Le Parti populaire européen souhaite réviser une série de législations climatiques et environnementales

Le plan de la droite européenne pour défaire le Pacte vert

Dans une note interne, obtenue par Mediapart, le Parti populaire européen souhaite réviser une série de législations climatiques et environnementales. Des ONG et députés craignent que la stratégie d’alliance avec l’extrême droite, défendue par une partie du PPE, n’aboutisse à une mise au rebut du Pacte vert européen.

Cédric Vallet

9 décembre 2024 à 17h17 https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/091224/le-plan-de-la-droite-europeenne-pour-defaire-le-pacte-vert

LeLe  Pacte vert (ou Green Deal) européen sera-t-il détricoté fil par fil jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien ? C’est ce que craignent des associations de protection de l’environnement à la lecture d’un brouillon de note interne du Parti populaire européen (PPE), le groupe de droite au Parlement européen et première formation de l’hémicycle. « C’est une attaque en règle contre le Pacte vert et contre l’acquis environnemental », déplore Faustine Bas-Defossez, de l’ONG Bureau environnemental européen, au sujet de ce document, que Mediapart a pu se procurer, et auquel Contexte a aussi eu accès.

Dans cette ébauche de note, le PPE liste les initiatives que le parti aimerait voir inscrites au programme de travail de la Commission européenne en 2025. Ce document s’inscrit dans un échange informel entre commissaires PPE et député·es du groupe, pour tâter le terrain au Parlement, avant le lancement d’initiatives concrètes par la Commission. « Ce type de dialogue existe dans tous les groupes politiques », veut assurer une source européenne.

Dans ce document, la droite érige l’asile et les migrations au rang de priorité, proposant par exemple un renforcement considérable de Frontex. Elle évoque aussi l’État de droit. Mais c’est surtout le climat et l’environnement qui sont ciblés. Le PPE veut remettre en cause plusieurs directives et règlements adoptés lors de la précédente législature.

Extrait de la note interne du Parti populaire européen (PPE). 

Pour Marie Toussaint, eurodéputée Verts, la note interne du PPE est une « feuille de route de la régression environnementale, où le PPE s’inscrit dans une logique de guerre revancharde ». Une inquiétude que partage en partie Pascal Canfin, député macroniste du groupe centriste Renew : « Cela traduit la poussée anti-Green Deal du groupe PPE. Si on met bout à bout ces propositions de réformes, alors c’est un abandon pur et simple de l’objectif de neutralité climatique que propose le PPE. »

Des majorités avec l’extrême droite

Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, elle-même issue du PPE, a pourtant assuré à plusieurs reprises que le Pacte vert serait toujours au cœur des politiques européennes, bien qu’ancré désormais dans une logique de « compétitivité » et de soutien à l’industrie.

Ce faisant, elle s’assurait le soutien des centristes de Renew Europe et d’une majorité de Socialistes et démocrates (S&D). De leur côté, des parlementaires du PPE, sous l’impulsion de l’Allemand Manfred Weber, n’ont cessé de remettre en cause certaines dispositions législatives emblématiques du Green Deal.

Toutes les digues ont sauté. On assiste à un jeu de massacre.

Marie Toussaint, eurodéputée écologiste

Manfred Weber peut brandir une menace : sur chaque texte, ses député·es peuvent faire basculer les majorités en s’associant avec les groupes d’extrême droite. C’est d’ailleurs ce qui fut fait le 14 novembre dernier, lors d’un vote sur la directive contre la déforestation importée, dont l’objectif est d’interdire la mise sur le marché de certains produits issus de la déforestation. L’application de ce texte clé du Green Deal a été reportée d’un an sur proposition de la Commission européenne.

Pour entériner la décision, un vote du Conseil, donc des États membres, et du Parlement était nécessaire. Le PPE s’est glissé dans l’interstice pour lancer une offensive à coups d’amendements, votés avec l’appui de l’extrême droite, afin d’affaiblir la portée de la directive. Les amendements ont ensuite été rejetés lors des négociations avec le Conseil. Mais le PPE avait annoncé la couleur : à chaque fois qu’un texte « vert » sera révisé ou proposé, cette alliance pourra faire vaciller l’édifice du droit climatique européen. « Toutes les digues ont sauté, dénonce Marie Toussaint, eurodéputée écologiste. Les artisans du backlash [ou retour de bâton] sont à pied d’œuvre. On assiste à un jeu de massacre. » 

Assouplir les règles

Que dit la note du PPE ? En premier lieu, ce sont les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2040 qui sont visés. La Commission propose de les réduire de 90 % par rapport à leur niveau de 1990. Pour la droite européenne, il faudra définir l’objectif en prenant en compte les « impacts de ces réductions sur les entreprises, l’économie, le social ».

