Omnibus: les coups de boutoir de l’exécutif européen.

Législation Omnibus : de la simplification à l’opacité en matière de RSE

Sous couvert d’alléger la charge administrative des entreprises, le projet de paquet Omnibus les exonère surtout d’un grand nombre de contraintes en termes de transparence et de responsabilités sociales et environnementales. 

Gouvernance  |  Aujourd’hui à 18h42  https://www.actu-environnement.com/ae/news/omnibus-volet-rse-45693.php4

|  N. Gorbatko

Envoyer par e-mail

Législation Omnibus : de la simplification à l'opacité en matière de RSE

© Union européenne, 2025Valdis Dombrovskis et Maria Luís Albuquerque, commissaires européens, ont tenu une conférence de presse, le 26 février, sur les paquets Omnibus.

Chaînes de valeur, taxes aux frontières, taxonomie et reporting : comme promis, la Commission européenne s’est attaquée à l’ensemble des réglementations censées contraindre le monde économique à plus de durabilité, dans sa bien nommée législation Omnibus aussi attendue que redoutée. Dévoilé mercredi 26 février, le paquet vise à simplifier la vie des entreprises, en réduisant, avant la fin du mandat, d’au moins 25 %, et même d’au moins 35 % pour les PME, leurs charges administratives « trop complexes, coûteuses à mettre en œuvre et d’une utilité limitée ».

Pour ce faire, la Commission cible particulièrement deux directives : la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) entrée en vigueur en janvier 2024, sur le reporting extra-financier, et la CS3D (Corporate Sustainability Due Diligence Directive) sur le devoir de vigilance, entrée en application en juillet de la même année. « La CSRD et la CSDDD sont désormais mises en œuvre dans un contexte nouveau et difficile », explique la Commission, en citant pêle-mêle les évolutions du paysage géopolitique, les tensions commerciales, la hausse du prix des énergies et les approches différentes des concurrents de l’Europe en matière normative.  « La capacité de l’Union à préserver et à protéger ses valeurs dépend notamment de la capacité de son économie à s’adapter et à être compétitive », estime-t-elle.

CSRD : beaucoup moins d’entreprises concernées

Fort de ce principe, l’organe exécutif de l’UE envisage d’alléger substantiellement les contraintes liées à la CSRD. Première proposition : restreindre l’obligation du nouveau reporting extra-financier aux seules sociétés de plus de 1 000 salariés, totalisant un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros ou 25 millions de bilan net. Aujourd’hui, les entreprises de plus de 250 salariés sont censées enregistrer leurs données afin de présenter leur rapport extra-financier le 1er janvier 2026 pour l’exercice 2025. Elles devaient être suivies par les PME cotées l’année suivante. Les très grandes entreprises de plus de 500 salariés (plus de 40 millions d’euros de chiffre d’affaires ou plus de 20 millions de bilan net), quant à elles, sont supposées avoir déjà rempli cette obligation le 1er janvier 2025 pour l’exercice 2024. La mesure exonèrerait de cette exigence 80 % des sociétés actuellement concernées. Celles qui souhaiteraient malgré tout s’y plier pourront le faire volontairement.

Via un acte délégué, le projet de texte prévoit également de simplifier les normes en la matière (ESRS). Les points de données à fournir seront moins nombreux. En complément des ESRS standard déjà publiées, d’autres à caractère sectoriel étaient en préparation. Elles seraient supprimées, de même que l’obligation pour les plus grandes sociétés (plus de 1 000 salariés) de rendre des comptes en matière d’alignement de leurs activités sur la taxonomie. Cette déclaration deviendrait volontaire. Les entreprises toujours soumises à la CSRD pourront ne demander qu’un nombre réduit de renseignements à leurs partenaires de la chaîne de valeur de taille intermédiaire. Seul rescapé : le principe de double matérialité, préservé dans le nouveau texte.

