« Il n’y a que les rédactions parisiennes qui pensent que j’ai disparu ! » (F. Ruffin)
et une curieuse mauvaise critique du « Monde » pour son dernier film « Au boulot! » ( c’est mon opinion Dr Scheffer)
Info Libé
Ruffin mieux placé que Mélenchon pour la présidentielle 2027 : le discret sondage qui confirme les ambitions de l’insoumis
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L’équipe du député de la Somme a fait réaliser une enquête d’opinion dans laquelle il apparaît plus fort que Mélenchon si la gauche s’unit pour 2027, faisant jeu égal avec Le Pen au second tour. Un petit caillou de plus sur la voie d’une candidature.
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publié le 21 avril 2024 à 7h14
(mis à jour le 21 avril 2024 à 12h47)
Les proches de François Ruffin admettent avoir été eux-mêmes «un peu surpris». Picardie debout, le mouvement du député de la Somme, qui ne cache plus se préparer pour la présidentielle de 2027, a commandé un sondage qui le teste dans l’hypothèse d’une candidature unique à gauche (sauf NPA). Selon l’étude (1) de l’institut Cluster 17, que nous avons pu consulter, François Ruffin, passerait la barre du premier tour avec 29 % des voix, 1 point derrière Marine Le Pen et 4 devant Edouard Philippe, testé comme candidat de la majorité. Au second tour, il ferait jeu égal avec l’extrême droite, à 50 % chacun. Testé dans le même scénario d’union de la gauche, Jean-Luc Mélenchon n’obtient que 18% des intentions de vote, très loin derrière Le Pen (32%) et Philippe (31%), onze points en dessous de Ruffin au premier tour, laissant le second à Philippe et Le Pen. Dans l’hypothèse d’un second tour face à la candidate du Rassemblement national, le leader insoumis chute à 35 % d’intentions de vote.
«On voulait capter l’état du peuple de gauche et convaincre François que le frémissement qu’on constatait se vérifiait en intentions de vote», justifie-t-on dans son entourage. A l’arrivée, le camp du député note qu’il y a «un chemin pour être au deuxième tour, avec un candidat unique, capable de faire le plein dans la gauche radicale et d’agréger le centre gauche. Ruffin coche toutes les cases. Il vient de la gauche de la gauche et s’est positionné pour ne pas être répulsif pour le (suite abonnés…,)
François Ruffin envisage de se présenter à l’élection présidentielle : « 2027 est une carte qui est sur la table »
8 novembre 2024
La rentrée de François Ruffin est à son image : multitâche. Du cinéma, de la littérature, de la politique, aussi… Après avoir publié un livre, Itinéraire. Ma France en entier, pas à moitié (Les liens qui libèrent, 160 pages, 12 euros), qui a fait sensation en actant définitivement sa rupture avec Jean-Luc Mélenchon et La France insoumise (LFI), il a réalisé une comédie sociale documentaire, Au boulot *!, sur la déconnexion des classes supérieures. Le film est sorti en salle, mercredi 6 novembre. Huit ans après Merci patron !, François Ruffin plonge cette fois Sarah Saldmann, une avocate polémiste aimant pourfendre l’« assistanat » sur les antennes de Vincent Bolloré, dans les affres quotidiennes de smicards.
En ce moment, le député de la Somme est autant en tournée promotionnelle qu’à l’Assemblée nationale, où il siège désormais avec Les Ecologistes. Un énième film, même s’il est un « manifeste politique », selon ses propres termes, peut-il déclencher un nouveau chapitre de son itinéraire politique ? A l’heure où Edouard Philippe est déjà sorti du bois, où Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen paraissent déjà se préparer, tout le monde guette, désormais, un acte spectaculaire de celui qui apparaît, dans les enquêtes d’opinion, toujours en haut de la liste des personnalités susceptibles d’incarner la gauche à l’élection présidentielle de 2027.
Lundi 4 novembre, dans un café proche du Palais-Bourbon, le député-reporter prend une heure pour répondre à cette interrogation majuscule.Pense-t-il à 2027 ? « Oui »… Silence… C’est tout ? D’autant plus que le président de son microparti, Picardie debout !, Guillaume Ancelet, nous avait glissé, très sûr de lui : « François est conquérant. » Mais, toujours, l’intéressé rechigne à s’exposer. Il faut l’asticoter pour qu’il verbalise, enfin : « Bien sûr, c’est de l’ordre de l’évidence… 2027 est une carte qui est sur la table, dit-il, comme si son intention avait toujours été connue. Il n’y aura pas d’autre chemin qu’un chemin de liberté et d’audace pour répondre à une aspiration profonde du peuple de gauche. »
« François, c’est Van Gogh »
En réalité, François Ruffin n’a jamais envisagé aussi explicitement une candidature à la présidentielle, se contentant de poster quelques cartes postales récurrentes, mais ambiguës, à destination du microcosme et de l’opinion publique. Une absence de cap clair qui avait fini par faire douter ses proches. A Flixecourt (Somme), lors de sa première rentrée politique, le 31 août, il n’avait rien esquissé pour la suite, mais laissé un goût d’inachevé au millier de militants venus l’applaudir. A l’origine, une grande annonce était bien prévue… « Il y avait un chemin jusqu’au 9 juin au soir. Mais des éléments sont venus bousculer cette voie-là : la dissolution, l’appel au front populaire, et une élection législative compliquée face à la vague RN [Rassemblement national] », répond-il.
