Après la liberté d’installation, l’association « UFC que choisir « s’attaque à ce qui constitue selon elle une autre source de difficulté d’accès aux soins : les dépassements d’honoraires.

Publié le 13/12/2023

L’UFC-Que-Choisir s’attaque à nouveau aux dépassements d’honoraires

Paris, le mercredi 13 décembre 2023

https://www.jim.fr/medecin/pratique/recherche/e-docs/lufc_que_choisir_sattaque_a_nouveau_aux_depassements_dhonoraires_199967/document_actu_pro.phtml

– Très engagée sur la question de l’accès aux soins, l’association de défense des consommateurs demande désormais de fermer l’accès au secteur 2 aux nouveaux médecins

Trois semaines après avoir lancé une campagne visant à supprimer la liberté d’installation des médecins libéraux, dans le but, selon elle, de mettre fin à la désertification médicale, l’association de défense des consommateurs UFC-Que-Choisir continue à demander au gouvernement de revoir en profondeur les règles encadrant la médecine libérale (qui, si on suivait ses recommandations, n’aurait sans doute plus grand-chose de libérale). Après la liberté d’installation, l’association s’attaque à ce qui constitue selon elle une autre source de difficulté d’accès aux soins : les dépassements d’honoraires.

https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-aggravation-de-l-acces-aux-soins-l-ufc-que-choisir-attaque-l-etat-pour-inaction-n113418/?dl=127982

Lorsque l’association avait actualisé il y a trois semaines sa carte interactive de l’accès aux soins, elle avait déjà montré comment les dépassements d’honoraires pouvaient accentuer les effets de la désertification médicale. Ainsi par exemple, si seulement 24,8 % des femmes vivent dans un désert gynécologique, c’est-à-dire dans un territoire où l’accès à un gynécologue est inférieur de 60 % à la moyenne nationale, ce taux monte à 69,6 % des femmes si l’on ne prend en compte que les gynécologues en secteur 1 ne pratiquant pas de dépassements d’honoraires.

Impossible de faire jouer la concurrence entre médecins selon l’UFC

Dans une nouvelle étude économétrique publiée ce mercredi, UFC-Que-Choisir cherche désormais à démontrer que la multiplication des médecins en secteur 2 sur un même territoire, loin de permettre une baisse des prix via la concurrence, aurait plutôt tendance à les faire monter. « Dans la même zone d’exercice, les tarifs pratiqués par les médecins sont plutôt homogènes, ce qui suggère une imitation des pratiques tarifaires entre médecins en secteur 2 et une impossibilité de fait pour les usagers de faire jouer la concurrence entre les prix » explique l’association. « Cette homogénéité est encore plus problématique quand elle correspond à une généralisation de dépassements d’honoraires très élevés » ajoute l’association, qui relève notamment que le tarif moyen d’une consultation de gynécologie en secteur 2 à Paris est de 72 euros, contre 31,5 euros pour le tarif de la Sécurité Sociale.

Selon l’étude menée pour le compte d’UFC-Que-Choisir par l’économiste Benjamin Montmartin, rajouter des médecins en secteur 2 sur un territoire n’a aucun effet sur la baisse des prix et a plutôt tendance à renforcer l’homogénéisation des tarifs. En revanche, dès qu’un médecin en secteur 1 s’installe sur un territoire, ses confrères en secteur 2 ont tendance à baisser leurs tarifs. « En moyenne, au sein d’une commune, une hausse d’un point de la densité de gynécologues secteur 1 est corrélée à une baisse des honoraires de 32 % au sein du secteur 2 » explique l’association, qui explique que des baisses similaires de tarifs sont observés pour les pédiatres et les ophtalmologues.

Interdire l’accès au secteur 2 pour les nouveaux médecins, une solution radicale ?

Fort de ces résultats, l’UFC-Que-Choisir demande au gouvernement de prendre des mesures qui, comme celles concernant la liberté d’installation, seront sans doute considérées par certains comme radicales. L’association demande ainsi que l’accès au secteur 2 soit interdit pour les nouvelles installations, les nouveaux médecins n’ayant plus le choix qu’entre le secteur 1 et l’OPTAM, système intermédiaire qui permet des dépassements d’honoraires limités. UFC-Que-Choisir demande également « la suppression des aides publiques aux médecins ne respectant pas le tarif de la Sécurité Sociale ». 

Pour l’association, il y a urgence à agir pour freiner les dépassements d’honoraires, qui deviennent de plus en plus fréquent : 70,6 % des gynécologues, 66,2 % des ophtalmologues et 48,2 % des pédiatres étaient en secteur 2 en 2021 contre respectivement 61,5 %, 58,4 % et 38,5 % de ces spécialistes en 2016. Mais l’association de consommateurs n’est pas totalement hermétique aux complaintes des médecins et a bien conscience que si nombre d’entre eux pratiquent les dépassements d’honoraires, c’est parce que les tarifs de la Sécurité Sociale sont insuffisants. Alors que les négociations conventionnelles battent leur plein, l’association demande à la Sécurité Sociale « de se presser pour fixer un tarif acceptable pour les libéraux », notamment pour les généralistes qui ne sont que 4,3 % à être en secteur 2.

