Cinq ans après la création du diplôme d’infirmier de pratique avancée (IPA), la Cour des Comptes ne peut que constater que ces objectifs ambitieux que s’était fixé le gouvernement n’ont pas été atteints.

Les médecins, premiers obstacles au déploiement des IPA selon la Cour des comptes   

Par Louise Claereboudt le 06-07-2023 

https://www.egora.fr/actus-pro/acces-aux-soins/81349-les-medecins-premiers-obstacles-au-deploiement-des-ipa-selon-la-cour?page=0%2C1

refusent trop souvent, par méconnaissance ou par crainte de concurrence, d’orienter vers eux des patients atteints de pathologies chroniques, dont l’état de santé relèverait d’un suivi par ces professionnels paramédicaux ». 

« On nous dit souvent qu’on a un BTS médecine, c’est faux ! » : les combats du chef de file des IPA

Résultat : alors que l’Etat s’était fixé une cible de 3 000 IPA formés ou en formation d’ici à 2022 et, à terme, de 6 000 à 18 000 IPA en exercice, « en 2021, seuls 581 IPA étaient diplômés et 1 366 en formation ». « Fin août 2022, seuls 131 IPA libéraux exerçaient, dont seulement 47 en activité exclusive13, 30 en maisons de santé pluriprofessionnelle et 21 en centres de santé », ajoute la Cour des comptes. « Actuellement, le modèle économique ne permet pas aux IPA libéraux de vivre de leur activité, alors même qu’ils ont consenti un effort de formation important – les études, qui s’inscrivent dans un cadre de formation continue, étant onéreuses », explique-t-elle. L’exercice salarié n’est « guère plus attrayant ». 

Feu vert à l’accès direct 

Début mai, les parlementaires ont décidé de faire évoluer la pratique avancée par les infirmières en votant un accès direct des patients aux IPA sans prescription médicale dans le cadre d’un exercice coordonné, et en accordant aux IPA un droit de première prescription dans certains cas. Mais « toutes les difficultés ne sont pas encore résolues », estime la Cour. « Il revient au ministère de définir des guides ou des référentiels précisant les missions des IPA, ou bien, sur le modèle de certains pays étrangers, de prévoir des formations complémentaires préparant les IPA au droit de prescrire en première intention », écrit l’institution. 

« Les obstacles rencontrés par les IPA reflètent les limites de la conception du système de santé français, encore trop marqué par l’exercice isolé de la médecine de ville. Cette conception doit évoluer pour que la coopération entre professionnels de santé devienne la pratique générale, alors que l’offre de soins de ville continue à se rétracter et que de nombreux patients n’ont pas de médecin traitant », appellent encore les Sages.  

https://twitter.com/Syndicat_UNIPA/status/1676625340452438017?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1676625340452438017%7Ctwgr%5Ee2c36b11a9c6c5bd380dd7a949810534d637bcb7%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.egora.fr%2Factus-pro%2Facces-aux-soins%2F81349-les-medecins-premiers-obstacles-au-deploiement-des-ipa-selon-la-cour

Parution ce jour d’un audit flash de la @Courdescomptes au sujet des IPA, pour lequel le @Syndicat_UNIPAa été auditionné : https://t.co/lFuZzqpiNP

Les freins au déploiement de la pratique avancée doivent être levés le plus rapidement possible. L’UNIPA alerte cependant sur le… pic.twitter.com/hNlZZvyQBE

— UNIPA (@Syndicat_UNIPA) July 5, 2023

[avec AFP] 

Publié le 06/07/2023

IPA : un potentiel pas assez exploité selon la Cour des Comptes

Paris, le jeudi 6 juillet 2023

Cour des

Cinq ans après la création des infirmières en pratique avancée, la Cour des Comptes tire un bilan très mitigé de ce dispositif, qui présente pourtant un grand potentiel selon les magistrats.

https://www.ccomptes.fr/fr/documents/65310

C’était il y a cinq ans presque jour pour jour. Le 18 juillet 2018, le gouvernement prenait un décret créant le diplôme d’infirmier en pratique avancée (IPA), en application de la loi du 26 janvier 2016 ayant créé la notion de « pratique avancée » pour les professions paramédicales. Comme le rappelle la Cour des Comptes dans son audit sur les IPA publié ce mercredi, « le ministère de la Santé attend beaucoup des IPA : faciliter l’accès aux soins en répartissant de manière différente la charge de travail entre ceux-ci et les médecins, améliorer la prise en charge des malades chroniques dans le contexte du vieillissement de la population et proposer aux infirmiers des perspectives de carrière meilleurs ».

Cinq ans après la création du diplôme d’IPA, la Cour des Comptes ne peut que constater que ces objectifs ambitieux que s’était fixé le gouvernement n’ont pas été atteints. Les magistrats de la Cour des comptes en veulent pour preuve le faible nombre d’IPA formés. « Le ministère s’était fixé une cible de 3 000 IPA formés ou en formation d’ici à 2022 et à terme de 6 000 à 18 000 IPA en exercice. Or, en 2021, seuls 581 IPA étaient diplômés et 1 366 en formation, seulement 131 exerçaient en ville » constate la Cour des Comptes.

