Publié le 27/11/2023
Covid-19 : fallait-il ou non confiner, l’éternel débat

New York, le lundi 27 novembre 2023
– Trois ans et demi après la première vague de la Covid-19 en Occident, scientifiques et politiques continuent de s’interroger sur le bien-fondé des mesures prises par nos gouvernements.
Depuis ce fameux discours historique du 16 mars 2020 dans lequel Emmanuel Macron annonçait la mise en place d’un confinement sans précédent de l’ensemble de la population et la mise à l’arrêt de tout le pays, le débat ne faiblit pas : confiner la population était-il une mesure nécessaire face au danger de la pandémie de Covid-19 ou bien la France et le monde ont-ils cédé à la panique en prenant des décisions disproportionnées ? Scientifiques et politiques débattent de cette question depuis trois ans et demi et même le recul de l’épidémie et la fin des mesures sanitaires n’ont pas totalement mis fin à la discussion.
D’un côté, les partisans du confinement mettent en avant la pression extrême que faisait peser l’augmentation du nombre des cas graves de Covid-19 sur les services de santé, qui se sont retrouvés au bord de la rupture à plusieurs reprises au cours de l’épidémie, notamment en avril 2020. De l’autre, les pourfendeurs des dispositions les plus contraignantes rappellent que certains pays comme la Suède ou le Japon, qui se sont refusés à prendre de telles mesures liberticides et se sont essentiellement appuyés sur des recommandations à la population, ont obtenu de meilleurs résultats en termes de mortalité que certains de leurs voisins.
Le confinement moins efficace que la persuasion et la crainte du virus ?
Signe que le débat est encore vivace parmi la communauté scientifique, une nouvelle étude publiée le 16 novembre dernier dans la revue Nature Human Behaviour tente de déterminer précisément quels ont été les effets sanitaires et économiques du confinement et quelle autre politique aurait pu être appliquée.
Dans cette étude, des statisticiens et épidémiologistes américains et européens ont élaboré un modèle, basé sur la situation épidémique de l’Etat de New York durant la première vague du Covid-19 au printemps 2020, au cours de laquelle environ 30 000 personnes sont mortes et les 20 millions d’habitants ont été soumis à un confinement strict avec fermeture des commerces non essentiels pendant deux mois.
Le modèle a ensuite été appliqué à une population imaginaire de 400 000 personnes, représentatives de la population new-yorkaise en termes d’âge et de niveaux socio-économiques. Les chercheurs ont lancé plusieurs simulations, en faisant varier le niveau des mesures restrictives mais également le niveau d’acceptation et de crainte du virus par la population.
Selon les signataires de l’étude, leur modèle prouve certes que le confinement et la fermeture de tous les commerces non-essentiels est efficace, puisqu’il réduit de 35 % la mortalité, mais démontrerait également qu’une politique plus libérale aurait été à la fois plus efficace et moins néfaste économiquement. Ainsi, si la population avait suffisamment craint le virus pour adapter d’elle-même son comportement sans restriction légale, hypothèse qui correspond plus ou moins à ce qui a pu se passer en Suède, la mortalité aurait baissé de 50 %. De plus, dans cette hypothèse, le chômage n’aurait augmenté que de 40 %, contre 64 % en cas de confinement strict.
En se basant sur leur modèle, ces chercheurs critiquent également le fait que les différents gouvernements occidentaux ont pu prendre des mesures tous azimuts, parfois très néfastes pour l’économie, sans se soucier de leur efficacité réelle. Les auteurs de l’étude notent ainsi que fermer des pans de l’économie dans lesquels les contacts avec le public sont limités, comme la construction, est à la fois presque sans effet sur le plan sanitaire et dévastateur pour l’emploi. L’étude insiste également sur l’importance de prendre les mesures sanitaires suffisamment tôt pour assurer leur efficacité : repousser le confinement de seulement deux semaines aurait augmenté la mortalité de 50 % tout en ne sauvant que 2 % des emplois.
Olivier Véran placé sous le statut de témoin assisté
Bien sûr, cette étude ne mettra fin pas au débat, qui risque d’intéresser les scientifiques et les historiens pendant de nombreuses années, tant le modèle mathématique utilisé est discutable. S’agissant de l’exemple suédois, rappelons que si le royaume, qui n’a jamais confiné sa population, a eu une mortalité (2,5 morts pour 1 000 habitants) plus faible que certains pays ayant confiné comme la France (2,6) ou l’Italie (3,2), elle a en revanche déploré bien plus de morts que ses voisins scandinaves comme le Danemark (1,5) ou la Norvège (1).
En France, les interrogations sur la manière dont le gouvernement a réagi face aux prémices de la pandémie de Covid-19 ont pris un tournant judiciaire. Une information judiciaire, conduite par la Cour de Justice de la République (CJR), a ainsi été ouverte en juillet 2020. L’ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn a été mise en examen en septembre 2021 pour mise en danger de la vie d’autrui et abstention de combattre un sinistre, avant d’être finalement placée sous le statut plus favorable de témoin assisté en janvier dernier, tandis que l’ancien Premier Ministre Edouard Philippe a été également placé sous le statut de témoin assisté en octobre 2022.
On a également appris ce vendredi qu’Olivier Véran, ministre de la Santé durant la majeure partie de la pandémie et actuellement porte-parole du gouvernement, avait également été placé sous le statut de témoin assisté par la justice en juin dernier.
Mais, ce n’est pas d’avoir pris des mesures de confinement peut être disproportionnées qui est reproché aux ministres, mais au contraire de n’avoir pas pris assez tôt des mesures nécessaires pour combattre l’épidémie…
Quentin Haroche