Augmenter le tarif remboursé de la consultation pour les généralistes, voilà bien le seul point sur lequel les syndicats de médecins libéraux et l’UFC-Que-Choisir seront d’accord !

Rappelons cependant ici que l’interdiction d’accès aux secteur 2 pour les spécialistes nouvellement diplômés pourrait avoir un effet négatif sur leur volonté de s’installer en libéral et donc sur la désertification médicale.

Quentin Haroche

#MaSanteNattendPlus Rendez-nous l’accès aux soins

L’UFC-Que Choisir a décidé d’attaquer l’État en justice pour inaction. Mobilisez-vous à nos côtés en signant la pétition pour soutenir notre action en justice ! Découvrez également ci-dessous une carte interactive pour vous permettre de vérifier l’accès aux soins dans votre commune.

Quelles sont les causes de cette fracture sanitaire ?

L’essor incontrôlé des dépassements d’honoraires et l’échec de l’OPTAM (Option de pratique tarifaire maîtrisée)

Les dépassements d’honoraires ont atteint 3,5 milliards d’euros en 2021, soit le montant annuel le plus élevé jamais enregistré. Plus particulièrement, entre 2016 et 2020, la part des pédiatres et ophtalmologues pratiquant des dépassements d’honoraires a augmenté respectivement de 7 points pour atteindre 46,9 % et de 6 points, pour atteindre 64,3 %. Cette situation marque l’échec de l’OPTAM (Option de pratique tarifaire maîtrisée) mis en place au 1er janvier 2017 pour juguler les dépassements. Ce dispositif, basé sur le volontariat, qui octroie des aides en échange de la fixation d’honoraires à moins du double du tarif de la Sécurité sociale, n’a donc pas permis de freiner cette inflation. Cet échec a pu contribuer pour partie à la hausse des cotisations des complémentaires santé.

https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-aggravation-de-l-acces-aux-soins-l-ufc-que-choisir-attaque-l-etat-pour-inaction-n113418/?dl=127982

Résumé de l’étude

L’UFC-Que Choisir, association agréée pour représenter les usagers en santé depuis 20071, a figuré parmi les acteurs pionniers qui ont imposé le concept de « déserts médicaux » dans le débat public à travers une étude fondatrice en 20122. Tandis que la situation a poursuivi une dégradation alarmante, l’association a actualisé ses constats en termes d’accès géographique et financier aux soins en 20163, puis en novembre 20224, et alerté sur la démographie médicale en avril 20235. L’UFC-Que Choisir est la seule organisation étudiant l’accès aux soins pour les médecins généralistes et trois types de spécialistes en accès direct6 (gynécologues, ophtalmologues et pédiatres) en fonction de leurs tarifs : tous tarifs, pas de dépassements d’honoraires, et dépassements « modérés » (jusqu’à 50%).

Alors que le problème de l’inaccessibilité des soins acquiert une ampleur de plus en plus dramatique, et que les mesures de régulation de l’installation des médecins gagnent en soutien politique sans avoir abouti pour autant, l’association dévoile à présent une cartographie actualisée : elle présente la situation en 2023, ainsi que la variation de l’accessibilité des soins entre 2021 et 2023 à méthodologie constante. Sans surprise, la désertification médicale s’accentue, du fait de la hausse des besoins (hausse démographique et vieillissement de la population) et de la vague de départs en retraite des médecins de la génération du baby-boom. Ainsi, en 2023, 23,7 % de la population rencontre des difficultés d’accès aux généralistes ; 43,5 % aux gynécologues, 45,9 % aux pédiatres, et 38,8 % aux ophtalmologues. Au tarif de la Sécurité sociale, c’est une mission quasi- impossible d’accéder à un spécialiste: cette proportion grimpe à 88,4% pour les gynécologues, 75,8 % pour les pédiatres, et 83,3 % pour les ophtalmologues.

En outre, pour décrire concrètement les difficultés d’accès aux soins, les bénévoles de l’UFC- Que Choisir ont endossé le rôle de « patients-mystère » pour sonder l’acceptation de nouveaux patients par les généralistes. Les constats sont édifiants : plus de la moitié (51,5 %) refusent les nouveaux patients en tant que médecin traitant. C’est 28 % des ophtalmologues qui refusent les rendez-vous aux nouveaux patients, et le délai moyen est de plus de deux mois (65 jours). Sans surprise, les délais d’attente sont corrélés aux honoraires des ophtalmologues (plus longs pour les praticiens n’effectuant pas de dépassements).

Tandis que les autorités ont régulé l’installation des dentistes à l’été 2023, et que le financement du système de santé dans le cadre du budget 2024 est sous haute pression, le Gouvernement s’obstine à faire l’autruche sur les questions de la régulation de l’installation de la médecine de ville et des dépassements d’honoraires, et multiplie les arguments empreints de mauvaise foi et les annonces incantatoires se réduisant à des vœux pieux.

