Appliquer systématiquement le principe de précaution à l’utilisation des PFAS devient une nécessité compte tenu des maladies qu’elles provoquent.

Europe : « La proposition de restriction universelle des PFAS permettrait de stopper toute contamination »

Tribune

Émeline Baume,première vice-présidente de la Métropole de LyonFilip Watteeuwadjoint au maire de la ville de Gand

Appliquer systématiquement le principe de précaution à l’utilisation des PFAS devient une nécessité compte tenu des maladies qu’elles provoquent, et c’est à l’UE d’assurer leur restriction, rappelle dans une tribune au « Monde », Emeline Baume et Filip Watteeuw, élus de la Métropole de Lyon et de la ville de Gand

Publié le 17 janvier 2025 à 13h00  https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/01/17/europe-la-proposition-de-restriction-universelle-des-pfas-permettrait-de-stopper-toute-contamination_6502748_3232.html

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Nous y sommes, les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) ne sont plus une menace, elles sont un passif que nous ne sommes plus en capacité de maîtriser. Ces molécules chimiques utilisées par l’industrie pour leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes, thermiques ou électromagnétiques sont responsables d’une pollution généralisée de nos sols et de notre eau qui devient chaque jour plus préoccupante.

Le Forever Pollution Project a mis en lumière en février 2023 l’étendue insoupçonnée de cette pollution. Ses effets à long terme sur la santé humaine et l’environnement, dont nous commençons juste à entrevoir l’ampleur et les coûts associés, ne peuvent plus être ignorés. C’est pourquoi nous, collectivités locales, appelons l’Union européenne (UE) à légiférer afin, de stopper la production et l’utilisation de ces molécules qui engendrent des pollutions inévitables tout au long de leur cycle de vie, tant lors de leur production que lors de leur utilisation ou lors des tentatives de gestion des déchets contaminés.

L’UE doit également agir pour que le coût de la pollution soit supporté par ceux qui en sont responsables, plutôt que par les contribuables, et accompagner autant les salariés exposés que la filière européenne de la chimie dans sa transformation. La connaissance scientifique encore partielle en raison du grand nombre de PFAS existants se renforce rapidement, et ses conclusions sont sans appel. Leurs liens avec une série de pathologies graves sont désormais bien documentés (cancers des testicules et du rein, affections du foie, maladies thyroïdiennes), et les scientifiques suspectent ces « polluants éternels » d’être en cause dans le développement d’autres affections telles que le cancer du sein, le diabète, l’endométriose ou la puberté précoce.

Des enjeux de pollution transfrontaliers et transnationaux

Jour après jour, molécule après molécule, les preuves de dangerosité s’accumulent, poussant les scientifiques à nous alerter sur le fait que ces composés hypothèquent la capacité de l’espèce humaine et des autres espèces vivantes à vivre en bonne santé et à se reproduire. Ces impacts sur la santé génèrent des coûts médicaux qui, bien que difficiles à quantifier précisément, sont considérables pour la société. Chaque décès prématuré, chaque soin nécessaire pour traiter les maladies chroniques, mais aussi les coûts indirects liés à la perte de productivité, à la perte de bien-être et de biodiversité pèsent sur nos systèmes de santé et sur nos économies.

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Des mesures fortes doivent donc être prises rapidement pour stopper la diffusion des PFAS. Si une grande ambition a été définie au niveau européen lors des cinq dernières années – pacte vert, stratégie européenne sur les produits chimiques, plan d’action zéro pollution – force est de constater que la réglementation demeure parcellaire, voire incohérente. L’approche réglementaire centrée sur une évaluation molécule par molécule ne convient pas pour appréhender le problème dans sa globalité, le principe de précaution étant souvent ignoré.

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Ainsi, de nombreux usages des PFAS échappent à la réglementation, les fabricants pouvant substituer des substances dangereuses par d’autres potentiellement aussi problématiques mais dont l’utilisation n’est pas encore réglementée faute d’études suffisantes. Les réglementations actuelles, bien que plus ambitieuses que ce qui se fait ailleurs dans le monde, sont donc fréquemment appliquées de manière inefficace, et le manque d’harmonisation entre les Etats européens pénalise l’action sur des enjeux de pollution souvent transfrontaliers et transnationaux.

L’action européenne doit être à la hauteur de l’enjeu

La nouvelle mandature européenne offre donc des occasions significatives pour améliorer la législation. La révision du règlement Reach doit permettre une mise en œuvre plus efficiente et, nous l’espérons, une application systématique du principe de précaution. La proposition de restriction universelle des PFAS portée par plusieurs pays européens permettrait de stopper la mise sur le marché et la circulation des PFAS, prévenant ainsi toute nouvelle contamination.

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Aujourd’hui, le Forever Pollution Project vient mettre en lumière le coût immense des PFAS pour les collectivités locales en particulier. Car ce sont elles qui, bien souvent, assurent la distribution de l’eau potable, gèrent l’assainissement, les déchets, la planification urbaine ou la protection des populations vulnérables. Elles doivent faire face à cette pollution alors qu’elles disposent rarement de ressources techniques ou financières nécessaires pour cela.
Pour le seul traitement de l’eau potable, elles vont rapidement faire face à un mur d’investissement pour mettre en œuvre des mesures de filtration complexes aux coûts prohibitifs. Devront-elles reporter ces surcoûts sur leurs factures d’eau et faire payer le contribuable pour une pollution dont il n’est pas responsable ?

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Il est essentiel de réglementer les PFAS, de restreindre leur utilisation au niveau européen et mondial et d’accompagner la transformation de la filière. C’est un préalable obligatoire aux questions du traitement des pollutions, qui ne régleront qu’une petite partie du problème, pour un coût élevé. Responsabiliser producteurs et utilisateurs de PFAS avec un dispositif d’application du principe de responsabilité élargie des producteurs est incontournable.

Ainsi, nous appelons l’Union européenne à :

– restreindre massivement l’utilisation des PFAS au travers d’une approche systémique, couvrant l’ensemble des productions et des usages, et appliquer rigoureusement le principe de précaution ;
– assurer une mise en œuvre stricte et entière du principe du pollueur-payeur, en garantissant que les responsables des pollutions localisées en assument financièrement les conséquences, même si certaines substances n’étaient pas réglementées au moment de leur mise sur le marché ;
– mettre en place une responsabilité élargie des producteurs applicable aux PFAS pour répondre à la problématique de la pollution diffuse.

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La santé publique, la préservation de notre environnement et l’équité sociale en dépendent. L’action européenne doit être à la hauteur de l’enjeu.

Les signataires Emeline Baume, première vice-présidente de la Métropole de Lyon, chargé de l’économie, de l’emploi, du commerce, du numérique et de la commande publique ; Filip Watteeuw, adjoint au maire de la ville de Gand (Belgique) chargé de l’environnement, du climat et du logement.

Émeline Baume, (première vice-présidente de la Métropole de Lyon) et  Filip Watteeuw (adjoint au maire de la ville de Gand)

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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