Souvent déroutés, quelquefois résignés, ses proches peuvent comparer ses atermoiements à ceux d’un artiste : « François, c’est Van Gogh. »Lui justifie ainsi son éclipse de la scène publique après les élections législatives, alors même qu’il a été l’initiateur de l’idée d’un front populaire qui débouchera sur le Nouveau Front populaire : « Ça ne m’a jamais dérangé d’avoir des temps de retrait médiatique. J’appelle ça faire le sous-marin. Je passe trois mois en dessous, et je remonte en portant un sujet, une proposition. »
Le député de la Somme est mû par une dynamique complexe. Tiraillé, sans cesse, entre une irrépressible envie de s’engager toujours plus loin et sa répugnance pour les stratégies politiciennes qui alimentent la mécanique rigide des partis, un passage obligé pourtant, si on veut vraiment conquérir le pouvoir. Cet été, il a rédigé son livre sur un coup de tête, dans l’urgence, après une élection législative gagnée sur le fil.
« Je me sens libéré »
Sa réapparition politique, fin août, timide mais marquée par la polémique, l’a laissé exsangue. Son ouvrage, dans lequel il accuse LFI de communautarisme électoral, a été diversement apprécié. Certains ont loué son courage de s’attaquer frontalement à Jean-Luc Mélenchon. D’autres ont tiqué sur le mauvais timing de la rupture, au cœur de la campagne des législatives, alors que l’heure était au rassemblement contre l’extrême droite.
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Un peu plus de deux mois plus tard, François Ruffin juge ces péripéties derrière lui. « Je suis bien, je suis très bien. Je me sens libéré, aligné avec moi-même », assure-t-il, pour répondre à ceux qui pointent régulièrement une fragilité personnelle supposée, l’empêchant d’aller au bout. Il a lu ces derniers articles qui en font état. « Un mélange de Gala, de Tiercé Plus et de Psychologies Magazine », écarte celui qui n’a pas une « grande affection pour le journalisme politique ».
A la veille de la sortie de son film, il dresse le portrait-robot de l’homme idéal en mesure de faire gagner la gauche en 2027. En l’occurrence, un homme qui lui ressemble, capable de provoquer la « rupture » avec les politiques menées par « la droite et la gauche de gouvernement depuis quarante ans ». Il veut « refermer la parenthèse libérale de 1983 avec le ton de la force tranquille », une formule à double détente, faisant à la fois allusion à la « force tranquille » du François Mitterrand victorieux de 1981 et prenant sciemment le contre-pied de la « stratégie du bruit et de la fureur », théorisée par Jean-Luc Mélenchon pour politiser et faire revenir au bureau de vote les abstentionnistes, en particulier des banlieues. A distance de son ancien mentor, il propose même de s’appuyer sur les propos d’Emmanuel Macron lors de la crise due au Covid-19 : « Déléguer à d’autres notre protection, notre santé, notre alimentation, est une folie. »
Prêt à « débattre avec Bruno Retailleau »
Ces dernières semaines, sa tournée avec l’équipe du film l’a revigoré. Les places en avant-première d’Au boulot ! se sont vendues comme des petits pains. A Rouen, dimanche 3 novembre, ils étaient 450 à se presser dans la salle. A Sarlat (Dordogne), il dit avoir dû refuser des centaines de personnes. Forçant sa nature, il a profité de « 30 meetings dans les salles de ciné », des « 30 villes » visitées et des 15 000 spectateurs présents aux projections pour faire avancer sa « bataille culturelle » autour du « mal travail ». « J’ai rencontré des élus locaux, des groupes militants, la presse régionale, des gens… Il n’y a que les rédactions parisiennes qui pensent que j’ai disparu ! »
Une tournée et un enthousiasme qui conjurent, espère-t-il, un risque d’évaporation définitive, depuis qu’il a quitté l’appareil « insoumis ». Parviendra-t-il à troquer son rôle éprouvé de documentariste, d’un Michael Moore à la française, pour le costume de candidat à la présidentielle ? A-t-il l’envie ultime et le talent organisationnel de Jean-Luc Mélenchon ? François Ruffin n’est pas inquiet. « Je ne suis pas seul. » Il a commencé à tisser un petit réseau local en Corse, dans le Gard, dans le Centre… A Dingé (Ille-et-Vilaine), une bourgade de 1 600 habitants, à 30 kilomètres de Rennes, un comité Ruffin s’est créé spontanément.
