La difficulté du parti à rééquilibrer le rapport de force au sein de la coalition de gauche, malgré le doublement du nombre des élus socialistes à l’Assemblée nationale. 

Au Nouveau Front populaire, le Parti socialiste peine à s’imposer face à La France insoumise

Les atermoiements du PS sur la motion de destitution d’Emmanuel Macron illustrent la difficulté du parti à rééquilibrer le rapport de force au sein de la coalition de gauche, malgré le doublement du nombre des élus socialistes à l’Assemblée nationale. 

Par  et Publié le 21 septembre 2024 à 05h30, modifié le 21 septembre 2024 à 08h10 https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/09/21/au-nouveau-front-populaire-le-parti-socialiste-peine-a-s-imposer-face-a-la-france-insoumise_6326064_823448.html

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Les représentants du Nouveau Front populaire sortent d’une rencontre avec le président de la République, à l’Elysée, dans le cadre de ses consultations en vue de nommer un nouveau premier ministre, à Paris, le 23 août 2024.
Les représentants du Nouveau Front populaire sortent d’une rencontre avec le président de la République, à l’Elysée, dans le cadre de ses consultations en vue de nommer un nouveau premier ministre, à Paris, le 23 août 2024.  JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »

A gauche, on s’inquiète du gros torticolis contracté par le Parti socialiste (PS), qui a fait oui et non de la tête en même temps, ce qui peut s’avérer périlleux et douloureux. Il a dit oui, mardi 17 septembre, à La France insoumise (LFI), qui avait besoin de ses voix, au bureau de l’Assemblée nationale, pour que la spectaculaire motion de destitution du président de la République, pourtant initiée par LFI sans concertation avec ses partenaires, puisse être déclarée recevable. Même si le PS a pris soin, dans le même élan, d’annoncer qu’il dirait non lors de son éventuel examen parlementaire, le oui initial ravive l’impression tenace d’une soumission récurrente du PS à LFI, au sein du Nouveau Front populaire (NFP).

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Presque un an après l’éclatement de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), l’équation semble avoir peu changé à gauche. LFI continue de donner le tempo de la coalition, au grand dam du PS. « La politique, c’est comme le vélo, pour avancer, faut pédaler, sinon tu tombes. Nous sommes dans une situation instable, il y a donc une guerre de mouvement et nous, on a un mouvement fait pour ça », justifie le coordinateur de LFI, Manuel Bompard. Samedi 21 septembre, LFI sera en première ligne d’une nouvelle mobilisation pour la destitution d’Emmanuel Macron et contre le gouvernement Barnier, qui va rassembler « tous les battus des dernières élections, selon Manuel Bompard. La plus grande arnaque de la VRépublique ».

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A l’Assemblée nationale, le débat autour du vote du bureau sur la résolution « insoumise » était pourtant légitime. « Ce qui nous a motivés, c’est que l’examen de la recevabilité n’est pas un contrôle politique d’opportunité, mais de légalité,justifie Laurent Baumel, député socialiste d’Indre-et-Loire, proche du premier secrétaire du PS, Olivier Faure. De la même façon, on a reconnu la recevabilité de la proposition d’abrogation des retraites déposée par le Rassemblement national [RN]. Cela signifie-t-il que nous sommes inféodés au RN ? »

« Que comprennent les citoyens ? »

Mais, à l’heure où un soupçon d’hégémonie de LFI plane au-dessus de la coalition, l’ancien président de la République François Hollande, réélu député PS de la Corrèze, estime qu’il fallait éviter le « juridisme » pour privilégier la « politique »« Que comprennent les citoyens ?, s’interroge-t-il. Il fallait voter contre la recevabilité de cette procédure de destitution en considérant qu’elle était vouée à l’échec. A partir du moment où Jean-Luc Mélenchon [le leader de LFI] a demandé que les socialistes le fassent alors qu’ils avaient, dès le départ, dénoncé cette opération, il ne fallait pas céder. Et donner ainsi la main à LFI qui tente de mobiliser vainement la rue sur la destitution. »

Comme au temps de la Nupes, les opposants socialistes à Olivier Faure réclament davantage d’affirmation de soi et de prise d’autonomie du PS ; surtout depuis que le groupe a doublé ses effectifs à l’Assemblée lors des élections législatives des 30 juin et 7 juillet – passant de 31 à 66 élus –, faisant quasiment jeu égal avec LFI – 72 élus – et alors qu’il s’est renforcé politiquement depuis le retour de François Hollande.

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Mais cette séquence « destitution » est symptomatique d’un tiraillement existentiel au sein du PS, entre son refus de se fâcher avec LFI pour préserver l’unité – et pour de pures raisons électoralistes, souligneront ses contempteurs – et son envie de couper le cordon avec le radicalisme de Jean-Luc Mélenchon. « Les socialistes ont toujours la même crainte, celle d’être suspectés de trahison quand ils gouvernent, mais aussi de rompre l’union quand ils sont dans l’opposition », poursuit François Hollande. Alors, le PS fait des zigzags, pendant que l’encombrant partenaire, tout à son souci de conserver son hégémonie, malgré le rééquilibrage numérique au Palais-Bourbon, multiplie les coups d’éclat.

« Chaque fois, vous vous couchez »

Mi-août, quand LFI publie son texte dans La Tribune Dimanche, « Démettre le président plutôt que nous soumettre », personne, au sein du NFP, ne veut suivre LFI sur cette interprétation jugée très exagérée de l’article 68 de la Constitution. Tandis que le Parti communiste français (PCF) – 17 députés – et les Ecologistes – 38 – n’ont qu’une importance proportionnelle à leur nombre de représentants à l’Assemblée, le PS pèse bien plus lourd, et sa direction se montre très dubitative quant à l’initiative solitaire de LFI.

