« Pesticides, aliments ultra-transformés… Il y a urgence à reconnaître l’origine industrielle des cancers »
Date de publication : 24 mars 2025

Libération publie une tribune de Pierre Sujobert, professeur d’hématologie, université Lyon-1, Hospices civils de Lyon, et Marc Billaud, directeur de recherches émérite CNRS, Centre de recherches en cancérologie de Lyon, selon qui « si la lutte contre les facteurs de risques individuels, comme le tabac ou l’alcool, permet un recul de la maladie, elle reste insuffisante. Il est temps d’admettre que le cancer est aussi lié à l’industrie agroalimentaire ou à l’agriculture intensive ».
Pierre Sujobert et Marc Billaud soulignent ainsi que « plusieurs articles de presse ont récemment mis en lumière des observations épidémiologiques parues dans des revues scientifiques de premier plan, et qui apportent un autre éclairage sur les causes du cancer. L’augmentation des cas ne peut pas être attribuée exclusivement au vieillissement de la population et à un meilleur dépistage ».
Ils notent qu’« en 30 ans, l’incidence a presque doublé chez les adultes de moins de 50 ans, et chez les enfants elle a progressé de 35% en 50 ans aux Etats-Unis et de 0,5% à 1% par an en Europe depuis 1970. Sauf à supposer que les plus jeunes d’entre nous soient devenus vieux, d’autres explications causales doivent être recherchées. Or, les épidémiologistes alertent depuis longtemps sur le rôle des facteurs environnementaux ».
Les spécialistes relèvent que « dans un rapport publié en 2022, l’Agence européenne de l’environnement a estimé que 10% des cancers dans les pays de l’Union européenne étaient dus aux facteurs environnementaux, soit environ 270.000 nouveaux cas chaque année. Si les effets de la contamination chimique (pesticides, Pfas…), de l’alimentation industrielle, de la pollution atmosphérique ne sont pas des révélations inédites, leur médiatisation s’est intensifiée ».
Pierre Sujobert et Marc Billaud poursuivent : « Les médias, les associations de lutte contre le cancer et les ONG se seraient-elles soudainement laissées influencer, diffusant des informations alarmistes reposant sur des publications scientifiques fantaisistes ? C’est, en tout cas, ce qu’il faudrait croire au vu des vives réactions exprimées par des cancérologues de renom ».
« Dénonçant un «tsunami» de fausses informations et une «hystérie» médiatique, nos collègues ont relativisé l’importance des données épidémiologiques en matière de santé publique et se sont inquiétés du fait que la lutte contre les cancérigènes environnementaux (aspartame, particules fines, pesticides) se fasse au détriment de la prévention des risques individuels (tabagisme, consommation d’alcool, obésité) », observent les deux experts.
Ils écrivent que « ces deux approches ne s’opposent pas, elles sont complémentaires. (…) Plutôt que de réduire le cancer à une question individuelle, il doit être reconnu comme un enjeu collectif et politique, directement lié aux décisions des autorités sanitaires en matière de réglementation des produits cancérigènes ».
Pierre Sujobert et Marc Billaud ajoutent que « face à la hausse des cancers, notamment chez les plus jeunes, nous ne pouvons pas nous contenter de nous féliciter des progrès thérapeutiques encourageants. Lutter contre le cancer impose d’agir sur deux fronts : mieux soigner, bien sûr, mais aussi mieux prévenir. Plutôt que d’invoquer l’argument selon lequel «en valeur absolue», les cancers chez les enfants et les jeunes adultes resteraient rares, il est urgent d’identifier les causes réelles avec la rigueur de la méthode scientifique ».
« Le cancer est un fléau qui nous touche tous. Lutter contre les facteurs de risques individuels (…) permet d’en faire reculer l’incidence, mais c’est insuffisant. Il est temps de reconnaître que le cancer a aussi une origine industrielle et d’exiger une action politique forte contre les expositions aux agents cancérigènes issus de l’agriculture intensive (pesticides), de l’industrie agroali