ÉDITORIAL. Déficit de la Sécu : du trou au gouffre

L’édito du jour, Santé, Social
Publié le 25/02/2025 à 06:31 https://www.ladepeche.fr/2025/02/25/editorial-deficit-de-la-secu-du-trou-au-gouffre-12527051.php
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Voilà un anniversaire que personne n’a célébré et pour cause. Le « trou de la Sécu », en tout cas son expression notamment employée par l’ancien Premier ministre Alain Juppé, a déjà trente ans d’existence et pourrait bien faire son grand retour dans le débat public. On est bien loin des perspectives heureuses qu’annonçait en 2018 la ministre de la Santé de l’époque.
Après des années de déficit chronique, la Sécurité sociale remontait alors lentement la pente depuis son abyssal déficit de 35 milliards d’euros en 2010 et Agnès Buzyn espérait même pour 2019 un excédent de 600 millions d’euros. On retrouvait alors le principe érigé à la création de la Sécu en 1945 de comptes parfaitement équilibrés. Las ! La crise des Gilets jaunes de 2018-2019 a brisé la trajectoire vertueuse. Pour calmer cette grogne sociale à l’ampleur inédite et répondre à ses nombreuses revendications, l’exécutif avait mis la main à la poche avec des mesures d’urgences qui ont coûté 2,7 milliards d’euros à la Sécurité sociale. L’année suivante, c’est la crise sanitaire du Covid qui percutait de plein fouet les comptes de la Sécu. Aux dépenses du « quoi qu’il en coûte » pour faire face à la pandémie se sont ajoutées celles promises par le Ségur de la Santé pour revaloriser, entre autres, la rémunération des soignants… En 2020, les comptes de la Sécurité sociale affichaient ainsi un colossal déficit de 39,7 milliards d’euros.
Depuis, les comptes ont bien tenté de sortir du « trou » mais en 2024, dans un contexte de dérapage budgétaire des comptes publics, la courbe a à nouveau piqué du nez, passant de 10,8 à 18,2 milliards d’euros de déficit. Après la dissolution, Michel Barnier a bien tenté d’introduire des mesures d’économies pour quelque 900 millions d’euros, notamment sur le reste à charge pour les patients sur les médicaments, mais c’est sur le budget de la Sécurité sociale que son gouvernement a été censuré. François Bayrou a repris le travail d’écriture mais au final le déficit de 2025 va encore grossir à 22,1 milliards, 4 de plus que l’année précédente alors qu’il était prévu à 10,5.
En cause, les concessions faites par le gouvernement Bayrou aux parlementaires, et notamment aux socialistes, pour éviter la censure. L’enveloppe pour les hôpitaux a été rehaussée d’un milliard d’euros, le fonds d’urgence pour les Ehpad est passé de 100 à 300 millions d’euros. Autant de dépenses supplémentaires – et légitimes – que n’arrivent plus à compenser les dispositifs mis en place et notamment la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), censée éponger le trou de la Sécu depuis 1996 et financée en partie par la Contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) prélevée sur les salaires.
Pour éviter que le trou ne devienne un gouffre, il va falloir trouver de nouvelles solutions de financements. Il y a urgence. Les dépenses de santé représentent 15 des 22,1 milliards d’euros de déficit et cela devrait continuer compte tenu de la démographie française. Au 1er janvier dernier, 21,8 % des Français avaient au moins 65 ans, contre 16,3 % en 2005 et les personnes âgées d’au moins 75 ans représentent désormais 10,7 % de la population, contre 8 % en 2005.
DECRYPTAGE. Sécurité sociale : pourquoi le risque de dérapage budgétaire est élevé pour les prochaines années

Publié le 25/02/2025 à 06:41
Plus de quatre mois après leur présentation, les budgets pour 2025 sont enfin adoptés au Parlement : le Sénat a approuvé définitivement lundi 17 février le projet de budget de la Sécurité sociale. Une étape importante franchie pour le gouvernement Bayrou, mais une inquiétude sur le risque de dérapage élevé pour les années à venir.