Le président du Parti populaire européen (PPE), Manfred Weber, avec Ursula von der Leyen au Parlement européen, le 27 novembre 2024 à Strasbourg.  © Photo Frederick Florin / AFP

Des sources du Parlement craignent que cette demande, si elle était suivie, n’aboutisse à l’adoption d’une cible mouvante, presque facultative, dont on pourrait revoir l’ambition à la baisse en fonction de la santé économique de l’industrie. 

Le PPE liste ensuite ses desiderata. La fin des moteurs thermiques en 2035 est une cible majeure. Le PPE se dit favorable à une approche « technologiquement neutre » qui ferait la part belle aux carburants de synthèse. La révision de l’objectif de neutralité carbone des véhicules, clairement mentionnée dans la note, ouvrirait la voie à des « e-fuels » davantage émetteurs de CO2que les voitures électriques, comme le rappelait encore récemment Transport & Environnement. Le PPE mentionne par ailleurs les « biocarburants », qui sont eux-mêmes émetteurs de CO2 et au cœur d’innombrables polémiques.

Le PPE réclame la révision rapide de la directive sur les émissions industrielles et d’élevage, pourtant votée dans la douleur en mars 2024.

La droite européenne est pressée. Elle souhaite la réouverture urgente de textes comme la directive sur le système d’échange de quotas de CO2, qui doit pourtant être revue en 2026. Il s’agirait d’assouplir les règles qui permettent, sous certaines conditions, d’octroyer gratuitement des droits d’émissions de CO2 aux entreprises qui captent, stockent ou réutilisent le CO2 émis.

Le PPE voudrait ensuite que cette directive intègre la notion controversée d’« émissions négatives ». En l’introduisant, on exempterait les industries du paiement de « droits à polluer » si celles-ci s’engagent à retirer du CO2 de l’atmosphère ou à financer des projets d’absorption du CO2 dans des puits de carbone, en plantant des arbres par exemple. Ce que craignent les défenseurs de l’environnement, c’est que ces compensations offrent un blanc-seing aux industries qui ne seraient plus vraiment pressées de réduire leurs émissions sur site, sans garantie réelle quant à l’efficacité des mesures de retrait de CO2« Le risque est de mettre en cause la trajectoire de réduction des émissions », craint une source européenne.

D’autres propositions visent à encourager la production d’hydrogène à partir d’énergie nucléaire ou d’énergies fossiles, à condition que leurs émissions de CO2 soient captées.

Ce texte « n’existe pas »

L’agriculture n’est pas oubliée par le PPE. Le parti réclame la révision rapide de la directive sur les émissions industrielles et d’élevage, pourtant votée dans la douleur en mars 2024. Ce texte vise à réduire les pollutions des sites industriels. Il a fait l’objet d’une intense bataille de lobbying de la part des plus gros syndicat agricoles, pour éviter d’inclure les émissions d’ammoniac ou de méthane des grands élevages industriels. Les plus grandes exploitations de porcs et de volailles sont finalement couvertes par cette directive, mais les agriculteurs sont soumis à des règles allégées et les producteurs de bovins ne sont pas concernés.

Malgré ces règles très lâches, des député·es du PPE avaient, au moment du vote, déposé des amendements pour faire capoter le compromis, jugé trop exigeant pour le monde agricole. Dans sa note interne, le PPE suggère de rouvrir le dossier et de scinder la directive en deux textes distincts, l’un pour l’industrie, l’autre pour l’agriculture. Vu les orientations du PPE, une telle demande de révision « n’aurait pas pour but d’inclure les bovins ou de renforcer les normes, mais plutôt l’inverse », estime Faustine Bas-Defossez.

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Enfin, l’envie d’Ursula von der Leyen d’abaisser la protection dont bénéficient les loups est désormais bien connue. Mais cela ne suffit pas pour le PPE, qui demande de revoir à la baisse la protection des ours et « d’autres espèces ». Pour ce faire, il faudrait modifier les textes de protection de la nature, les directives « oiseaux » et « habitats », faisant craindre une offensive plus vaste contre ces textes emblématiques qui ont notamment permis de sanctuariser des zones naturelles dans l’UE sous l’appellation « Natura 2000 ».

Au sein du PPE, contacté par Mediapart, on considère ce texte comme « n’ayant aucune importance ». « C’est un brouillon de brouillon qui est à l’état de discussion. Il ne représente pas la position du PPE, donc il n’existe pas », nous dit-on. Au Parlement, beaucoup considèrent qu’il existe bel et bien. Ils y voient un énième signe d’une vaste offensive à venir contre le Pacte vert.

Cédric Vallet

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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