Pourquoi la France peine à installer le métier d’infirmier en pratique avancée pour répondre aux déserts médicaux »
Date de publication : 7 mai 2024 https://www.mediscoop.net/index.php?pageID=90f100ae8208b3faf31be43a1e7d8d0b&midn=20167&from=newsletter

Marie-Cécile Renault note en effet dans Le Figaro que « le film a mal commencé entre les médecins et les infirmiers en pratique avancée (IPA), dont le gouvernement veut pourtant faire le couple d’avenir ».
La journaliste rappelle qu’« il y a tout juste un an, la loi Rist […] enflammait les débats à l’Assemblée nationale en facilitant l’accès direct. Malgré l’hostilité des médecins, qui y voyaient une incursion dans leur pré carré, cette loi prévoyait un accès direct aux IPA […] et élargissait leurs compétences en leur permettant de prescrire certains médicaments […], ou demander certains examens ».
Marie-Cécile Renault explique que « ce nouveau métier d’infirmier « expert », titulaire d’un niveau master (bac + 5) avec 2 années d’études supplémentaires par rapport à un infirmier classique (bac + 3), visait à décharger les médecins notamment dans le suivi des patients en affection longue durée (ALD) ».
« Après passage au Sénat, la loi avait été recadrée, limitant l’accès direct aux IPA exerçant au sein d’équipes soignantes structurées, comme les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), sous le contrôle d’un médecin jouant un rôle de «chef d’orchestre» », précise la journaliste.
Daniel Guillerm, président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI), déclare cependant que « dans les territoires où il n’y plus de chef d’orchestre, il n’y a pas de concert du tout. Contraindre les IPA à travailler dans des structures comme les MSP, qui représentent à peine 20% de l’offre de soins, ne les incite pas à s’installer, car cela ne leur assure pas assez de travail pour vivre. Résultat, l’impact sur la réorganisation du système de santé va être nul ».
Marie-Cécile Renault remarque qu’« alors que l’objectif du gouvernement était d’atteindre 5000 IPA en 2024, on en compte 2329 déployées sur le territoire en février, et 1736 en formation. […] Un rapport de la Cour des comptes en juillet dernier soulignait déjà la mise en œuvre « laborieuse » de cette profession, qui fait craindre à certains médecins une forme de concurrence ».
Daniel Guillerm précise : « On n’a pourtant pas vocation à remplacer les médecins qui ont fait dix ans d’études. Mais on se heurte à un corporatisme éculé ».
La journaliste observe que « de leur côté, les médecins mettent en garde contre une dégradation de la qualité des soins ».
L’Académie de médecine souligne que « se passer du diagnostic médical doit rester une exception. Des signes, d’apparence simple ou anodine, peuvent traduire l’existence d’une maladie complexe et grave réclamant un diagnostic médical précis. Et le temps passé dans une démarche thérapeutique inadaptée peut être équivalent à un retard de mise en route d’un traitement efficace ».
Marie-Cécile Renault note que « les médecins avancent aussi des arguments économiques : si tous les actes simples sont faits par l’IPA tandis que le généraliste ne conserve que les cas longs et complexes, l’équilibre économique des cabinets est remis en cause à 26,50 euros la consultation. D’autant que la consultation chez un IPA est facturée 60 euros (la première fois) puis 50 euros pour les suivantes, dans la limite de 4 par an. Enfin, les généralistes craignent un contournement du parcours de soins ».
La journaliste note cependant que « dans ce cadre, le modèle a de nombreuses vertus, estime le Dr Christian Batchy, directeur médical de la Fondation Chantepie Mancier, un hôpital gériatrique situé à L’Isle-Adam (Val-d’Oise) ».
Le praticien observe : « J’ai toujours été convaincu qu’une IPA pouvait repérer les facteurs de fragilité chez les personnes âgées : troubles cognitifs, troubles de la marche, de l’alimentation, de l’état moral, etc. ».
« Le secret de cette réussite ? Des infirmières avec des années d’expérience derrière elles, qui travaillent en étroite collaboration avec le médecin, dans un climat de confiance réciproque », continue Marie-Cécile Renault.