Le PLFSS : le 49.3 à nouveau activé sur fond de crise politique
par Capucine Bordet
4 février 2025 https://www.vivamagazine.fr/le-plfss-le-49-3-a-nouveau-active-sur-fond-de-crise-politique/

En décembre dernier, le passage en force par Michel Barnier du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 avait signé la fin de son gouvernement. Lundi 3 février 2025, le Premier ministre François Bayrou a de nouveau fait adopter le texte sans vote.
« Une histoire particulièrement difficile, complexe, tourmentée. » A la tribune de l’Assemblée nationale, ce lundi 4 février, le Premier ministre retrace le parcours du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. Quelques semaines plus tôt, en décembre dernier, l’examen de ce même texte s’était soldé par le chute du gouvernement de son prédécesseur, Michel Barnier.
Toujours pas de majorité
Si la copie du PLFSS pour 2025 a été légèrement revue par rapport à l’originale, elle ne remporte toujours pas de majorité. François Bayrou a donc décidé de recourir au troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution, pour faire passer le texte de loi.
Le compte n’y est toujours pas pour les usagers de la santé.France Assos Santé
Hormis une légère hausse de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) – le montant maximum fixé pour les soins de ville et d’hospitalisation qui augmente de 3,3 % au lieu de 2,8 % –, le projet affiche toujours autant d’austérité et de manque de financement selon les spécialistes du secteur. « Le compte n’y est toujours pas pour les usagers de la santé », déplore France Assos Santé, association de représentation des patients.
Hausse des dépenses de santé
De leur côté, les organismes mutualistes regrettent la baisse continue de la prise en charge de la Sécurité sociale. Et donc l’augmentation directe des dépenses revenant aux complémentaires santé. Dans différentes communications publiées récemment, la Mutualité Française évoque ces transferts de charges de la Sécurité sociale vers les mutuelles, opérés depuis l’instauration du « Reste à charge zéro » (RAC O). « Les remboursements sur les secteurs dentaire, optique, audiologie continuent de progresser. » Or, « rappelons que les mutuelles sont des organismes à but non lucratif qui ont des résultats économiques chaque année à peine à l’équilibre ». De ce fait, la principale fédération explique la nécessité de répercuter ces sommes sur les cotisations des adhérents, et donc d’augmenter de ce fait les dépenses de santé des ménages.
A suivre…
Après ce recours au 49.3 à l’Assemblée, le texte va maintenant être examiné par le Sénat. Et sur le plan politique, deux motions de censure contre le gouvernement ont été déposées après ce passage en force du gouvernement de François Bayrou. Le feuilleton du PLFSS est donc loin d’être terminé.
PLFSS 2025 : Le compte n’y est pas pour les usagers
29 JANVIER 2025 https://www.france-assos-sante.org/bon_mauvais_point/plfss-2025-le-compte-ny-est-pas-pour-les-usagers/
Si la hausse du ticket modérateur sur les consultations médicales, un temps annoncé, a été finalement abandonnée dans le cadre du budget de la Sécurité sociale, le compte n’y est toujours pas pour les usagers de la santé.
En effet, les complémentaires santé qui avaient anticipé cette hausse des dépenses, l’ont mécaniquement reportée sur le montant des cotisations. Et voici maintenant que le gouvernement décide de récupérer cette augmentation – payée par les usagers pour rappel – sous la forme d’une hausse des taxes des complémentaires. Résultat, ces dernières annoncent déjà que cela se traduirait par de nouvelles hausses de cotisations. Conclusion ? Les usagers sont les dindons de la farce !
Concernant l’accès aux soins, le Sénat a remis sur la table la « taxe lapin » consistant à faire payer les usagers qui n’honorent pas leur rendez-vous médical. France Assos Santé a exprimé son opposition à cette pénalité. Nous rappelons que le nombre de rendez-vous non honorés est inférieur à 4 %, selon le syndicat MG France et les données de Doctolib, ce qui correspond à une minorité de situations et renvoie aux aléas classiques : problème familial, de transports, patients à l’état de santé mentale dégradé, etc. Cette taxe est très mal venue dans un contexte où les patients ne parviennent pas, pour certains, à trouver un médecin traitant et va juste réussir à crisper une relation de soins déjà inflammable dans un contexte de pénurie médicale ! Si des mesures doivent être prises pour éviter au maximum les rendez-vous non honorés, celles-ci doivent être organisationnelles et éducatives, et non punitives.
France Assos Santé soutient les mesures permettant véritablement d’améliorer la pertinence et la qualité des soins. Problème, le PLFSS prévoit des mesures qui au final pénaliseront encore une fois les patients. L’article 16 qui prévoit l’ajout d’un formulaire pour certaines prescriptions particulièrement couteuses, n’envisage en réalité aucune responsabilisation du prescripteur, puisqu’en cas d’absence du remplissage du formulaire et de la consultation du dossier médical partagé par le prescripteur, la seule conséquence sera le non-remboursement pour le patient, alors même que rien n’indique que les indications ne sont pas remplies. Ce sont les prescripteurs qui doivent être responsabilisés, et non les patients pénalisés.
France Assos Santé propose des amendements pour des mesures plus justes permettant d’améliorer l’accès aux soins et d’agir réellement sur la pertinence et la qualité des soins.
Enfin, si France Assos Santé est favorable aux mesures qui permettent de préserver les comptes de l’Assurance maladie, elles ne doivent pas se faire à n’importe quel prix. Si nous soutenons le recours aux médicaments biosimilaires, nous nous opposons aux dispositions de l’article 19 ter introduites en novembre par les sénateurs, qui réduit le délai accordé aux pharmaciens d’officine pour procéder à une substitution. Mesure qui s’oppose aux recommandatio
ns de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) : la substitution en pharmacie d’officine doit être progressive, contrôlée et sous conditions stricte « afin de garantir la sécurité de dispensation et d’utilisation des médicaments biologiques, l’adhésion des patients et de l’ensemble des professionnels de santé ».