Le Parlement a définitivement adopté le projet de budget de la Sécurité sociale pour 2025 après un ultime vote du Sénat lundi 17 février, mettant fin à un long feuilleton budgétaire entamé en octobre et marqué par la censure du gouvernement de Michel Barnier, justement sur le projet de loi de finances de la Sécurité sociale…
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François Bayrou a évité ce couperet. La chambre haute a ainsi approuvé le PLFSS à 225 voix contre 104, dans les mêmes termes qu’à l’Assemblée nationale, où le Premier ministre François Bayrou a résisté à plusieurs motions de censure. Le budget de l’État pour 2025 avait lui aussi été définitivement adopté par les parlementaires ces derniers jours.
Le coût des concessions pour le Budget 2025
Pour autant, le gouvernement n’en a sans doute pas fini avec le déficit de la Sécurité sociale qui pourrait s’aggraver dans les années qui viennent. Le budget qui vient juste d’être adopté a lui-même creusé ce sillon : pour éviter la censure, le gouvernement Bayrou a fait de nombreuses concessions avec des dépenses de santé plus élevées que prévu initialement (3,4 % en 2025, à 265,9 milliards d’euros contre 2,8 % initialement prévus).
À la demande des socialistes, le gouvernement a par exemple augmenté l’enveloppe pour les hôpitaux (1 milliard d’euros) et triplé le fonds d’urgence pour les Ehpad (de 100 à 300 millions d’euros). D’un autre côté, les prévisions de recettes ont été revues à la baisse. Le gouvernement a ainsi renoncé – comme l’avait imaginé Michel Barnier – à augmenter le ticket modérateur (la part des frais médicaux restant à la charge du patient), soit une perte de 500 millions d’euros de recettes. Il a également renoncé à la très polémique proposition de demander aux actifs de travailler gratuitement sept heures de plus par an, pour financer la perte d’autonomie des seniors.
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Le déficit de la Sécurité sociale DDM – Philippe Rioux
Enfin, il a renoncé au décalage de la désindexation des retraites imaginé par le gouvernement Barnier : toutes les pensions de retraite ont été indexées sur l’inflation à 2,2 %, entraînant un coût supplémentaire pour l’État. La conséquence de ces concessions – que l’on peut trouver parfaitement légitimes – fait que le déficit prévu est passé de 16 à 22,1 milliards d’euros.
100 milliards en 2028 ?
Un dérapage qui pourrait s’accentuer dans les années à venir. En mai 2024, la Cour des comptes avait déjà tiré la sonnette d’alarme en publiant son rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale (Ralfss). Elle critiquait la trajectoire financière de la sécurité sociale qui comportait des déficits croissants d’ici à 2027. À l’occasion de l’examen parlementaire du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, la Cour avait actualisé son analyse en novembre. « Le PLFSS pour 2025 comprend un ensemble de mesures en recettes et en dépenses de nature à endiguer ponctuellement l’aggravation du déficit » estimait-elle… avant que le gouvernement Bayrou ne fasse des concessions.
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Surtout, elle avertissait déjà que « d’ici à 2028, la trajectoire financière de la sécurité sociale continuerait de se dégrader, le déficit annuel atteindrait 19,9 milliards d’euros. L’accumulation de tels déficits, sans solution de financement, conduit à la reconstitution d’une nouvelle dette sociale qui atteindrait, d’ici à 2028, près de 100 milliards d’euros » s’alarmaient les Sages de la rue Cambon.
Dès lors il apparaît urgent de trouver des solutions nouvelles de financement. D’autant plus que la France voit sa population vieillir, ce qui va peser davantage sur les dépenses de santé qui, dans le budget 2025, représentent 15 des 22,1 milliards d’euros de déficit.
Mutuelles, « taxe soda », « taxe lapin », cotisations patronales… que contient le texte final du budget de la sécurité sociale adopté par le Parlement ?

