Sanofi poursuit la vente de ses usines de médicaments grand public (au tour d’Aspégic et de Kardégic)

Pourquoi la vente par Sanofi de son usine d’Amilly, où sont produits Aspégic et Kardegic, inquiète

Le site de production du géant pharmaceutique français Sanofi à Amilly sera vendu à l'automne.

Écrit par Thomas Hermans et AFP

Publié le 13/03/2025 à 12h16 https://france3-regions.francetvinfo.fr/centre-val-de-loire/loiret/montargis/pourquoi-la-vente-par-sanofi-de-son-usine-d-amilly-ou-sont-produits-aspegic-et-kardegic-inquiete-3121714.html

Le géant pharmaceutique français Sanofi compte vendre son site de production situé dans le Loiret, cinq mois après avoir vendu le Doliprane à un fonds américain. Si la marque assure que le repreneur ne menace ni les salariés, ni la production en France, les inquiétudes s’accumulent.

« On demandait à Sanofi de ramener de nouvelles productions sur le site, pas de le vendre ou de l’extérioriser. » Sur le site de production de Sanofi à Amilly, à deux pas de Montargis dans le Loiret, on n’est pas surpris, mais on est quand même inquiets. Les 276 salariés ont récemment appris que le géant pharmaceutique français comptait se séparer de son usine montargoise, où sont notamment produits l’Aspégic et le Kardegic.

« On savait que, de toute façon, il y avait un risque« , souffle Fabien Mallet, syndicaliste CGT Sanofi France. Car, explique-t-il, « ça fait à peu près un an qu’il n’y a pas d’investissement« . Jamais un bon signe.

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Et il y a eu l’annonce, en octobre 2024, de la vente par Sanofi de sa filiale Opella, qui produit notamment le Doliprane, médicament le plus vendu de France. La filiale a été cédée au fonds américain CD&R à hauteur de 50%. Et, si Opella ne produit pas l’Aspégic, elle le commercialise.

Nouveau chef, nouvelles productions ?

Sanofi poursuit donc sa stratégie d’externalisation de la production de ses médicaments sans ordonnance, concentrant ses récents investissements sur des projets dans les domaines de l’immunologie, des maladies rares, de la neurologie et des vaccins.

L’opération de cession, planifiée pour l’automne, attribuerait à l’entreprise française Substipharm la commercialisation et le développement de l’Aspégic, du Kardegic et du Cardirene (nom commercial du Kardegic pour l’Italie), qui représentent la moitié de la production de l’usine. Le site industriel serait en revanche repris par le sous-traitant européen de préparations pharmaceutiques Astrea Pharma, qui a acquis fin 2024 deux usines françaises, à Fontaine-lès-Dijon (Côte-d’Or) et Monts (Indre-et-Loire).

« De nouvelles activités et volumes » seraient générés par le repreneur, selon le projet qui n’aurait par ailleurs « aucun impact sur l’emploi« , rassure Sanofi. Mais les responsables syndicaux assure n’avoir « sur la table ni les engagements d’investissement nécessaires, ni les volumes qu’ils veulent ramener« , rétorque Fabien Mallet.

Inquiétudes à l’Assemblée nationale

Ces inquiétudes ont été relayées à l’Assemblée nationale ce mercredi 12 mars, à l’occasion d’une session de questions au gouvernement. Le député Rassemblement national du Loiret Thomas Ménagé a interpellé Éric Lombard, ministre de l’Économie, au sujet de l’usine d’Amilly. « La seule en Europe à pouvoir synthétiser le principe actif du Kardegic, d’intérêt thérapeutique majeur« , a-t-il vanté. Médicament grâce auquel « des millions de nos concitoyens sont protégés de maladies cardio-vasculaires« .

Selon l’élu, la cession de cet outil de production à un façonnier détenu par « une holding luxembourgeoise » fait naître de nouvelles inquiétudes. Il a rappelé que, lors de l’annonce de la cession d’Opella en octobre 2024, l’État avait assuré avoir obtenu des garanties en matière d’emplois et de production, y compris pour l’Aspegic, via un accord tripartite avec Sanofi CD&R.

