Tribune
Collectif https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/10/25/pour-une-assurance-complementaire-geree-par-la-securite-sociale_6359630_3232.html
Un collectif de cinq médecins dénonce, dans une tribune au « Monde », les « doublons » des frais de gestion entre Assurance-maladie et assurances privées, suggérant d’économiser de ce côté plutôt que d’augmenter le reste à charge des assurés.
Pour réduire le déficit des dépenses publiques, le gouvernement propose de donner un coup de frein aux dépenses de santé, qui représentaient, en 2022, 11,9 % du produit intérieur brut (PIB) de la France, nous plaçant en deuxième position des pays européens derrière l’Allemagne (12,6 %). Toutefois, en euros par habitant, l’Allemagne dépense en moyenne 20 % de plus que la France (4 343 euros versus 3 475 euros).
La France est, en revanche, en tête des pays européens en matière de frais de gestion des financeurs des soins de santé : 6 % des dépenses de santé, contre 5 % en Allemagne et 3 % pour la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (« Lutter contre le gaspillage dans les systèmes de santé », OCDE, 2017).
En effet, spécificité française, nous avons pour chaque soin une double gestion, par l’Assurance-maladie obligatoire, d’une part, et par les assurances privées complémentaires, d’autre part. Si bien que les complémentaires dépensent 7,7 milliards de frais de gestion alors qu’elles remboursent 13 % des soins, tandis que la Sécurité sociale dépense 7,5 milliards de frais de gestion alors qu’elle rembourse près de 80 % des soins. Autrement dit, lorsqu’un assuré verse 100 euros à une assurance complémentaire (mutualiste ou non), seuls 75 euros sont utilisés pour payer les soins contre 96 euros s’il les confie à la Sécurité sociale.
« Faire mieux avec moins »
En abaissant de 70 % à 60 % le remboursement des consultations chez le médecin ou chez la sage-femme, le gouvernement veut diminuer la dépense publique en la transférant aux assurances privées. Mais celles-ci répercuteront automatiquement la hausse sur le montant de la prime versée par leurs assurés, après une hausse de 8 % en 2024, déjà. Cette mesure purement comptable n’entraînera donc aucune économie pour la société. Elle va coûter plus cher aux assurés et provoquera un accroissement des inégalités sociales de santé dans la mesure où les moins fortunés, notamment parmi les retraités, seront amenés à dégrader le niveau de leur couverture santé.
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A l’inverse, l’intégration des mutuelles dans une « Grande Sécu » remboursant à 100 % un panier de prévention et de soins solidaire permettrait à la collectivité d’économiser 5,4 milliards d’euros par an, d’après un rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie, publié en janvier 2022 (« Quatre scénarios polaires d’évolution de l’articulation entre Sécurité sociale et assurance-maladie complémentaire »). A défaut de cette réforme structurelle majeure, la création d’une assurance complémentaire gérée par la Sécurité sociale permettrait de « faire mieux avec moins », selon le vœu du ministre du budget. En effet, la gestion de l’assurance-maladie obligatoire et d’une assurance-maladie complémentaire par un financeur unique permettrait de supprimer le doublon inutile des frais de gestion.
Les milliards économisés pourraient à la fois être ristournés aux assurés et servir à réduire le déficit de la Sécurité sociale. Gagnant, gagnant ! Cette mesure de bon sens est faisable puisqu’elle existe déjà en Alsace-Moselle, où deux millions de salariés bénéficient, pour des raisons historiques, d’un régime de santé spécial. Sa généralisation dépend seulement de la volonté politique du gouvernement et des parlementaires de supprimer la rente des assurances-maladie privées dites « complémentaires », moins égalitaires, moins solidaires et surtout moins efficientes que la Sécurité sociale.
François Bourdillon est médecin de santé publique ; Mady Denantes est médecin généraliste ; Anne Gervais est hépatologue au centre hospitalier universitaire (CHU) Bichat, à Paris ; André Grimaldi est diabétologue au CHU de la Pitié-Salpêtrière, à Paris ; Olivier Milleron est cardiologue au CHU Bichat.
Commentaire Dr Jean Scheffer:
Il n’est jamais trop tard pour bien faire ! Depuis 2017 * nous sommes un certain nombre, dont le sociologue Frédéric Pierru, l’économiste de la santé Brigitte Dormont, à avoir proposé cette solution, comme étape intermédiaire avant d’en arriver au vrai 100% santé et pas la tromperie de Macron pour l’optique, le dentaire et les prothèses auditives dénommée abusivement 100% santé.
