Législatives : le Rassemblement National relance le débat sur l’AME
Quentin Haroche | 18 Juin 2024
Paris – A moins de deux semaines des élections législatives anticipées, chacun des trois blocs déroule son programme pour la santé. Au Rassemblement National, on s’attaque à une vieille marotte de l’extrême-droite : l’AME.
Les alliances (contre-nature diront certains) sont faites, les candidatures sont déposées, place désormais à la campagne électorale. Les trois blocs (Rassemblement National, macronistes, Nouveau Front Populaire) ont désormais deux semaines avant le premier tour, soit la campagne des législatives la plus courte de l’histoire de la Vème République, pour tenter de convaincre les millions d’électeurs français.
Après le Nouveau Front Populaire (NFP) ce jeudi (voir notre article d’hier à ce sujet), c’est au tour du Rassemblement National (RN) de présenter son programme. Dans une interview au Parisien publié ce lundi, le président du RN Jordan Bardella a présenté quels seraient ses premières mesures s’il venait à devenir, à 28 ans, le plus jeune Premier Ministre de l’histoire de la République.
A coté de l’immigration et de la sécurité, les deux préoccupations de l’extrême-droite, la santé est peu présente dans l’ébauche de programme présenté par le président du RN. Alors que pour lutter contre les déserts médicaux, le Nouveau Front Populaire propose de limiter la liberté d’installation des médecins, le parti de Marine Le Pen (qui avait voté contre une proposition en ce sens l’an dernier à l’Assemblée Nationale) préfère les mesures incitatives. Le président du RN propose ainsi d’exonérer d’impôt sur le revenu les médecins qui exerceraient en cumul emploi-retraite.
Le gouvernement actuel avait déjà exonéré certains d’entre eux de cotisations retraite en 2023, mais la mesure n’avait pas été reconduite en 2024. « Cela enverra dès l’été un signal pour renforcer l’offre de santé sur tout le territoire » commente Jordan Bardella, qui promet de prendre cette mesure dès son éventuelle arrivée au pouvoir (mais il n’est pas précisé si l’exonération ne s’appliquerait qu’aux revenus professionnels ou à la totalité des revenus !).
Remplacer l’AME par une aide médicale d’urgence, une vieille marotte de la droite
Même lorsqu’il est question de santé, l’immigration n’est jamais très loin dans le programme du RN. L’autre grande mesure sanitaire du parti d’extrême-droite consiste donc à supprimer l’aide médicale d’Etat, dispositif qui assure la gratuité des soins pour les immigrés clandestins (sous condition de revenus), pour la remplacer par une aide médicale d’urgence limité aux soins indispensables.
« Il n’y aura plus de gratuité des soins pour les gens qui viennent illégalement dans notre pays » a résumé le leader d’extrême-droite, qui rappelle que ce dispositif coûte 1 milliard d’euros par an à l’Etat.
On se souvient qu’en novembre dernier le Sénat, majoritairement à droite avait déjà, dans le cadre de l’examen de la loi immigration, voté le remplacement de l’AME par une aide médicale d’urgence. L’Assemblée Nationale avait ensuite rétabli le dispositif d’AME dans son entièreté. En parallèle, la Première Ministre de l’époque Elisabeth Borne avait commandité un rapport sur l’AME, qui avait conclu que, dans l’ensemble, le dispositif était nécessaire et équilibré.
La cheffe du gouvernement avait ensuite promis à la droite d’opérer une réforme a minima de l’AME, promesse reprise ensuite en partie par son successeur Gabriel Attal. Mais depuis, la dissolution surprise prononcée par le Président de la République Emmanuel Macron le 9 juin dernier a balayé toutes les certitudes politiques.
Les associations et syndicats du domaine de la santé appellent à faire barrage au RN
On se souvient que lorsque l’AME s’était retrouvée au cœur des débats à l’automne dernier, plusieurs organisations représentatives des médecins étaient montées au créneau pour défendre ce dispositif, à la fois pour des raisons humanistes, mais également pour des questions pratiques : ne soigner que les cas urgents pourrait en effet au final coûter plus cher que d’assurer des soins préventifs aux immigrés clandestins et favoriserait le développement d’épidémie.
En évoquant de nouveau la suppression de l’AME, le RN n’améliore donc pas la mauvaise image dont il souffre traditionnellement chez les professionnels de santé. Alors que le parti d’extrême-droite caracole en tête des sondages, plusieurs organisations professionnels et associations appellent à faire « barrage » (selon la terminologie consacrée) au RN : c’est le cas notamment de Médecins du Monde, de la Mutualité française, de France Assos santé, du syndicat de généralistes remplaçants ReAGJIR ou encore du syndicat des managers publics de santé (SMPS). Tous ou presque évoquent la défense de l’AME et des « valeurs de solidarité » inhérente à la médecine comme justificatifs pour rejeter l’extrême-droite.
Pour le reste, le programme officiel du RN pour ces élections législatives évoque la nécessité de « réduire les déserts médicaux, de soutenir l’hôpital public et de sécuriser l’approvisionnement en médicaments » sans plus de précision. Pour en savoir plus sur les intentions du RN en matière de santé, il faut donc se référer au programme présidentiel de Marine Le Pen en 2022.
La candidate proposait pêlemêle de supprimer les agences régionales de Santé (ARS), de moduler la rémunération des médecins libéraux selon le lieu d’installation, d’augmenter le nombre d’étudiants en médecine ou encore de renforcer la délégation de tâches vers les professionnels de santé non-médecins. Le RN reprendra-t-il ses propositions au moment où il semble aux portes du pouvoir ? Difficile à dire dans une campagne électorale où les rebondissements et les surprises sont légion