Santé, Politique, France – Monde
Publié le 18/02/2025 à 09:33 https://www.ladepeche.fr/2025/02/18/mutuelles-taxe-soda-taxe-lapin-cotisations-patronales-que-contient-le-texte-final-du-budget-de-la-securite-sociale-adopte-par-le-parlement-12520214.php
Depuis octobre, François Bayrou marche sur des œufs avec le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Il peut enfin souffler, le Sénat a adopté le texte en l’état. Voici ce qui change pour les Français.
Il avait eu raison du gouvernement Barnier… Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) qui avait valu une motion de censure au précédent Premier ministre a été adopté, ce lundi 17 février. Le Sénat a mis un terme à l’interminable projet de loi malgré son « caractère imparfait ».
Voici ce qu’il faut savoir des principaux points du texte, adopté à 225 voix sur les 348 sénateurs de la chambre haute.
Hausse des dépenses de santé
Le PLFSS prévoit une augmentation des dépenses de l’Assurance maladie, avec un objectif national de dépenses en hausse de 3,4 % en 2025, atteignant ainsi 265,9 milliards d’euros.
Cette progression dépasse les 2,8 % initialement envisagés par l’ex-Premier ministre Michel Barnier, en grande partie grâce à l’ajout d’un milliard d’euros destiné aux hôpitaux par le gouvernement Bayrou. Par ailleurs, l’exécutif a triplé le fond d’urgence pour les Ehpad, le faisant passer de 100 à 300 millions d’euros.
Pour parvenir à respecter le seuil de 3,4 %, l’Assurance maladie va devoir trouver 4,3 milliards d’euros d’économies.
Relèvement des cotisations patronales
L’ex-gouvernement Barnier voulait réduire globalement de 4 milliards d’euros les exonérations de cotisations patronales dont bénéficient les entreprises, pour les faire participer à l’effort de redressement des comptes. Le gouvernement Bayrou a finalement décidé que cette réduction ne serait que de 1,6 milliard d’euros.
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Débat sur la contribution des mutuelles
L’exécutif entend « récupérer » un milliard d’euros auprès des complémentaires santé dans un futur texte. Le gouvernement Bayrou estime qu’elles ont anticipé dans leurs tarifs 2025 des mesures qui n’ont pas eu lieu, ce que les complémentaires démentent.
La « taxe soda » s’alourdit
Destinée à limiter la quantité de sucres, le gouvernement alourdit la taxe soda et espère engranger 300 millions d’euros de recettes supplémentaires. Une hausse de la fiscalité sur les jeux et loteries en ligne est aussi à prévoir à partir du 1er juillet 2025. La hausse sur le sucre est elle attendue au 1er janvier 2026
En revanche, le gouvernement a renoncé à accélérer la hausse de la fiscalité du tabac qu’avait proposée le Sénat.
Plafonnement des indemnités journalières
Le gouvernement prévoit de baisser le plafond des indemnités journalières versées par l’Assurance maladie en cas d’arrêt de travail. L’indemnité (50 % du salaire journalier) serait plafonnée à 1,4 Smic, et non 1,8 comme aujourd’hui, pour un gain estimé à 400 millions d’euros.
Les dépenses de radiologie et des taxis conventionnés limitées
Un article très débattu vise à contraindre les représentants des radiologues et des taxis conventionnés pour le transport sanitaire à conclure des accords de « maîtrise des dépenses » avec l’Assurance maladie. Ces accords doivent fixer une trajectoire financière et des objectifs de répartition territoriale.
En l’absence d’accord permettant de faire 300 millions d’euros d’économies « sur les années 2025 à 2027 », l’Assurance maladie pourra imposer des baisses tarifaires. Un autre article modifie les règles de conventionnement des taxis. Si la mesure est adoptée, l’Assurance maladie pourrait à terme refuser certaines demandes de nouveau conventionnement, dans des zones où la densité de taxis effectuant du transport de malades est suffisante.
Vérifier la pertinence des prescriptions pour être remboursé
Pour prescrire certains actes, produits de santé particulièrement coûteux, ou bons de transport sanitaire, dont la liste sera définie par arrêté après « consultation » des professionnels et associations de patients, le médecin prescripteur devra remplir un formulaire permettant à l’Assurance maladie d’en vérifier la pertinence. Sans quoi il ne sera pas remboursé.