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Alors quand, mardi 17 septembre, à l’issue d’une réunion de trois heures, par 32 voix contre 28, les députés socialistes votent pour la recevabilité de la procédure de destitution, les « insoumis » jubilent. « Un fait politique majeur vient de se produire », se félicite Jean-Luc Mélenchon sur les réseaux sociaux. Au même moment, lors d’un bureau national, Hélène Geoffroy, maire de Vaulx-en-Velin (Rhône) et adversaire d’Olivier Faure, assène : « Vous restez toujours soumis à la pression de Mélenchon. Chaque fois, vous vous couchez. »

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Depuis que la demande de destitution d’Emmanuel Macron a obtenu le feu vert du bureau de l’Assemblée, Paul Vannier, député LFI du Val-d’Oise, exulte, mais très calmement : « Bien sûr que c’est une victoire. » Sur les socialistes, aussi ? Il veut laisser à distance les « éternelles batailles internes du PS qui nous ralentissent, nous affaiblissent, alors que le NFP devrait se concentrer pour dénoncer l’autoritarisme d’Emmanuel Macron. Mais s’ils font le choix de l’indécision et de l’attentisme pour préserver leurs équilibres internes, notre sujet à nous, c’est de mobiliser l’électorat populaire et les abstentionnistes dans un contexte dégagiste. Et de ne pas rester les bras ballants alors que la crise de régime s’installe ».

« Des compromis nécessaires »

Quand Jean-Luc Mélenchon prend la parole à 20 h 02 le soir du second tour des législatives, il court-circuite ses partenaires et verrouille la position du NFP : Emmanuel Macron doit appeler, à Matignon, la coalition de gauche pour appliquer « rien que le programme mais tout le programme du NFP ». Une aubaine pour le chef de l’Etat, qui n’a pas envie de laisser les rênes à la gauche, craignant qu’elle ne défasse les réformes de son gouvernement.

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« Nos adversaires ont intérêt à faire croire que le NFP est une réplique de la Nupes, car ils se servent de LFI comme d’un épouvantail », analyse le sénateur communiste de Paris Ian Brossat. Finalement, les intérêts convergent entre Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron, aucun des deux ne voulant le retour des socialistes au pouvoir. « Le PS doit s’affirmer et ne pas se déterminer par rapport aux autres, mais par rapport à ce que nous pensons, invite François Hollande. Le NFP est la première force à l’Assemblée, mais il n’est pas majoritaire. Et si nous voulons gouverner, il ne faut pas dire “tout le programme, rien que le programme”, sinon on ne peut pas nouer de compromis. » La direction du PS se défend d’être dans une posture figée : « On a très vite dit que nous avions plutôt une majorité relative. Qu’il y aurait des compromis nécessaires à rechercher, texte par texte », rappelle Laurent Baumel.

C’est, ensuite, Jean-Luc Mélenchon lui-même qui suggère un soutien sans participation de LFI au gouvernement de Lucie Castets, la candidate du NFP pour le poste de premier ministre, quand le camp présidentiel met un veto à une présence « insoumise » à Matignon. « Mais seul Jean-Luc Mélenchon pouvait le dire, précise Laurent Baumel. Il était impossible de le dire à sa place sans imaginer, de notre part, un manque de loyauté à l’égard de la coalition que nous avons formée devant les électeurs. »

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En réalité, Olivier Faure, qui n’a pas été consulté, est mal à l’aise : il craint que LFI, en restant en dehors d’un gouvernement de gauche, ne fasse pression en lançant des procès au moindre assouplissement programmatique.

« Le groupe PS se renifle encore »

Le chef de file du PS ne montre d’ailleurs pas une envie réelle de se démarquer des « insoumis ». Une fois nommé premier ministre, Michel Barnier invite toutes les formations politiques à discuter. Lors d’une réunion du groupe PS à l’Assemblée, François Hollande apprend incidemment que le PCF a accepté l’entrevue et demande : « On n’a pas été invités ? » Boris Vallaud, président du groupe, élude : « Moi, j’étais dans ma voiture. » Sans prévenir personne, Olivier Faure a décidé que le PS déclinerait : « On n’ira pas avant la déclaration de politique générale », bredouille-t-il aux députés mécontents.

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Avant même de recevoir le carton d’invitation, les « insoumis » avaient prévenu qu’ils n’iraient pas rencontrer le nouveau locataire de Matignon. L’ancien président de la République s’inquiète : « Pourquoi ne pas y aller ? L’avantage d’être reçu, c’est qu’après, on peut parler. » Les minorités socialistes voient dans la démarche une autre preuve de la volonté du premier secrétaire du PS de coller à LFI. « J’attends que le moment vienne où LFI ne dira plus ce qui est de gauche et ce qui ne l’est pas, soupire Dominique Potier, député PS de la Meurthe-et-Moselle. Et où les socialistes pourront exprimer leur singularité et leur force. »

Sur ce point, Jérôme Guedj, député socialiste de l’Essonne, est optimiste. « LFI a toujours eu cette agilité pour avoir un coup d’avance, reconnaît-il. Mais nous, à l’Assemblée, on est désormais soixante-six. Le groupe PS se renifle encore. Cela se met petit à petit en place. En attendant, fatalement, on est en réaction. Ne passons pas notre temps à commenter ce que fait LFI, mais faisons en sorte d’acquérir cette culture de l’agit-prop, mais enrichie de la nécessaire crédibilité, pour mettre en avant nos chantiers de fond. » Mais, samedi 21 septembre, le PS ne prendra pas part à la mobilisation contre Emmanuel Macron, laissant, encore une fois, LFI prendre toute la lumière.

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Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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