CS3D : son principe fondateur écarté

La directive CS3D sur le devoir de vigilance n’échappe pas non plus aux coups de boutoir de l’exécutif européen. Non seulement celui-ci décale le délai de transposition au 26 juillet 2027, soit un an plus tard que le calendrier initialement prévu, mais il en repousse aussi l’application aux grandes entreprises au 26 juillet 2028. Mais surtout, le principe originel du texte – responsabiliser le donneur d’ordres vis-à-vis de ses sous-traitants – disparaît totalement, puisque seul le partenaire commercial direct serait désormais visé, sauf si l’entreprise dispose de « renseignements suggérant que des effets négatifs ont eu lieu ou peuvent avoir lieu ».

Le rythme des évaluations passerait, en outre, d’un an à cinq ans, excepté si des « motifs raisonnables » pourraient laisser croire que « ces mesures ne sont plusadéquates ou efficaces ». L’obligation de mettre fin à la relation d’affaires en dernier recours est effacée. En matière de responsabilité civile, les révisions laisseraient aux États le soin de déterminer si leurs conditions l’emportent ou non sur les règles du pays tiers et elles amenuiseraient les possibilités pour les syndicats ou les ONG d’exercer un droit de regard. Quant à la clause de revoyure qui aurait permis d’inclure les banques et autres services financiers dans le périmètre des entreprises visées, elle a été supprimée.

Taxe carbone : pour les plus gros importateurs seulement

En parallèle, la Commission propose des modifications au règlement relatif au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) : le nouveau seuil annuel cumulatif envisagé en termes d’importation, au-dessous de 50 tonnes par an, permettrait d’exempter environ 90 % des importateurs, soit 182 000 d’entre eux. Mais 99 % des émissions totales des importations resteraient couvertes dans quatre secteurs : fer et acier, aluminium, ciment, engrais.

« Les simplifications proposées tiennent compte des informations recueillies au cours de la période transitoire, en vigueur depuis octobre 2023, précise la Commission. Les prochaines étapes comprendront un examen complet du CBAM dans le courant de l’année, afin d’évaluer son extension potentielle à d’autres secteurs du système d’échange de quotas d’émission, à des biens en aval et à des émissions indirectes. » Pour les sociétés qui resteraient visées, les calculs d’émissions et les différentes modalités de déclaration devraient être facilités.

Taxonomie pour les nuls

Enfin, pour consultation publique, ce paquet s’accompagne d’un projet d’acte délégué sur la taxonomie (Taxonomie Disclosures et Taxonomie Climate and Environmental Delegated Acts). Celui-ci simplifierait les modèles de déclaration, en réduisant de près de 70 % les points de données. Les entreprises jugeant avoir progressé dans la réalisation de leurs objectifs de développement durable, sans satisfaire à toutes les exigences de la taxonomie européenne, pourront choisir de rendre compte, si elles le souhaitent, de cet alignement partiel sur la taxonomie.

Par le biais de ces « allègements », la Commission espère permettre aux entreprises d’économiser plus de 6 milliards d’euros de coûts administratifs annuels et de mobiliser 50 milliards d’euros supplémentaires d’investissement public et privé. Afin de passer de la proposition à la mise en œuvre, ces textes devront cependant encore suivre l’habituel chemin législatif, en obtenant l’aval du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne. Les équilibres politiques actuels, favorables au groupe du Parti populaire européen (PPE) de la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, pourraient le leur permettre, malgré l’opposition des partis de gauche et le rejet des ONG environnementales qui déplorent « une dérégulation massive et sans précédent, qui rappelle la politique de déréglementation en cours aux États-Unis ».

Le 8 novembre 2024, dans leur déclaration de Budapest sur le nouveau Pacte européen pour la compétitivité, les chefs d’État et de gouvernement de l’UE avaient en effet appelé la Commission à faire des propositions concrètes pour réduire les exigences de déclaration des entreprises. En revanche, ils lui avaient aussi demandé de réaliser des études d’impact de cette démarche. Ce qui n’a pas été fait.

Nadia Gorbatko, journaliste
Rédactrice spécialisée

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

Laisser un commentaire