Une nouvelle étude scientifique qui dévoile l’impact néfaste des PFAS sur le placenta des femmes enceintes et sur le développement du fœtus.

POLLUANTS ÉTERNELS : LA FRANCE EMPOISONNÉE À PERPÉTUITÉ ENTRETIEN

« La réglementation des PFAS est une question de justice environnementale »

Alors que le Parlement a adopté jeudi 20 février une loi visant à limiter les polluants éternels, la chercheuse Claire Philippat revient sur une nouvelle étude scientifique qui dévoile l’impact néfaste des PFAS sur le placenta des femmes enceintes et sur le développement du fœtus.

Mickaël Correia

20 février 2025 à 18h13 https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/200225/la-reglementation-des-pfas-est-une-question-de-justice-environnementale?utm_source=quotidienne-20250220-195548&utm_medium=email&utm_campaign=QUOTIDIENNE&utm_content=&utm_term=&xtor=EREC-83-[QUOTIDIENNE]-quotidienne-20250220-195548&M_BT=115359655566

 

UnUn premier pas vers la fin des polluants éternels. Jeudi 20 février, l’Assemblée a approuvé définitivement une proposition de loi portée par les élu·es écologistes « visant à protéger la population des risques liés aux substances per- et polyfluoroalkylées », plus connus sous l’acronyme PFAS.

Ces polluants éternels sont utilisés par les industriels pour leurs propriétés imperméabilisantes, ignifuges (qui rend ininflammable) ou encore anti-adhérentes. En conséquence, ces composés chimiques se retrouvent dans nombre d’objets du quotidien : textiles, emballages alimentaires, cosmétiques, revêtement anti-adhésif des poêles, etc. Leur présence est détectée jusque dans l’eau potable, l’alimentation, l’air ou les sols.

La loi interdira à partir du 1er janvier 2026 les cosmétiques, certains textiles d’habillement et les enduits pour les skis (les farts) contenant des PFAS. À partir de 2030, ces substances toxiques seront prohibées dans tous les produits textiles.

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Lors d’un rassemblement pour inciter les députés à voter une loi interdisant les PFAS à Lyon, le 16 février 2025.  © Photo Elsa Biyick / Hans Lucas via AFP

Le principe « pollueur payeur » est également inscrit dans le texte, afin de faire porter le coût de la dépollution des PFAS aux industriels. Seuls les ustensiles de cuisine ne sont pas concernés par l’interdiction des polluants éternels, suite à l’intense lobbying du groupe Seb.

Les effets néfastes des PFAS sur la santé humaine commencent par ailleurs à être de plus en plus documentés dans la littérature scientifique. Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), ces polluants peuvent être cancérigènes, agir comme des perturbateurs endocriniens ou encore avoir des effets sur l’augmentation du taux de cholestérol, la fertilité et le développement du fœtus, sur le foie ou sur les reins.

Publiée le 30 janvier dans dans la revue Environment International, une nouvelle étude dévoile l’impact néfaste des PFAS sur le placenta pendant la grossesse.

Cet organe en charge des échanges entre le sang de la mère et celui du fœtus serait altéré par la présence de certains PFAS, entraînant des risques de complications pendant la grossesse et des conséquences délétères pour le développement du fœtus. Claire Philippat, chercheuse Inserm (Institut pour l’avancée des biosciences de Grenoble), qui a coordonné ces travaux pionniers mettant en lumière de nouveaux effets des PFAS sur notre santé, répond aux questions de Mediapart.

Mediapart : La littérature scientifique regorge d’études qui associent les PFAS à des effets délétères pour la mère et l’enfant. Quels sont les risques déjà identifiés par la recherche ?

Claire Philippat : L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a qualifié un PFAS, le PFOA ou acide perfluorooctanoïque, de cancérogène pour l’humain. Il existe aussi des études qui suggèrent que les PFAS ont des effets immunodépresseurs, c’est-à-dire que ces substances affectent le système immunitaire, la première ligne de défense de notre organisme.