L’UFC-Que Choisir dépose donc un recours au Conseil d’Etat, dénonçant l’inaction du Gouvernement, dans la perspective que des mesures coercitives permettant d’assurer l’égal accès aux soins des patients soient enfin (!) prises.

https://www.inc-conso.fr/content/ufc-que-choisir-association-de-consommateurs
https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-acces-aux-soins-l-ufc-que-choisir-presente-la- carte-de-l-intolerable-fracture-sanitaire-n11941/
https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-acces-aux-soins-en-france-la-fracture-s-aggrave- n21799/
https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-l-ufc-que-choisir-devoile-la-carte-de-l-intolerable- fracture-sanitaire-les-pouvoirs-publics-vont-ils-engin-agir-pour-la-resorber-n103835/
https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-acces-aux-soins-la-medecine-hospitaliere-et-de- ville-en-etat-d-urgence-vitale-n106898/
6 Remboursé par la Sécurité sociale, y compris sans adressage du médecin traitant

Conclusion : L’UFC-Que Choisir attaque l’État pour inaction

La présente étude a montré qu’une proportion alarmante des patients a difficilement accès aux consultations de praticiens libéraux, et conclut que cette situation, en dégradation rapide, doit cesser au plus vite. Tandis que les patients souffrent de plus en plus, la politique de l’autruche de l’exécutif et d’une partie des parlementaires est de plus en plus scandaleuse.

Après avoir alerté le Gouvernement à de multiples reprises et face à son inaction coupable, l’UFC-Que Choisir dépose un recours au Conseil d’État, pour défendre le droit constitutionnel à la santé, afin d’enjoindre les autorités à agir pour mettre fin aux inégalités d’accès aux soins sur le territoire.

En tout état de cause, l’UFC-Que Choisir rappelle les principales mesures à mettre en place pour mettre fin à la fracture sanitaire :

–  L’instauration d’un conventionnement territorial des médecins, ne leur permettant plus de s’installer en zones surdotées, à l’exception du secteur 1 (tarif de la Sécurité sociale) quand la situation l’exige (remplacement d’un médecin partant à la retraite ou zone très largement sous-dotée en médecins en secteur 1) ;

–  La fermeture de l’accès au secteur 2 (à honoraires libres) à l’origine du développement incontrôlé des dépassements d’honoraires. Les nouveaux médecins ne devraient avoir le choix qu’entre un secteur 1 aux honoraires sans dépassements et l’Option de pratique tarifaire maîtrisée (OPTAM), qui encadre les dépassements d’honoraires.

Diaporama illustrations de l’enquête de que choisir: le lien

https://1drv.ms/p/s!Amn0e5Q-5Qu_1i6SAuNbyaiCBKSV?e=i9FoNV

Extraits:

Dépassements d’honoraires : l’injustice sociale

Bernard Pradines, ancien gériatre, ancien anesthésiste-réanimateur

Toute analogie avec une ville connue serait un pur hasard.

Voici que vous devez subir une intervention chirurgicale pour cataracte. Il s’agit d’une maladie fréquente avec l’avancée en âge dont il est important, voire indispensable, de la corriger pour maintenir une bonne vision qui conditionne la qualité de toute la vie restante. De fait, aucune solution dite « médicale » n’existe à l’heure où ces lignes sont écrites. Aucun médicament n’a fait la preuve de son efficacité, ce qui n’est pas le cas, par exemple d’une autre pathologie oculaire moins fréquente : le glaucome. Ma génération a assisté aux progrès fulgurants de la chirurgie de l’œil. Ainsi, il est désormais possible, sauf cas très particulier, de se dispenser d’anesthésie générale pour effectuer un geste devenu banal, très efficace et sanctionné de peu de complications.

Une consultation d’anesthésie préalable à l’intervention demeure souhaitable malgré l’absence d’anesthésie générale.  Elle est l’occasion, entre autres, de faire le point sur les pathologies, d’émettre des recommandations en termes de médicaments absorbés, de maintien à jeun, de prévoir une éventuelle légère sédation, etc. Parfaitement convaincu de cette utilité, j’ai inauguré la première consultation d’anesthésie dans le centre hospitalier où j’ai exercé cette spécialité pendant quinze ans.

Voici que surgit une difficulté de taille. Souvent, un seul établissement sanitaire de soins pratique ce type d’interventions sur un territoire. La clientèle âgée est donc le plus souvent « captive » de ce lieu de soins. De plus, votre petite retraite, souvent inférieure à 900 Euros mensuels, vous permet à peine de survivre dans ce que l’on qualifie de « dignité ».

Se greffent alors les dépassements d’honoraires du chirurgien et de l’anesthésiste qui peuvent se situer pour l’anesthésiste à 70 Euros par œil, davantage pour le chirurgien. Même si votre mutuelle vient facultativement à votre secours, elle répercutera forcément ce surplus sur ses cotisations.

Où va donc ainsi notre société réputée fraternelle et solidaire ? Mes confrères devraient s’inspirer d’un certain Stephan Hessel dans son opuscule « Indignez-vous » de 2010. 

Bien à vous,

Bernard Pradines

Coordonnées et activités :

https://linktr.ee/bernard_pradines

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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