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Lutter contre les fraudes
Un article vise à faciliter les échanges d’informations entre l’Assurance maladie et les complémentaires santé, dans l’objectif de lutter plus efficacement contre la fraude.
Une carte vitale dématérialisée
Le texte dévoile la possibilité de dématérialiser sa carte vitale sur son smartphone, couplée à une authentification avec la carte nationale d’identité. Une application dédiée va être mise en place pour appliquer ce dispositif qui reste optionnel.
Taxe lapin
Le texte ouvre à la voie à des pénalités pour les patients qui n’honorent pas leurs rendez-vous avec un soignant. Déjà pratiquées par certains praticiens, critiquées par d’autres, les modalités concrètes et leurs applications sont renvoyées à un futur décret.
22 milliards d’euros de déficit
Le PLFSS initial prévoyait un déficit de 16 milliards d’euros. Mais avec le retard pris depuis la censure, l’abandon de certaines mesures (moindre revalorisation des retraites, baisse du taux de remboursement des médicaments et consultations…) et la dégradation des prévisions macro-économiques, le gouvernement prévoit désormais un déficit de la Sécurité sociale de 22,1 milliards euros fin 2025.
ENTRETIEN. Sécurité sociale : lutte contre les arrêts maladies, taxe lapin… « un objectif de pénalisation, pas digne d’un gouvernement du 21e siècle »
Publié le 25/02/2025 à 06:37 https://www.ladepeche.fr/2025/02/25/entretien-securite-sociale-lutte-contre-les-arrets-maladies-taxe-lapin-un-objectif-de-penalisation-pas-digne-dun-gouvernement-du-21e-siecle-12527157.php
Propos recueillis par Anne-Laure de Chalup
Le déficit de la Sécurité sociale pourrait s’élever à 24 milliards d’euros en 2028, mais pour l’économiste Jean-Paul Domin, il est impératif d’arrêter la chasse aux dépenses et d’adopter une vision plus globale du budget en France. Entretien.
La Dépêche du Midi : Avec un déficit de 24 milliards d’euros à l’horizon 2028 dans le budget de la Sécurité social, est-on dans une situation préoccupante ?
Jean-Paul Domin, professeur d’économie à l’université de Reims Champagne-Ardenne : Le gouvernement va raboter les dépenses de santé et plus largement, les dépenses de protection sociale (radiologie, biologie, transports sanitaires). On baisse également les indemnités journalières, on constate une poursuite des efforts sur les médicaments, donc c’est vrai qu’il y a toute une série de mesures préoccupantes en matière de financement de la santé.

Jean-Paul Domin, professeur d’économie à l’université de Reims Champagne-Ardenne. Photo J-P D.
Peut-on continuer à financer tout cela ou constate-t-on que le modèle arrive en fin de course ?
Il faut continuer à investir dans la santé, parce que l’alternative, ce serait de laisser une part croissante de la dépense au budget des ménages et des complémentaires santé. Pour ceux qui ont de l’argent, ce n’est pas un problème, mais pour ceux qui ont du mal à boucler les fins de mois, réduire les dépenses de santé, c’est problématique. D’autre part, tout faire reposer sur les complémentaires santé, ce n’est pas non plus la meilleure des solutions dans la mesure où tout le monde n’est pas couvert de la même façon…
Le gouvernement a-t-il fait les bons choix ?
Non, je ne crois pas. Il faut vraiment réfléchir à l’utilité des dépenses de santé. On sait très bien qu’une population en bonne santé, c’est une population qui produit mieux. Donc l’obstination à réduire les dépenses de santé, il faut la dépasser. Il faut trouver un modus vivendi sur cette question.
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On a beaucoup parlé de fraude, d’abus, notamment sur la question des arrêts maladie, pensez-vous que c’est un réel problème ?