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François Ruffin s’entoure d’experts pour être pertinent sur tous les sujets, même ceux, nombreux, qu’il maîtrise mal. Sur le trafic de drogue, il travaille avec des policiers et des gendarmes. Il est prêt à « débattre avec Bruno Retailleau », le ministre de l’intérieur. Avocat et maire écologiste de Margny-sur-Matz (Oise), Baptiste de Fresse de Monval l’a rencontré aux journées écologistes de l’été 2022 et s’active, désormais, à le soutenir : « Il m’avait parlé des réseaux qu’il voulait constituer. Si cela avait été une aventure solitaire, je ne l’aurais pas suivi. »
« Tu es un très bon canasson, mais sans écurie »
La plateforme numérique de François Ruffin compterait 400 000 inscrits, selon son entourage. Mais, à cette heure, Ruffin apparaît dépourvu de soutien de poids. « Le jour où François décide de proposer quelque chose au pays, il aura beaucoup de monde, mais il faut bâtir une maison commune, prévient le député communiste du Cher Nicolas Sansu. Je lui ai dit : “Tu es un très bon canasson, mais sans écurie”. »
A ce stade, François Ruffin n’a pas créé d’appareil politique à la hauteur de ses ambitions présidentielles. « La structure, on l’a déjà, assure Guillaume Ancelet. C’est Picardie debout ! Pour l’instant, des collectifs s’organisent à destination de gens qui ne se retrouvent plus dans les partis traditionnels. C’est notre mantra : nos actions doivent être tournées vers les gens. On fait peu de réunions politiques internes, on évite l’entre-soi. Même si on est petits avec un nom régionaliste, il n’y a pas d’urgence à voir plus grand. »
En claquant la porte de LFI, le député s’est exfiltré d’une machine puissante, huilée et prospère. Quitter le mouvement de la gauche radicale ne figurait pas à son programme. Au moment des attaques du 7 octobre 2023 en Israël, il contacte Charlotte Girard, la veuve de François Delapierre, « fils spirituel » de Jean-Luc Mélenchon. « Je ne peux pas me résoudre à la victoire de Marine Le Pen en 2027 », confie François Ruffin à cette universitaire chevronnée, lui laissant entendre qu’il réfléchit à sa propre candidature, mais au sein du mouvement. « Tu risques ta peau », l’avertit-elle. Elle en sait quelque chose, elle qui a été poussée vers la sortie quatre ans plus tôt.
Echanger avec Glucksmann ? Pourquoi pas
Depuis que Jean-Luc Mélenchon prépare méthodiquement sa quatrième candidature à la présidentielle, François Ruffin était devenu encombrant. Il ne recevra donc aucun soutien de LFI. Rien, sauf de la haine. Les « insoumis » l’ont rebaptisé « le cinéaste ». « Il représente l’antimélenchonisme primaire, martèle Paul Vannier, député LFI du Val-d’Oise, qui n’ira pas voir son film. Qu’est-ce qu’il porte ? En assumant avoir mené une campagne “au faciès”, il s’est en tout cas mis à distance de la gauche. Il a par ailleurs un fonctionnement par à-coups et une attitude velléitaire qui désarçonne avant tout ses rares soutiens. » Une surenchère verbale qui traduit, peut-être, une forme de fébrilité. « J’ai fait la critique de Jean-Luc Mélenchon, dit François Ruffin. Maintenant, je suis passé à autre chose. Je fais, je construis. »
Il se dit même prêt à mettre les mains dans le cambouis de la politique politicienne. Enfin… presque. « La “popol” ne m’a jamais intéressé, mais je ferai avec. Surtout, je fais faire par des élus qui savent mieux que moi. Je dois me concentrer là où j’apporte. Animer le pays… C’est un verbe que j’aime bien… Cela veut dire réveiller les âmes. » Il ne ferme aucune porte. Participer à une primaire de la gauche ? Pourquoi pas. Echanger avec Raphaël Glucksmann, l’autre « star » de la gauche hors LFI ? Pourquoi pas, mais pas tout de suite.
Avant la sortie de son film, ses proches lui ont lancé un défi : « François. Pour que tu arrêtes de reculer… Tu annonces ta candidature si tu rassembles plus de spectateurs avec Au boulot ! qu’avec Merci patron ! [508 342 entrées]. » François Ruffin s’y est refusé : « C’est une décision trop sérieuse pour la jouer sur un pari. »Suffisamment sérieuse pour y songer sans attendre les résultats du box-office.