La France buissonnière : 1 euro la pharmacie, qui dit mieux ?
Chronique
Après quarante ans derrière le comptoir de son officine d’un village d’Indre-et-Loire, Sylvie espérait la vendre au moment de prendre sa retraite. Devant l’absence d’offres, même à prix bradé, elle s’est mise en quête d’un repreneur attaché à la vie rurale.
Publié le 26 novembre 2023 à 14h00 https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2023/11/26/la-france-buissonniere-1-euro-la-pharmacie-qui-dit-mieux_6202462_4497916.html
Temps de Lecture 2 min.

Qu’acheter avec 1 euro dans une pharmacie ? Deux cachets d’aspirine, trois cuillerées de sirop, tout au mieux… Aux Hermites (Indre-et-Loire), il est possible, pour le même prix, de repartir avec le fonds de commerce tout entier. Seules contraintes : être soi-même pharmacien et aimer la vie à la campagne. Telles sont les conditions exigées par la propriétaire des lieux, Sylvie Drouet, 66 ans, dont quarante-trois passés à la tête de cette officine de village. « Madame la pharmacienne » tient à ce que les 550 habitants de sa commune puissent continuer à se procurer des médicaments à proximité, et ne souhaite pas voir son remplaçant faire demi-tour au bout de six mois pour incompatibilité avec la ruralité.
Sylvie Drouet aurait évidemment préféré vendre son affaire au prix du marché. Ce sera finalement contre 1 euro symbolique, faute d’acheteur. Tout commence il y a environ quatre ans. Voyant la retraite arriver à grands pas, elle décide de placer sa pharmacie dans plusieurs agences immobilières spécialisées. L’usage voulant que le prix de vente d’une officine corresponde à 65 %-70 % de son chiffre d’affaires, le montant de 450 000 euros est fixé, dans un premier temps. Las, très peu de candidats repreneurs – deux – viendront visiter sa petite boutique de 80 mètres carrés surmontée d’une croix verte, et aucun ne donnera suite.
Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Dans les officines, les pharmaciens manquent de plus en plus à l’appelAjouter à vos sélections
Ajouter à vos sélections
Sylvie Drouet baissera son prix d’un tiers, sans succès. Ecouler du paracétamol sur les bords de la Dêmée (qui se jette dans la Dême, qui se jette dans le Loir, qui se jette dans la Loire) ne fait manifestement plus autant rêver qu’au tournant des années 1980, quand la diplômée de ool Lolo la faculté de Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine) était venue s’installer en Touraine avec son mari, Alain, préparateur en pharmacie. Le couple cherchait un cadre de vie compatible avec ses loisirs, l’équitation pour elle, le cyclisme pour lui. Succédant à une pharmacie « qui ne marchait pas bien », leur officine déménagera après quelques années dans une ancienne grange où Sylvie entreposait le foin de ses chevaux.
Désertification médicale
« Notre souhait, aujourd’hui, est de faire en sorte qu’une pharmacie puisse se maintenir au village après nous. C’est important à l’heure où tant de commerces ferment en milieu rural, et où trouver un médecin est devenu si difficile, explique-t-elle devant un lapin chasseur dégusté dans le restaurant voisin. C’est aussi pour cela que nous ne voulons pas refourguer notre officine à n’importe qui. Il faut que notre successeur ait beaucoup d’empathie et qu’il ne regarde pas de haut les agriculteurs qui ouvrent la porte avec leurs bottes pleines de boue. » D’autant que le métier n’est pas le même ici qu’en ville, insiste l’apothicaire, en pointant le phénomène de désertification médicale qui l’amène, de plus en plus souvent, à panser des plaies et des coupures, voire une blessure infligée par une tronçonneuse récalcitrante.
Relayé dans la presse locale il y a deux mois (La Nouvelle République, France Bleu), son souhait de céder sa pharmacie pour une bouchée de pain lui a valu de recevoir une petite dizaine de candidatures, dont un tiers de farfelues. Pas question pour elle de revenir sur le prix emblématique annoncé. « Je m’assois tout de même sur 300 000 euros, ce n’est pas rien, mais je ne vais pas me plaindre. Nous possédons une belle maison au village, nous en avons une autre dans le golfe du Morbihan, je fais du cheval tous les jours, et mon mari du vélo, ça va ! », relativise-t-elle. « On ne peut pas vraiment parler de sacrifice, vu que nous n’aurions jamais vendu notre affaire », abonde son époux, devenu maire, en 2020, de cette commune sans médecin mais dotée de cinq professionnels de santé (infirmières, ostéopathe, orthophoniste…), logés gracieusement dans un bâtiment municipal.
Lire aussi : Faut-il forcer les médecins à s’installer dans les déserts médicaux ? Comprendre en trois minutesAjouter à vos sélections
Ajouter à vos sélections
Venu travailler quinze jours aux Hermites, un diplômé en pharmacie de 29 ans a tapé dans l’œil du couple. Il devrait signer le compromis de vente au printemps, à son retour de Mayotte, où il est parti effectuer un remplacement. Sylvie pourra alors s’adonner à son autre dada : l’élevage de chiens de sauvetage. Alain, lui, ira courir Liège-Bastogne-Liège, en amateur.