La fraude, c’est l’argument massue des gouvernements depuis que le budget de la sécu existe. À chaque fois, on nous ressort les abus, les fraudes, il faut quand même admettre que tout cela reste marginal et que ce ne sont pas elles qui expliquent le trou de la Sécurité sociale.
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Par quoi s’explique-t-il ?
En fait, d’un côté, on vise à réduire les dépenses, de l’autre, les conditions sociales restent défavorables. Or on sait que des conditions sociales et économiques difficiles peuvent favoriser l’apparition de certaines pathologies. En clair, les dépenses de santé augmentent quand l’économie va mal.
Et cela s’aggrave ?
À mon avis oui, le chômage reste prégnant et ça explique une partie de la dépense croissante de santé. Ce n’est pas le seul élément mais ça y contribue.
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Quelles pistes envisager pour limiter ce « trou de la sécu »?
Je ne suis pas politique, mais peut-être que l’augmentation des prélèvements serait une solution. Il faudrait cibler l’augmentation vers les catégories de la population les moins défavorisées.
Que pensez-vous des nouvelles taxes comme la « taxe lapin » sur les rendez-vous médicaux non honorés ?
C’est un objectif de pénalisation, ce qui n’est pas digne d’un gouvernement du 21e siècle. Il faut réfléchir à la portée de toutes ces mesures… C’est du flicage en réalité. Les professionnels de santé sont devenus des suspects, ce sont eux qui participent à l’augmentation des dépenses de santé, je pense qu’il faut réfléchir autrement. On est vraiment sur une réflexion à la petite semaine, sans objectif.
Cancers professionnels : pourquoi c’est une « bombe » pour la Sécurité sociale

Publié le 25/02/2025 à 06:46 https://www.ladepeche.fr/2025/02/25/cancers-professionnels-pourquoi-cest-une-bombe-pour-la-securite-sociale-12526796.php
Les cancers professionnels et autres maladies du travail restent massivement sous-déclarés, faussant la répartition des coûts et aggravant le déficit de la Sécurité sociale.
Les dépenses de santé représentent 15 des 22,1 milliards d’euros de déficit dans le budget de la Sécurité sociale. Des dépenses qui pourraient bondir avec les cancers professionnels dont les statistiques sont sous-estimées, selon une enquête de l’Humanité.
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Chaque année, en effet, une part significative des accidents du travail et des maladies professionnelles demeure non déclarée. Cette défaillance, récurrente et documentée depuis plusieurs décennies, entraîne une déformation de la répartition des coûts et compromet la prévention des risques professionnels. En conséquence, un mécanisme de compensation a été instauré en 1997 : la branche AT-MP verse annuellement une somme à la branche maladie pour réajuster ce déséquilibre. En 2023 et 2024, cette compensation a atteint 1,2 milliard d’euros.
Toutefois, le rapport récent de la commission chargée d’évaluer ce phénomène dresse un constat alarmant : les recommandations de 2021 n’ont que très partiellement été mises en œuvre. La formation des médecins sur les enjeux des AT-MP reste insuffisante, les démarches de reconnaissance demeurent complexes et les victimes, mal informées, renoncent souvent à leurs droits. Par ailleurs, la traçabilité des expositions aux risques professionnels demeure lacunaire.
Le coût de la sous-déclaration atteint aujourd’hui un niveau sans précédent
L’estimation du coût de la sous-déclaration atteint aujourd’hui un niveau sans précédent : entre 2,009 et 3,797 milliards d’euros, soit une augmentation vertigineuse par rapport à 2021. Cette explosion s’explique en partie par une meilleure prise en compte des troubles musculo-squelettiques et des cancers professionnels, ainsi que par l’intégration, pour la première fois, de la souffrance psychique liée au travail.
Face à cette situation, la commission préconise un ensemble de mesures destinées à renforcer la détection et la reconnaissance des AT-MP : amélioration de la formation des médecins, simplification des procédures, renforcement des contrôles et modernisation des outils numériques. Sans une action volontariste, le système de protection sociale continuera de supporter un fardeau qui devrait, en toute logique, être assumé par les employeurs. L’enjeu est double : équilibre financier et justice sociale.