« En finir avec les déserts médicaux » : Lucie Castets, candidate du NFP à Matignon, pose les bases de sa politique de santé
La candidate proposée par le Nouveau Front populaire (NFP) pour Matignon a exprimé son souhait de restaurer les services publics, dont celui de la santé, lors d’un déplacement à Lille samedi 27 juillet. Dans une interview accordée à La Tribune dimanche, Lucie Castets a appelé à « en finir avec les déserts médicaux ».
Elle devait initialement se rendre à l’hôpital de Roubaix, avant que la visite de ne soit annulée suite à un refus de la mairie. Samedi 27 juillet, Lucie Castets a réalisé son premier déplacement à Lille. La prétendante à Matignon choisie par le Nouveau Front populaire (NFP) a tenu à défendre le programme de cette alliance de la gauche, notamment sur la santé.
« J’ai entendu des gens qui ont dit tout l’espoir qu’ils ont mis dans le NFP […] et maintenant, il nous faut regarder vers l’avenir, changer cet espoir en effets concrets, changer la vie des gens, […] mettre plus d’infirmiers et d’infirmières à l’hôpital, mettre un prof dans chaque classe, permettre aux gens d’avoir des jugements donnés rapidement », a-t-elle affirmé, entourée par Marine Tondelier – patronne des écologistes – et d’autres élus du NFP.
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« En finir avec les déserts médicaux »
Le lendemain, dans les colonnes de La Tribune Dimanche, la candidate de la gauche au poste de Premier ministre est revenue sur le sujet de la santé. « Je veux faire comprendre une idée majeure : ce que nous n’investissons pas aujourd’hui dans l’éducation ou la santé va nous coûter beaucoup plus cher demain », a soutenu Lucie Castets, assurant qu’il « est temps d’en finir avec les déserts médicaux ». En ce sens, la haute fonctionnaire qui souhaite « préserver les services publics », a affirmé jeudi 25 juillet, dans une interview accordée à BFMTV-RMC, vouloir augmenter les bas salaires et le point d’indice des fonctionnaires.
Lucie Castets s’est aussi exprimée sur la prévention. « Moins de soins et de prévention aujourd’hui, c’est davantage de pathologies demain, et cela sera plus onéreux pour le pays », a-t-elle indiqué le 28 juillet, à La Tribune Dimanche.
Lors de la campagne législative, le NFP avait proposé un large programme santé, « en rupture » avec la politique d’Emmanuel Macron. Celui-ci prévoyait notamment l’organisation d’une conférence de « sauvetage de l’hôpital public afin d’éviter la saturation pendant l’été », ainsi qu’une revalorisation du travail de nuit et de week-end pour les personnels hospitaliers. Le NFP entendait également mettre en place une régulation à l’installation des médecins libéraux « dans les déserts médicaux » et un « plan pluriannuel de recrutement » des professionnels du soin et du médico-social.
[avec AFP, La Tribune Dimanche et BFMTV-RMC]
Régulation de l’installation des médecins : « 10 raisons pour lesquelles c’est une mauvaise idée »
En marge d’un déplacement à Lille, fin juillet, Lucie Castets, candidate pour le Nouveau Front populaire (NFP) à Matignon, déclarait vouloir « en finir avec les déserts médicaux ».L’alliance de la gauche défend une proposition parmi d’autres pour venir à bout de ce fléau : réguler l’installation des médecins libéraux. Dans une tribune envoyée à Egora, le Dr Michaël Rochoy, généraliste à Outreau (Pas-de-Calais), a tenu à répondre à cette proposition, qu’il juge « contre-productive ».
09/08/2024 Par Dr Michaël Rochoy



« Lors de son déplacement à Lille samedi dernier, Lucie Castets (seule candidate de gauche pour Matignon) a appelé à en finir avec les déserts médicaux. Pour cela, le programme du Nouveau Front Populaire propose notamment de « réguler l’installation des médecins libéraux ».
Cette proposition comporte de nombreux inconvénients. Voici dix raisons pour lesquelles réguler l’installation des médecins libéraux est une mauvaise idée.
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1/ Il n’existe pas de zone sur-dotée
Il y a plusieurs raisons à cela. D’une part, il manque de médecins partout. D’autre part, un médecin aime tristement avoir des revenus : pour cela, il va préférer s’installer là où il est susceptible d’avoir du travail plutôt que créer un super-pôle de 30 médecins dans un village de 8 habitants (qu’on appellera ici Trifouillis-les-Oies).
2/ Il est impossible d’obliger une profession libérale à s’installer quelque part
Les seules possibilités seraient de salarier ou de fonctionnariser les médecins généralistes. Dans les deux cas, cela réduirait drastiquement le nombre de créneaux disponibles et donc l’accès aux soins.
3/ Réguler, c’est « empêcher » des médecins de s’installer dans un lieu… tant qu’il n’est pas devenu suffisamment désertique
Est-ce que cela a bien été présenté comme tel à la population ?