Le projet de cession du site d’Amilly rend, selon lui, ces gages « caduques« , l’Aspégic passant sous le contrôle « d’un façonnier étranger et d’un commercialisateur, soumis à aucun engagement« .

En réponse, Éric Lombard a assuré suivre « tout cela de très très près pour veiller à ce que les engagements soient tenus« . Selon le ministre, Sanofi « a des discussions avec Astrea Pharma, qui […] apporterait des volumes de production, permettant d’améliorer le taux de remplissage du site« . Il a aussi vanté la reprise de l’exploitation par SubstiPharm, « acteur français » qui « permettrait de maintenir en France la production de ces produits« .

Piquet de grève devant l’usine

La cession des activités de distribution du site amillois au groupe DHL l’an dernier avait déjà provoqué des inquiétudes chez les salariés. Fabien Mallet juge « problématique » que « Sanofi vire tous ses médicaments matures« . Car, une fois ces médicaments sortis du giron du groupe, nul ne sait si « l’acteur auquel ils ont été vendus aura les reins assez solides pour les maintenir sur le marché« .

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Depuis l’annonce, les salariés se sont organisés pour protester contre la vente et manifester leur inquiétude. Des débrayages ont lieu depuis le 5 mars ainsi qu’un piquet de grève devant le site.

Chez Sanofi, la vente de l’Aspégic fait craindre « un effet domino »

Le laboratoire s’apprête à se séparer de son usine installée à Amilly, dans le Loiret, qui produit deux de ses marques historiques, Aspégic et Kardegic. 

Par Zeliha ChaffinPublié hier à 07h51, modifié hier à 10h09 https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/03/13/chez-sanofi-la-vente-de-l-aspegic-fait-craindre-un-effet-domino_6579949_3234.html

Temps de Lecture 3 min.

Dans l’usine Sanofi d’Amilly (Loiret), le 20 mars 2019.
Dans l’usine Sanofi d’Amilly (Loiret), le 20 mars 2019.  ERIC MALOT/REPUBLIQUE DU CENTRE/MAXPPP

Le printemps n’est pas encore là, mais, déjà, Sanofi se lance dans un nouveau grand ménage dans ses médicaments et produits de santé grand public. Le laboratoire pharmaceutique s’apprête à se délester de son usine installée à Amilly (Loiret) depuis 1961 et, avec elle, de trois marques anciennes de médicaments qui y sont fabriquées : Aspégic, Kardegic et Cardirene, le nom commercial du Kardegic pour l’Italie.

Annoncée aux salariés du site, le 5 mars, la nouvelle n’a guère surpris les « sanofiens ». En 2024, les représentants syndicaux s’étaient inquiétés de l’avenir de l’usine loirétaine, dont ils jugeaient qu’elle était laissée à l’abandon par l’industriel pharmaceutique. « Il y a huit mois, la direction a commencé à dire qu’elle allait chercher des solutions. Au départ, l’idée était de trouver des relais de croissance en interne, puis on nous a parlé de produire pour des tiers et, finalement, d’une vente du site à un tiers », explique Fabien Mallet, le coordinateur CGT au sein du groupe.

Le projet de vente, destiné à « assurer un nouvel élan au site », selon Sanofi, prévoit une cession de l’usine au façonnier Astrea Pharma. Fondé en 2022, ce spécialiste de la production de formes orales et solides détient déjà deux sites dans l’Hexagone, à Fontaine-lès-Dijon (Côte-d’Or) et à Monts (Indre-et-Loire), rachetés au sous-traitant pharmaceutique suédois Recipharm en 2022 et en 2024. Selon Sanofi, le repreneur « a pris des engagements forts en matière de maintien de l’emploi et des statuts collectifs », et conservera l’ensemble des 276 salariés aujourd’hui employés à Amilly. En parallèle, le laboratoire français Substipharm, qui commercialise plus de 90 molécules dans 80 pays, dont plusieurs médicaments étiquetés d’intérêt thérapeutique majeur en France, reprendrait les droits d’exploitation et de développement des trois principaux produits fabriqués et conditionnés sur le site loirétain, Aspégic, Kardegic et Cardirene.

