internat, ou ceux déjà installés et répondant à une offre plus alléchante. Il faudra définir par région, département et territoire de santé, les manques les plus urgents en généralistes et spécialistes, et en tirer les conséquences sur la répartition par spécialité pour la première année d’internat.
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