Retrouvez toutes les chroniques « La France buissonnière » ici.
2019: 1 euro ma pharmacie, qui en veut ?
Auteur(s) : FRANÇOIS POUZAUD
Le Moniteur des pharmacies n° 3296 du 23/11/2019
ttps://www.lemoniteurdespharmacies.fr/revues/le-moniteur-des-pharmacies/article/n-3296/1-euro-ma-pharmacie-qui-en-veut.html
A 71 ans, Claude Le Poultier, installé dans la Manche, a réussi une astucieuse « tempête médiatique » autour de la vente de son officine qui ne trouvait pas de repreneur depuis plus de 5 ans. Il se dit prêt à la transmettre pour 1 € symbolique. Les choses n’ont pas traîné. Plusieurs acquéreurs ont déjà mordu à l’hameçon.
Installé depuis 42 ans à Saint-Martin-de-Landelles (Manche), un village de 1 200 habitants, Claude Le Poultier subit la dure réalité des déserts médicaux, mais aussi le sort réservé aux petites officines dont le chiffre d’affaires (500 000 €) est trop faible pour intéresser des acquéreurs. Il y a plus de 5 ans, à l’âge de la retraite, il décide de mettre en vente son entreprise individuelle à 250 000 €, soit 50 % du chiffre d’affaires (CA).
Pour compliquer sa tâche, l’environnement médical de son officine n’est pas au mieux. « Au moment de la mise en vente de l’officine, le seul médecin du village était proche de la retraite. Outre mon faible chiffre d’affaires, son âge a effrayé plus d’un acquéreur », explique-t-il. Résultat : pas une touche, pas de repreneur à l’horizon. « J’ai sollicité les cabinets de transactions mais aucun d’eux ne s’est vraiment intéressé à la vente de mon officine », ajoute-t-il. L’espoir renaît lorsqu’il y a 2 ans un médecin désormais âgé de 49 ans débarque à Saint-Martin-de-Landelles et rejoint la maison médicale de la commune, s’installant aux côtés d’un cabinet d’infirmières et d’un kiné exerçant à proximité.
Là n’est pas le seul regain d’intérêt de sa pharmacie. Dans cette commune qui a fusionné avec Saint-Hilaire-du-Harcouët et Virey, totalisant plus de 6 000 habitants, « la population est stable depuis plusieurs années », indique Claude Le Poultier. Malgré tout, la demande ne se manifeste toujours pas et le titulaire décide de brader son officine. Il y a plus de 1 an, il met sa pharmacie en vente pour un prix de 60 000 €. Sans plus de succès.
Tout faire pour éviter la fermeture !
C’est donc en désespoir de cause que ce titulaire décide de céder son officine pour 1 € symbolique. « Je m’étais fixé une date butoir, si je ne parvenais pas à trouver un repreneur d’ici fin décembre, je rendrais ma licence à l’agence régionale de santé, mais je ne voulais pas non plus abandonner ma patientèle en laissant le vide après mon départ », raconte-t-il.
Tout mais pas la fermeture. Cette stupéfiante mais légale proposition a fait mouche. « Tout a commencé par un reportage dans un journal local qui s’est ému de ma situation , glisse-t-il. Ça a été ensuite l’émeute médiatique. Très rapidement, je suis passé sur France 3 , BFM TV et j’ai été sollicité par des radios nationales : Europe 1 , RTL … »Comme par miracle, le téléphone s’est remis à sonner. « En seulement une semaine, une vingtaine de contacts se sont manifestés. Trois acquéreurs potentiels dont 2 de la région parisienne ont fait le déplacement à Saint-Martin et je les ai reçus dans mon officine. Il semble que mon initiative ait également fait des émules, 2 titulaires bretons auraient pris la même décision, faute de repreneur. »
Claude Le Poultier reprend espoir car l’exploitation est viable. Son officine, sur 100 m², a été rénovée il y a 12 ans et présente une bonne rentabilité qui peut encore être améliorée. « Je suis pharmacien de profession et commerçant par obligation, il y a donc du potentiel pour un repreneur qui souhaite développer les aspects commerciaux », lance-t-il. Selon lui, son successeur peut décemment vivre de sa pharmacie et s’octroyer facilement une rémunération mensuelle de 3 500 à 4 000 €.
Reste ce prix de vente accrocheur et provocateur de 1 €. « Si je ne peux pas faire autrement, je tiendrai parole », assure-t-il. Mais il espère que la fourchette du prix de cession se situera entre 1 € et 60 000 €. Même s’il n’attend pas vraiment après ce capital. Souhaitant conserver les murs dont il est propriétaire par le biais d’une société civile immobilière (SCI), Claude Le Poultier, qui n’a pas de gros besoins, pourra vivre décemment de sa retraite et des loyers perçus.