En 2017 pour la présidentielle Didier Tabuteau (Sciences Po) et Martin Hirsch avaient publié une tribune dans le monde qui avait fait du bruit dans le milieu mutualiste, sur une assurance maladie universelle** avec « un panier de soins ».
Il faut poursuivre dans la bonne voie cher collègue André Grimaldi et défoncez vous pour proposer le « Clinicat- Assistanat pour tous » afin de résoudre à court terme tous les manques de médecins quelle que soit la spécialité et le lieu d’exercice, sans oublier l’indispensable régulation des installations (« Vision Globale -Solution globale »: https://1drv.ms/w/s!Amn0e5Q-5Qu_sAoKetf_T8OKk2Io?e=GfjeRj?e=4YzGt2).
« Une mesure de bon sens » : ces médecins relancent l’idée d’une grande Sécu
Dans une tribune publiée dans Le Monde, cinq médecins défendent la création d’une assurance complémentaire gérée par la Sécurité sociale. Alors que le Gouvernement entend relever de 10% le ticket modérateur sur les consultations médicales pour réduire la dépense publique, les auteurs de ce texte assurent que l’instauration d’une « grande Sécu » permettrait d’économiser « des milliards d’euros ».

« Faire mieux avec moins. » Reprenant les propos du ministre du Budget tenus lors de la présentation du PLFSS pour 2025, cinq médecins plaident, dans une tribune publiée dans Le Monde vendredi 25 octobre, pour la création d’une assurance complémentaire gérée par la Sécurité sociale. « La gestion de l’assurance-maladie obligatoire et d’une assurance-maladie complémentaire par un financeur unique permettrait de supprimer le doublon inutile des frais de gestion », soutiennent le Pr François Bourdillon, ancien directeur général de Santé publique France, la Dre Mady Denantes, généraliste engagée, la Dre Anne Gervais, hépatologue au CHU Bichat (AP-HP), le Pr André Grimaldi, diabétologue au CHU de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP), et le Dr Olivier Milleron, cardiologue à Bichat.
Ces derniers déplorent en effet cette « spécificité française » qui est d’avoir « pour chaque soin une double gestion, par l’Assurance maladie obligatoire, d’une part, et par les assurances privées complémentaires, d’autre part ». Ce qui entraîne un surcoût pour le système de santé : « les complémentaires dépensent 7,7 milliards de frais de gestion alors qu’elles remboursent 13% des soins, tandis que la Sécurité sociale dépense 7,5 milliards de frais de gestion alors qu’elle rembourse près de 80% des soins », exposent les auteurs de cette tribune. « Autrement dit, lorsqu’un assuré verse 100 euros à une assurance complémentaire (mutualiste ou non), seuls 75 euros sont utilisés pour payer les soins contre 96 euros s’il les confie à la Sécurité sociale. »
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Dans ce contexte, abaisser la part de remboursement de 70 à 60% des consultations chez le médecin ou la sage-femme – mesure envisagée par le Gouvernement pour réduire la dépense publique qui serait transférée aux mutuelles – serait une erreur, estiment les auteurs de la tribune. Les assurances privées « répercuteront automatiquement la hausse sur le montant de la prime versée par leurs assurés, après une hausse de 8% en 2024, déjà ». « Cette mesure purement comptable n’entraînera donc aucune économie pour la société. Elle va coûter plus cher aux assurés et provoquera un accroissement des inégalités sociales de santé dans la mesure où les moins fortunés, notamment parmi les retraités, seront amenés à dégrader le niveau de leur couverture santé », craignent les cinq médecins.
« A l’inverse, l’intégration des mutuelles dans une ‘grande Sécu’ remboursant à 100% un panier de prévention et de soins solidaire permettrait à la collectivité d’économiser 5,4 milliards d’euros par an », plaident-ils, s’appuyant sur un rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie, publié en janvier 2022. « Les milliards économisés pourraient à la fois être ristournés aux assurés et servir à réduire le déficit de la Sécurité sociale. Gagnant, gagnant ! », ajoutent les auteurs de la tribune, qui appellent à une réforme de taille. Ces derniers soulignent que le modèle est déjà mis en place en Alsace-Moselle, où « deux millions de salariés bénéficient, pour des raisons historiques, d’un régime de santé spécial ».
« Sa généralisation dépend seulement de la volonté politique du Gouvernement et des parlementaires de supprimer la rente des assurances-maladie privées dites ‘complémentaires’, moins égalitaires, moins solidaires et surtout moins efficientes que la Sécurité sociale », concluent les cinq médecins, lançant un appel clair à l’heure où débute l’examen du PLFSS à l’Assemblée nationale.
[avec Le Monde]
Auteur de l’article Louise Claereboudt Cheffe de rubrique Rencontres
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