PLFSS 2025 : vers une explosion du déficit
Quentin Haroche | 03 Février 2025 https://www.jim.fr/viewarticle/plfss-2025-explosion-du-déficit-2025a10002n5?ecd=wnl_all_250204_jim_daily-pharma_etid7203173&uac=368069PV&impID=7203173&sso=true
Dans le cadre du PLFSS, le gouvernement table sur un déficit de la Sécurité Sociale d’environ 23 milliards d’euros pour l’année 2025. Du jamais vu, hors période Covid, depuis 2010.
La politique consiste souvent à utiliser des formules pour tenter de masquer la réalité. Dans une interview accordée à nos confrères du Parisien publiée ce samedi, la ministre de la Santé Catherine Vautrin évoque ainsi, à propos de l’élaboration du projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2025, « un cumul d’efforts qui permet la réduction significative du déficit ».
Et ce alors même qu’elle reconnait, dans la même interview, que le déficit de la Sécurité Sociale, qui devait être porté à 16 milliards d’euros en 2025 selon les projections du précédent gouvernement de Michel Barnier, se chiffrera finalement à… 23 milliards d’euros. « Sans budget voté, il atteindrait 30 milliards d’euros » précise la ministre, comme pour se convaincre elle-même qu’augmenter le déficit de 7 milliards d’euros constitue une victoire.
Cette explosion du déficit s’explique par les nombreuses concessions budgétaires que le Premier Ministre François Bayrou a fait à la gauche et à l’extrême-droite depuis son arrivée au pouvoir, dans l’espoir, dans une situation politique inédite et instable, de réussir à tenir plus longtemps que son prédécesseur. Finie l’austérité (toute relative) de Michel Barnier, le maire de Pau a délié les cordons de la bourse.
Beaucoup de nouvelles dépenses et peu d’économies
« Les socialistes ont été entendus » explique ainsi Catherine Vautrin. « Nous avons ajouté un milliard d’euros pour les hôpitaux et supprimé les tickets modérateurs notamment sur les consultations médicales, pour un coût de 400 millions d’euros. Sur les Ehpad, nous proposons de tripler le fonds d’urgence voté à l’initiative du Sénat, en le passant de 100 millions à 300 millions d’euros ». Au total, la hausse de l’Ondam, qui n’était que de 2,8 % dans le précédent PLFSS proposé par Michel Barnier (et qui avait été rejeté par l’Assemblée Nationale, provoquant sa chute), sera finalement de 3,3 %.
En contrepartie, les mesures prises pour réduire le déficit sont plus bien modestes. Le PLFSS prévoit ainsi de renforcer la lutte contre la fraude en accélérant la dématérialisation de la carte Vitale. Le gouvernement souhaite également diminuer les dépenses sur les transports sanitaires, en favorisant le transport partagé.
Dans un texte annexe, le gouvernement prévoit également de créer une taxe d’un milliard d’euros sur les complémentaires santé et les mutuelles. En effet, comme l’explique Catherine Vautrin, ces dernières ont augmenté leur tarif en prévision de la hausse du ticket modérateur annoncée par Michel Barnier, qui n’aura finalement pas lieu. « On ne touche pas aux tickets modérateurs, donc on va récupérer l’argent » explique la ministre.
Sur un sujet non purement budgétaire, la ministre de la Santé a également abordé un véritable marronnier des questions de santé en France : la taxe lapin. « Cette taxe sera bien conservée, c’est une question de responsabilité » explique la ministre. « C’est un vrai problème, à la fois sur le plan économique et en termes d’accès aux soins : un rendez-vous non honoré, c’est une perte de chance pour un autre patient ».
« Les prochains jours seront décisifs »
Si l’idée de sanctionner les patients indélicats qui n’honorent pas leur rendez-vous sans prévenir et sans raison valable est plutôt populaire chez les médecins, c’est l’application d’une telle sanction qui pose problème. Plusieurs questions entourant cette mesure restent en effet irrésolues. Comment et qui doit déterminer que le patient n’avait pas de raison valable de ne pas honorer son rendez-vous ? Comment prélever la sanction financière ? A qui doit être versée cette somme ?
En novembre dernier, lors de l’examen du PLFSS, les sénateurs avaient voté en faveur de l’instauration d’une pénalité financière fixée par décret pour les auteurs de lapin, sans plus de précision. En commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale ce mercredi, les députés ont instauré un dispositif permettant aux médecins d’ « exiger le paiement d’une pénalité » lorsqu’un patient « ne se présente pas à une consultation ».
Pour échapper à la sanction, ce dernier devrait alors prouver l’existence d’un « motif légitime d’ordre personnel, familial ou professionnel ». Mais puisque la commission a finalement rejeté le PLFSS, cette nouvelle mouture de la taxe lapin restera lettre morte.
L’examen du PLFSS 2025 débutera (ou plutôt recommencera) en séance publique à l’Assemblée Nationale ce lundi. Mais ce texte est dépendant de l’avenir d’un autre budget, celui de l’Etat. François Bayrou a en effet indiqué qu’il déclencherait ce lundi la procédure de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire adopter la loi de finances. Une motion de censure sera donc examinée, vraisemblablement ce mercredi et le gouvernement n’est absolument pas certain d’y réchapper. « Les prochains jours seront décisifs » résume Catherine Vautrin.