La hausse de l’espérance de vie ralentit en Europe depuis 2011
19 Février 2025
Si les pays scandinaves ont réussi à maintenir le même rythme d’augmentation de l’espérance de vie, tel n’est pas le cas des pays d’Europe du Sud et du Royaume-Uni.
Depuis les années 1990, une controverse divise les démographes. Y-a-t-il une limite à la hausse de l’espérance de vie ? L’espérance de vie a, on le sait, fortement augmenté dans le monde tout au long du XXème siècle, avant tout grâce au développement des vaccins et des antibiotiques et à une meilleure hygiène, puis par une meilleure prise en charge des maladies chroniques et des cancers. Mais dans les pays les plus riches de la planète, où l’espérance de vie à la naissance avoisine désormais les 80 ans, cette hausse se ralentit ces dernières années, comme le montre une nouvelle étude publiée ce mardi dans The Lancet.
https://www.thelancet.com/pdfs/journals/lanpub/PIIS2468-2667(25)00009-X.pdf
Les auteurs de l’étude se sont basés sur les données du Global Burden of Disease (GBD), vaste programme de recherche analysant la mortalité et la morbidité dans le monde. Ils ont ainsi étudié l’évolution de l’espérance de vie entre 1990 et 2021 dans 16 pays européens et dans les quatre nations britanniques.
Tous ces pays ou nations ont connu une hausse annuelle de leur espérance de vie entre 1990 et 2011 de 0,23 an en moyenne, avec des variations allant de + 0,3 an pour le Portugal à + 0,16 an pour la Grèce en passant par + 0,22 an pour la France. Mais tous ces pays présentent un ralentissement de la hausse de l’espérance de vie entre 2011 et 2019, à l’exception de la Norvège, où l’espérance de vie a augmenté de 0,21 an par an entre 1990 et 2011 et de 0,23 an entre 2011 et 2019. L’Angleterre a connu le plus fort ralentissement, puisque l’espérance de vie y a augmenté de 3 mois par an entre 1990 et 2011 et a quasiment stagné (+ 0,07 an par an) entre 2011 et 2019.
L’espérance de vie n’a pas encore atteint un plafond
Dix pays sur 16 et les nations britanniques ont ensuite connu une baisse de leur espérance de vie entre 2019 et 2021, due à une mortalité élevée durant la pandémie de Covid-19. Seuls l’Irlande, l’Islande, la Suède, la Norvège et le Danemark ont continué à voir l’espérance de vie augmenter durant la pandémie tandis qu’elle a stagné en Belgique.
Est-ce à dire que certains pays européens s’approchent d’un plafond de l’espérance de vie ? Non, estime le Pr Nicholas Steel, spécialiste en santé publique à l’université d’East Anglia en Angleterre et principal auteur de l’étude. « L’espérance de vie pour les plus âgés continue à s’améliorer dans bien des pays » explique-t-il. « L’espérance de vie moyenne reflète principalement la mortalité aux âges les plus jeunes, où nous disposons d’une grande marge de manœuvre pour réduire les risques et prévenir les décès précoces ».
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Les auteurs de l’étude observent ainsi que la hausse de l’espérance de vie dans les années 1990 et 2000 était principalement liée, dans les pays européens étudiés, à une baisse de la mortalité liée aux maladies cardiovasculaires et aux cancers. Cette baisse de la mortalité s’est ensuite ralentie dans les années 2010 dans la plupart des pays européens, à l’exception des pays scandinaves.
L’Europe doit s’inspirer des nations scandinaves
Ces différences s’expliqueraient notamment par des variations dans l’exposition des populations européennes à certains facteurs de risques de cancer et de maladies cardiovasculaires. Ainsi, si le tabagisme a diminué depuis 1990 dans l’intégralité des pays concernés, d’autres facteurs de risque comme l’obésité, l’hypertension artérielle ou l’hypercholestérolémie ont vu leur prévalence fortement augmenter durant cette période.
En comparant par exemple les situations de la Suède et du Royaume-Uni, les auteurs de l’étude constatent que le royaume scandinave a mieux su juguler la hausse de l’incidence de l’obésité et de l’exposition aux risques cardiovasculaires en général, expliquant ses meilleurs résultats en matière d’espérance de vie. A l’inverse, le Royaume-Uni a « connu les pires difficultés après 2011 et pendant la pandémie de Covid, ainsi que certains des risques les plus élevés de maladies cardiaques et de cancer, notamment en raison d’une mauvaise alimentation » commente le Pr Steel.
Les auteurs de l’étude appellent donc les pays européens à s’inspirer des politiques de santé publique mises en place dans les pays scandinaves en matière de lutte contre l’obésité, de dépistage des cancers, d’alimentation et d’incitation au sport. Des politiques qui permettent d’augmenter l’espérance de vie sur le long terme mais également de mieux résister aux crises : les pays qui ont su le mieux maintenir l’augmentation de l’espérance de vie dans les années 2010 sont aussi ceux qui ont le mieux résisté à la pandémie de Covid-19.
Quentin Haroche

