Des chercheurs décrivent la faillite du système actuel de gestion des prises de poissons et de crustacés; ils proposent onze actions pour le réformer. 

Pour sauver l’océan, l’appel de trente scientifiques de renom à une pêche réellement durable

Alors que les populations de poissons et de crustacés se sont rapidement effondrées, des chercheurs décrivent la faillite du système actuel de gestion des prises et proposent onze actions pour le réformer. 

Par Martine Valo

Publié le 23 septembre 2024 à 21h48, modifié le 24 septembre 2024 à 08h38 https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/09/23/pour-sauver-l-ocean-l-appel-de-trente-scientifiques-de-renom-a-une-peche-reellement-durable_6330390_3244.html

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L’exploitation « durable » des ressources de l’océan, telle qu’elle est pratiquée depuis les années 1950, a failli. En quelques dizaines d’années, les populations de poissons et de crustacés se sont effondrées. La pêche a été désignée par la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), comme la cause première de déclin de la biodiversité océanique.

Depuis 2020, une trentaine de scientifiques de renom, membres d’universités et de centres de recherches de douze pays, se sont réunis lors de plusieurs ateliers à l’initiative de l’association Bloom, afin de fournir une nouvelle définition d’une réelle durabilité des pêches, c’est-à-dire à même de contribuer à nourrir les générations futures. Le résultat de leurs travaux est publié lundi 23 septembre dans la revue scientifique npj Ocean Sustainability du média Nature.

« Nous devons considérer la pêche comme un privilège et non comme un droit. La vie marine est un bien public qui devrait bénéficier à la fois à la société et à la nature et qui ne devrait pas être l’objet d’une course aux ressources motivée par des gains privés », estime l’auteur principal, Callum Roberts, professeur de conservation marine à l’université d’Exeter au Royaume-Uni.

Des principes essentiels

La publication se présente comme une feuille de route déclinée en onze actions. Avec des principes essentiels que la pêche devrait respecter : « minimiser les atteintes à l’environnement, permettre la régénération de la vie et des habitats marins et s’adapter au changement climatique », mais aussi atteindre davantage d’équité entre les différents acteurs qui vivent de la mer.

L’ampleur du déclin de la faune marine est manifeste à présent. Les spécimens de grande taille disparaissent. Et il ne suffit pas d’un moratoire sur les captures pour voir revenir une espèce prisée dont la population a chuté. Depuis 1970, par exemple, le nombre de requins et de raies a diminué de 71 % dans le monde.

Pour expliquer le fiasco d’une pêche « durable » qui n’en a en réalité que le nom, les auteurs mettent en cause la gestion des captures espèce par espèce, qui revient à considérer le milieu océanique comme un hangar en silos, et non comme un système vivant, complexe et vulnérable. Le concept dit du rendement maximum durable – qui a convaincu responsables politiques et économiques dans le monde entier, en particulier dans l’Union européenne – « repose sur une théorie simpliste et productiviste qui suppose que tant que les volumes de capture mondiaux restent en deçà d’une limite fixée, n’importe qui peut pêcher à peu près n’importe quoi, n’importe où, avec n’importe quelle méthode », estime M. Roberts.

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Or non seulement l’objectif visant à extraire la plus grande quantité de biomasse possible sans affecter le processus de renouvellement d’un stock halieutique a été défini à une époque où le changement climatique ne semblait pas d’actualité, mais il n’est en outre respecté que pour 62 % des stocks. La quasi-totalité des océans est désormais pleinement exploitée.

Pêcher moins et bien gérer les ressources

La publication énonce des recommandations qui ne sont pas toutes nouvelles, mais qui forment une fois réunies un corpus fondamental. Il s’agit de pêcher moins et de gérer les ressources plus intelligemment si l’on veut un jour retrouver l’abondance. Il faut laisser les poissons grandir, se nourrir – actuellement les anchois et autres petits pélagiques sont massivement soustraits pour l’aquaculture –, se reproduire, les espèces des grandes profondeurs ayant besoin de beaucoup de temps pour y parvenir, cesser de détruire leurs habitats et les forêts de corail où se réfugient les juvéniles.

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Il faut encore soustraire aux pêcheurs certaines zones vulnérables ou riches en biodiversité dans des aires marines protégées ; mettre fin aux chaluts qui pulvérisent les organismes vivant sur le fond, dragues, sennes démersales non sélectives ; stopper la dispersion de filets perdus, des dispositifs de concentration de poissons et autres pollutions plastiques… Limiter la taille des navires dotés de technologies de plus en plus sophistiquées. Enfin, il serait temps selon eux de mettre fin aux subventions néfastes, estimées à 20 milliards d’euros en 2018, majoritairement en faveur du secteur industriel.

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« Tout est à repenser : le calcul et le partage des quotas de pêche, la protection des juvéniles, des fonds marins et des espèces sensibles, la gouvernance des pêches, notamment la représentation des pêcheurs et des ONG, etc. », résume Didier Gascuel de l’Institut Agro de Rennes, qui a participé à l’étude.

Sur leur liste, les auteurs ont aussi inscrit le manque de transparence et d’équité dans les accords internationaux de pêche. Ils demandent le bannissement total des pratiques illégales et de l’exploitation des travailleurs. En mer, l’esclavage existe encore. Malheureusement pour l’information des consommateurs, les labels, notamment le principal, le MSC (garantissant des pratiques durables), sont loin d’intégrer tous ces éléments dans leurs certifications.

Martine Valo

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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