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La transaction, qui devrait être finalisée au cours du troisième trimestre, s’inscrit dans la continuité directe de la stratégie poursuivie par Sanofi ces dernières années. Le laboratoire tricolore souhaite concentrer les efforts de l’entreprise sur les médicaments innovants sous brevet, beaucoup plus lucratifs, et faire du groupe un champion mondial de l’immunologie, où il rencontre déjà un vif succès grâce à son médicament vedette, le Dupixent (32 % du chiffre d’affaires du groupe en 2024). Dans cet objectif, la société, sous la houlette de son directeur général, le Britannique Paul Hudson, a entrepris une vaste restructuration du groupe depuis 2019, taillant petit à petit dans les branches jugées inadaptées à cette ambition.

Légère agitation à l’Assemblée

En 2022, le laboratoire s’était ainsi séparé d’une partie de son activité dans la fabrication de principes actifs avec la création, puis l’introduction en Bourse, d’Euroapi, s’allégeant au passage de six sites de production dans le monde, dont deux dans l’Hexagone, situés à Vertolaye (Puy-de-Dôme) et à Saint-Aubin-lès-Elbeuf (Seine-Maritime). Deux ans plus tard, c’était au tour d’une autre branche du groupe, la distribution, de faire les frais de ce recentrage stratégique.

Au printemps 2024, le laboratoire a externalisé son activité de distribution de médicaments sur les sites d’Amilly, de Croissy-Beaubourg (Seine-et-Marne) et de Saint-Loubès (Gironde), désormais aux mains du transporteur américain DHL. Le dernier grand chantier de cette transformation était celui du désengagement des médicaments grand public et matures de son portefeuille, dont le point d’orgue, mais pas l’épilogue, a été l’annonce, en octobre 2024, de la cession au fonds d’investissement américain CD&R de 50 % d’Opella, la filiale de Sanofi regroupant les produits de santé vendus sans ordonnance, comme le Doliprane et les compléments alimentaires.

Dans cette logique, la cession de l’usine d’Amilly, dont l’outil industriel est consacré à la fabrication de médicaments chimiques, et qui produit uniquement des traitements anciens, n’est pas étonnante. « C’est l’effet domino du désengagement mené dans la santé grand public », déplore M. Mallet. Elle n’en suscite pas moins une légère agitation à l’Assemblée nationale après la tempête Doliprane, certains y voyant une trahison de l’accord tripartite négocié lors de la cession d’Opella entre l’Etat, Sanofi et CD&R afin d’obtenir des engagements en matière d’emplois et de production.

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Interpellé, mercredi 12 mars, par le député Rassemblement national du Loiret Thomas Ménagé, le ministre de l’économie, Eric Lombard, a assuré suivre de « très très près » le projet de cession. Si l’Aspégic figure bien dans le portefeuille d’Opella, il ne fait toutefois pas partie des marques rachetées par CD&R, et n’est donc pas soumis aux obligations de l’accord tripartite. Par ailleurs, ce médicament, dérivé de l’aspirine, bien que très connu, n’est pas considéré comme essentiel. Supplanté par le paracétamol ces dernières décennies, il est aujourd’hui très faiblement consommé : il représente à peine 0,5 % du marché des médicaments antidouleur en France.

Chez les « sanofiens », l’annonce de la vente du site d’Amilly fait surtout naître une nouvelle crainte : celle d’un prochain dégraissage des derniers vestiges de la production de médicaments grand public du groupe. « Nous sommes inquiets pour l’avenir du site de Maisons-Alfort [Val-de-Marne], qui produit le Lovenox, un anticoagulant qui est aujourd’hui générique. On sent que l’on va nous faire le même coup que pour Amilly », redoute M. Mallet.

Zeliha Chaffin

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Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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