4/ Si on ajoute une contrainte à une profession sous pression, on en dissuade l’exercice… au lieu de persuader
Le nombre de médecins diminue et la demande de soins augmente (augmentation et vieillissement de la population, etc.). Ainsi, les médecins généralistes sont soumis à une pression croissante de la part des patients et des politiques (qui ont échoué dans la gestion de la démographie médicale pendant près d’un demi-siècle).
Dans ce contexte, imposer une nouvelle contrainte aux médecins est contre-productif : ce sera plus probablement vécu comme dissuasif (« bon, bah, je vais faire autre chose ») que persuasif (« chouette, je vais être obligé de m’installer où je n’ai pas envie ! »)
5/ Un diplôme de médecin généraliste permet de faire autre chose que s’installer à Trifouillis-les-Oies
En effet, les médecins généralistes disposent de nombreuses autres offres pour optimiser leur qualité de vie personnelle, par exemple : plateformes de télémédecine, centres de soins non programmés, médecin hospitalier, médecin de PMI, médecin scolaire, coordonnateur d’Ehpad, d’IME, médecin conseil à l’Assurance maladie, etc.
En 2022, le service médical de l’Assurance maladie des Hauts-de-France en faisait un argument : être médecin conseil permet de « concilier vie professionnelle et personnelle ».
6/ Les médecins généralistes sont déjà mieux répartis dans les départements que des professions réglementées que sont les infirmiers libéraux, kinésithérapeutes ou pharmaciens
D’après le rapport « Charges et produits 2025 » de l’Assurance Maladie, les médecins généralistes sont mieux répartis que les kinésithérapeutes et infirmiers à l’échelle départementale.
En effet, en 2022, 10% des départements comptaient moins de 60 médecins généralistes libéraux pour 100 000 habitants et 10% en comptaient plus de 104 (un rapport interdécile de 1,7). Cette même année, 10% des départements comptaient moins de 59 kinésithérapeutes et 83 infirmiers pour 100 000 habitants, et 10% en comptaient respectivement plus de 168 et plus de 247 (soit un rapport interdécile de 2,8 pour les kinésithérapeutes et 3,0 pour les infirmiers).
Lire aussi : Les médecins généralistes sont-ils mieux répartis que les infirmières et les kinés ?
7/ C’est aussi vrai à une échelle infra-départementale
Au niveau des EPCI (proches des anciens cantons), les médecins généralistes libéraux sont également mieux répartis que les infirmiers ou les pharmaciens.
Cela peut s’expliquer par une mauvaise capacité des politiciens à apprécier les flux, surtout pour des professionnels de santé s’installant pour plusieurs décennies…
8/ L’incitation a déjà échoué : si 50 000 euros n’ont pas incité à s’installer à Trifouillis-les-Oies, comment prétendre que c’est l’interdiction de s’installer à côté qui sera persuasive ?
Les médecins généralistes se sont vu proposer depuis 10 ans des incitations financières à l’installation en zone sous-dotée, avec des montants astronomiques (50 000 euros pour le contrat d’aide à l’installation par exemple, entre autres aides).
Ceux qui voulaient s’y ont été aidés, mais ça n’a pas résolu le problème : les déserts continuent d’augmenter malgré ces aides. Interdire d’exercer à Trifouillis-la-Belle-sur-Mer ne va pas inciter à s’installer spontanément à Trifouillis-les-Oies quand 50 000 euros n’ont pas réussi…
9/ Les médecins s’installent où ils ont fait leur vie, pendant leurs études
Les études de médecine sont un peu longues, entre 18 et 28 ans classiquement ; les jeunes médecins ont donc souvent commencé à « faire leur vie » près de leurs lieux de stage, qui sont majoritairement des hôpitaux dans notre système « hospitalo-centré ». Ils ont le job de leur conjoint, leur logement (avec leur crédit), leurs amis, leurs loisirs…
Ils sont aussi incités à se regrouper en maisons de santé pluridisciplinaires (MSP), au détriment de l’installation en solo souvent dévalorisée.
Lire aussi : « Futurs généralistes : osez l’installation en solo, c’est génial et je vous dis pourquoi »
La comparaison est parfois faite avec un fonctionnaire ou un enseignant, qui doit prendre un poste à plusieurs heures de chez lui, avant de revenir quelques années plus tard ; mais en médecine libérale, avoir une patientèle, la suivre avec une relation médecin-patient correcte, c’est sur un temps long… qu’il est raisonnable de commencer à l’aube de la trentaine !
10/ Certains déserts médicaux sont des déserts tout court
Lorsqu’il est question d’installation autour de 30 ans (ou plus), plusieurs questions se posent à la fois pour le travail d’un conjoint (qui peut déterminer le lieu d’installation), pour l’école et les activités périscolaires des enfants, pour des loisirs sportifs, artistiques ou culturels, les services publics…
Voilà une dizaine de raisons pour lesquelles la coercition en 2024 serait contre-productive en désertifiant des zones qui ne l’étaient pas encore totalement, tout en détournant les jeunes médecins de la médecine générale… Bien sûr, ces arguments ne seront plus valables dans 10 ans, avec une autre démographie et une autre dynamique. »
Et maintenant, quel « traitement » ?