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Claire Philippat.  © Photo DR

Durant la période prénatale, des méta-analyses (c’est-à-dire des synthèses d’études existantes sur un sujet donné) ont montré que l’exposition aux PFAS pourrait affecter le poids de naissance des nouveau-nés, un marqueur important du développement de l’enfant plus tard.

Enfin, concernant les femmes enceintes, des études ont révélé que les PFAS augmentent le risque de prééclampsie et d’hypertension artérielle.

Pour cette étude coordonnée par l’Inserm et le CHU de Grenoble (Isère), pourquoi avoir étudié spécifiquement le placenta ?

Le placenta est un organe clé de la grossesse, responsable des échanges de nutriments, d’oxygène et de déchets entre la mère et le fœtus. Le placenta est donc essentiel pour le développement du fœtus, et pour la mère, s’il est mal implanté, il y aurait un risque de prééclampsie. 

Nous avons pris pour point de départ de nos recherches plusieurs hypothèses issues d’études chez des rongeurs, qui montraient des variations du poids du placenta et des anomalies morphologiques du placenta en lien avec l’exposition aux PFAS. Des études in vitro effectuées sur des cellules ont par ailleurs indiqué que les PFAS peuvent affecter l’expression des gènes impliqués dans la formation des vaisseaux sanguins et donc potentiellement dans la vascularisation du placenta.

Quelles sont les conséquences que vous avez découvertes ?

Nous nous sommes basés sur l’analyse de la concentration de 26 PFAS dans le sang de 367 femmes enceintes que nous avons suivies dans la région de Grenoble, la cohorte Sepages. Sur ces 26 PFAS, 13 ont été quantifiés dans assez d’échantillons de sang. Parmi ces treize, 5 étaient présents chez 100 % des femmes.

Quand nous avons étudié les PFAS un par un, nous avons découvert que ces composés affectent les villosités placentaires, qui sont les structures qui assurent les échanges entre le sang maternel et le sang du fœtus. Cela pourrait entraîner une baisse des apports en oxygène et en nutriments du fœtus, et donc des retards de croissance.

Enfin, chez les femmes présentant les concentrations les plus élevées des différents PFAS, nos analyses indiquent que le poids de leur placenta est réduit, ce qui pourrait affecter le développement du fœtus.

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Quels sont les autres apports de cette étude ?

Tout d’abord, le nombre de PFAS étudiés. Les précédents travaux, réalisés au Danemark, se penchaient sur deux PFAS et ici nous avons mené nos recherche sur treize d’entre eux, étudiés individuellement ou en mélange.

De plus, cette étude antérieure utilisait comme unique marqueur le poids du placenta, une donnée aisée à obtenir en salle d’accouchement. Nous avons pour la première fois mobilisé des marqueurs histologiques (à l’échelle microscopique des tissus placentaires) qui sont beaucoup plus fins pour comprendre la structure du placenta.

À l’avenir, l’équipe scientifique souhaiterait reproduire cette étude à l’échelle nationale, pour solidifier statistiquement ces résultats, mais aussi pour prendre en considération l’impact des PFAS sur les maladies rares, ce que ne permet pas la cohorte grenobloise.

L’Assemblée a voté jeudi 20 février l’interdiction des PFAS, notamment dans les cosmétiques ou certains textiles. Pensez-vous que l’ambition de ce texte est suffisante pour protéger la santé des femmes et de leurs enfants durant la grossesse ? 

Au niveau individuel, dans la vie courante, il est très difficile d’identifier les sources d’exposition aux PFAS et de s’en protéger, tellement ces dernières sont diverses : eau, alimentation, vêtements, peintures, cosmétiques…

La protection des populations passe donc plutôt par la réglementation des sources d’exposition aux PFAS, qui a l’avantage d’être plus juste car cela touche l’ensemble de la population. C’est une question de justice environnementale.

Mickaël Correia

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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