Le grand imbroglio des heures supplémentaires à l’hôpital
Quentin Haroche| 17 Octobre 2024 https://www.jim.fr/viewarticle/grand-imbroglio-des-heures-supplémentaires-à-2024a1000j0s?ecd=wnl_all_241020_jim_jim-pro_etid6918196&uac=368069PV&impID=6918196&sso=true
Paris – Le SNPHARE dénonce l’anarchie qui semble présider à la rémunération des heures supplémentaires des médecins hospitaliers. Le syndicat demande le respect des règles et une meilleure prise en compte du travail additionnel des praticiens.
Dans un contexte de pénurie médicale (plus d’un tiers des postes de PH sont vacants), nombreux sont les hôpitaux à pousser les médecins hospitaliers à travailler au-delà du plafond des 48 heures hebdomadaire de travail. Un grand nombre de praticiens ne rechignent pas à réaliser ce temps de travail additionnel (TTA). Encore faut-il cependant que les règles soient respectées, ce qui est loin d’être le cas semble-t-il.
Le syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (SNPHARE) a en effet publié ce mardi les résultats de son enquête (menée le mois dernier auprès de 36 établissements) sur le TTA. En plus de nous rappeler que les règles entourant ce TTA sont complexes et désavantageuses pour les médecins, cette enquête nous révèle qu’elles sont également loin d’être respectées par les établissements hospitaliers.
Les hôpitaux ne décomptent (toujours pas) le temps de travail des médecins
Rappelons qu’un médecin hospitalier a le droit au décompte d’un TTA lorsqu’il a travaillé, sur 4 mois, plus de 48 heures par semaine ou plus de 10 demi-journées hebdomadaires en moyenne. Mais selon le SNPHARE, nombreux sont les établissements qui comptent sur l’absence de définition réglementaire de la demi-journée de travail ou qui ne se donnent tout simplement pas la peine de décompter le temps de travail des praticiens, afin de ne pas avoir à rémunérer les médecins pour leur travail supplémentaire. En 2022, le Conseil d’Etat avait pourtant rappelé aux hôpitaux qu’ils avaient l’obligation de mesurer fidèlement le temps de travail des internes et des médecins titulaires.
Deuxième source de difficulté, alors même que la loi dispose que le médecin doit accepter de réaliser des heures supplémentaires via un contrat spécifique et unique pour tout l’hôpital, un quart (28 %) des répondants à l’enquête du SNPHARE indiquent que les contrats varient selon les services, 36 % que certains services ne proposent pas de contrat de TTA et 16 % qu’il n’existe aucun contrat de TTA au sein de leur établissement.
En principe, un médecin qui réalise du TTA a le choix, à la fin de chaque période de 4 mois, entre être rémunéré pour ce travail supplémentaire, récupérer ce temps ultérieurement ou le verser sur un compte-épargne-temps (CET). Là encore, l’enquête du SNPHARE révèle qu’il arrive bien souvent qu’aucun choix ne soit laissé au praticien.
Du TTA souvent moins bien rémunéré que le travail de base
Enfin, la réglementation sur la rémunération du TTA ne semble pas non plus être respectée. En effet, depuis 2017, dans les établissements ayant adopté le schéma territorial de la permanence des soins, il existe normalement un niveau unique de réglementation, appelé « TTA de jour ». La « TTA de nuit », qui conduisait en pratique à une perte de 100 euros par nuit de garde (car elle ne peut pas se cumuler avec l’indemnité de sujétion), n’est donc plus applicable. Or, 20 % des répondants indiquent toujours être partiellement payés au tarif du TTA de nuit, « ce qui fait passer la rémunération supplémentaire à trois fois rien» se désole le SNPHARE.
« Il n’est plus acceptable de mépriser autant le supplément de travail réalisé par les médecins hospitaliers dans le but de maintenir l’offre de soins » plaide le SNPHARE. Le syndicat, qui appartient à l’intersyndicale Action Praticiens Hôpital (APH), demande donc que la réglementation sur le TTA soit davantage respectée par les hôpitaux, notamment s’agissant de la contractualisation et du respect du choix du mode de paiement. Elle demande également que toute mention du « TTA de nuit » soit supprimée des textes réglementaires.
Mais le syndicat va plus loin et demande que le statut des médecins hospitaliers soit aligné sur celui des fonctionnaires et des salariés du privé s’agissant des heures supplémentaires. Il demande donc que le seuil de déclenchement du décompte du TTA soit fixé dès 39 heures (et non 48 heures) et que la rémunération du TTA soit fixée par rapport au salaire du médecin, avec une majoration de 25 % entre la 40ème et la 48èmeheure et de 50 % au-delà de la 48ème heure. A l’heure actuelle, le TTA est en effet rémunéré selon un taux fixe qui, pour la plupart des PH (à partir du 4èmeéchelon) est inférieur (au taux horaire) à leur salaire de base. Difficile dans ces conditions d’inciter les médecins hospitaliers à travailler davantage.