Maintenant que nous avons vu pourquoi la régulation de l’installation serait une mauvaise idée, notre rôle en tant que médecin est de proposer un meilleur traitement à la situation. Parce que oui, tout le monde veut en finir avec les déserts médicaux — aucun parti n’a le monopole de cet objectif.
Pour répondre à la demande de soins croissante malgré une offre de soins décroissante, nous n’avons que quelques leviers à disposition : tu
- augmenter les capacités (le nombre de médecins, le nombre d’actes par médecin généraliste, le nombre d’heures travaillées, le rythme de travail…) ;
- diminuer les besoins en médecine générale pour redonner du temps médical aux médecins.
C’est ce dernier point qui devrait être activé autant que possible par tout candidat à Matignon.
La première solution pour diminuer les besoins en médecine générale est de diminuer les raisons de recourir aux soins en améliorant la qualité de l’air — dans les écoles en priorité — afin de limiter les épidémies de Covid, grippe, VRS, coqueluche, etc. dans toute la société (tout en améliorant la présence et la concentration des élèves et enseignants dans des classes mieux ventilées !) C’est un axe de réflexion indiscutable : personne en France ne soutient la « mauvaise qualité de l’air », comme personne ne soutient la mauvaise qualité de la Seine. Il faut améliorer l’eau que nous buvons et dans laquelle se baignent des gens, ainsi que l’air que nous respirons.
La deuxième solution pour diminuer les besoins en médecine générale est de diminuer les certificats absurdes listés sur certificats-absurdes.fr (site porté par le Collège de médecine générale) avec notamment : les arrêts de travail courts, les certificats d’absence pour enfant malade, les demandes abusives et illégales des assureurs (invalidité, décès, annulation voyage) et les innombrables demandes auxquelles sont confrontés les médecins généralistes.
Une troisième solution pour diminuer les besoins en médecine générale est d’améliorer la pertinence des consultations en médecine générale par un vaste programme d’éducation à la santé, l’amélioration de la santé au travail, la délégation de tâches, la préparation de consultations avec l’aide de l’intelligence artificielle par exemple, etc.
Bien sûr, ces trois premières pistes ne permettront pas d’en finir avec les déserts médicaux. Toutefois, c’est la base commune sur laquelle s’appuyer pour redonner du temps médical aux médecins, en améliorant la santé globale, pour un coût nul ou dérisoire. Bien d’autres réflexions pourraient être menées pour améliorer la santé en diminuant les besoins en médecine générale, à travers la prévention, la lutte contre les addictions, la santé au travail, etc.
Les politiques peuvent RÉELLEMENT agir sur ces problèmes. Pour certains, c’est simple et rapide : il ne s’agit que de la volonté d’un Gouvernement ou d’un groupe parlementaire.
Face au problème démographique actuel, il est temps d’arrêter d’être obnubilé par l’idée de coercition. Pour gouverner différemment, nous pouvons préconiser d’essayer cette idée disruptive : prêter une oreille aux professionnels de santé concernés ! Vous verrez, on ne dit pas que des bêtises.
Commentaire Dr Jean SCHEFFER:
Affirmer qu’il n’existe pas de zone sur dotée est sans aucune base sérieuse. Il y a partout des déserts médicaux et des territoires bien pourvus. Il ne faut pas raisonner par département mais par territoire de santé . Il est question simplement de ne pas conventionner un nouveau médecin dans un territoire déjà pourvu, les cartes montrent bien les zones pourvues.
Il n’est donc nullement question à un médecin de s’installer quelque part.
La médecine libérale n’en n’est pas une à partir du moment où elle vit grâce à des fonds publics et aujourd’hui la majorité des jeunes médecins souhaitent d’exercer sous forme de salariat.
La moins bonne répartition des infirmières/ers et kinésithérapeutes libéraux n’est que temporaire et ils ont accepté des formes de régulation de leurs installations, tout comme les pharmaciens, sages femmes…seuls généralistes et spécialistes font exception.
Dire que les mesures d’incitation ont échouées c’est au contraire aller dans le sens d’une nécessité de régulation.
« Les médecins s’installent ou ils ont fait leur vie pendant leurs études » raison de plus pour instituer un clinicat-assistanat pour tous * de deux à trois ans leur faisant connaître divers lieux nouveaux d’activité qui pourraient les attirer.
« Certains déserts médicaux sont des déserts tout court « Est-ce une raison pour priver les habitants d’accès aux soins ! La présence d’un médecin attirera au contraire d’autres professionnels et les pouvoirs publics doivent parallèlement réimplanter les structures qui ont été fermées.
Il est étonnant que dans sa tribune le généraliste ne parle pas du contre argument de l’échec de la régulation opérée en Allemagne, avancé souvent par les syndicats de médecins libéraux. Il s’agit en réalité d’une fake-news , les études ayant montré une amélioration de l’accès aux soins principalement en zone rurale.
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