Des perspectives financières peu attractives

Comment expliquer l’échec de ce dispositif sur lequel l’exécutif avait pourtant tant compté pour palier le manque de médecins et répondre à la demande grandissante de soins ? Pour la Cour des Comptes, l’intérêt des infirmiers n’est pas en cause « au regard des nombreuses demandes de leur part visant à ce que leur spécialité soit reconnue comme relevant d’un exercice avancé ». Les magistrats de la rue Cambon mettent d’abord en avant une erreur originelle, l’absence de définition légale des missions des IPA. « Les textes définissent les prérogatives propres des IPA seulement au travers d’actes techniques particuliers qu’ils sont autorisés à accomplir, ils ne mentionnent ni les missions ni les fonctions qu’ils sont appelés à assumer » peut-on lire dans le rapport.

A cela s’ajoute plusieurs freins matériels. En premier lieu, le modèle économique est peu attractif, que ce soit l’activité libérale ou l’exercice salarié en centre ou en établissement de santé. « Les perspectives financières et les postes proposés présentent un intérêt inférieur à ce qui a été annoncé initialement » résument les magistrats comptables. En second lieu, la formation présente de nombreux défauts : coût prohibitif (48 000 euros en moyenne selon la Fédération hospitalière de France), impossibilité d’avoir recours à l’apprentissage et contenu des formationss des universités trop hétérogène.

Le tacle de la Cour des Comptes aux médecins

Mais, relançant ainsi un débat épineux, la Cour des Comptes estime que le principal frein au développement des IPA reste « les réticences des médecins ». La Cour reproche aux praticiens libéraux de « refuser trop souvent d’orienter vers les IPA installés en ville les patients dont la situation relève des compétences de ces professionnels médicaux, par méconnaissance ou par crainte de concurrence », rendant la situation de ces infirmières particulièrement précaire d’un point de vue économique. Dans une accusation assez nette de corporatisme, la Cour estime que les médecins « collaborent de manière plus naturelle avec les professionnels de santé dont le champ de compétence et le modèle économique ne constituent pas une menace pour les professions médicales, particulièrement sur le plan financier ».    

Les syndicats de médecins libéraux se sont en effet particulièrement vigoureusement opposés cette année à l’adoption de la loi Rist, prévoyant l’accès direct aux IPA et leur ouvrant le droit à la primo-prescription et avaient notamment organisé plusieurs grèves et manifestations contre cette loi. Ayant clairement choisi son camp dans ce débat qui oppose médecins et paramédicaux, la Cour des Comptes se réjouit de l’adoption de cette réforme. « La loi ayant été adoptée, il convient de faire pleinement vivre le métier d’IPA malgré l’opposition persistante d’une partie des médecins » conclut la Cour des Comptes. Mais le nouvel équilibre précaire créé par la loi Rist pourrait rapidement être remis en question, le ministère de la Santé ayant lancé le chantier de la réforme de la formation et du statut des infirmiers.

Quentin Haroche

Les infirmiers en pratique avancée

COUR DES COMPTES  05.07.2023 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-infirmiers-en-pratique-avancee

En réponse aux défis posés par les difficultés d’accès aux médecins généralistes et l’augmentation des pathologies chroniques dues au vieillissement de la population, le législateur a introduit en France le concept de « pratique avancée » des professions paramédicales, issu d’un processus de réflexion, engagé au début des années 2000. Il s’agit moins d’élever le niveau de technicité des actes pratiqués par ces professionnels, que d’élargir les compétences transversales et les responsabilités des professions paramédicales au-delà du cadre légal et réglementaire actuel : réalisation de certains actes sans prescription médicale préalable, prescription d’examens biologiques, renouvellement ou adaptation de prescriptions de médicaments… L’enjeu explique les tensions qui entourent sa mise en oeuvre. La possibilité d’un exercice « en pratique avancée » a été ouvert à l’ensemble des professions médicales par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. Cependant les textes réglementaires le réservent aujourd’hui aux seuls infirmiers.

Les bénéfices importants attendus par le ministère de la santé

La notion de pratique avancée correspond à l’élargissement et à la transversalité des compétences et des responsabilités. Pour prétendre à cet exercice, en ville ou en établissement de santé, les infirmiers doivent disposer d’une ancienneté de pratique de trois ans, puis avoir suivi une formation complémentaire d’une durée de deux années de niveau master, dans l’une des cinq « mentions » retenues par le législateur : pathologies chroniques stabilisées, oncologie et hémato-oncologie, maladie rénale chronique, dialyse et transplantation rénale, psychiatrie et santé mentale, urgences. Bien qu’ouverte à l’ensemble des professions paramédicales, la pratique avancée n’est encore organisée que pour les infirmiers. Une large autonomie est conférée aux « infirmiers de pratique avancée » (IPA) dans l’exercice de leurs compétences, sous réserve qu’ils travaillent sous la coordination d’un médecin. Pour autant, les textes qui définissent les prérogatives des IPA ne mentionnent ni les missions, ni les fonctions qu’ils sont appelés à assumer et qui, pourtant, sont présentées comme la justification essentielle de ce nouveau statut. Le ministère de la santé attend beaucoup des IPA : faciliter l’accès aux soins en répartissant de manière différente la charge de travail entre les infirmiers et les médecins dont la démographie est sous tension, améliorer la prise en charge des maladies chroniques dans le contexte du vieillissement de la population et proposer aux infirmiers de nouvelles perspectives de carrière.

Des obstacles puissants

Le ministère s’était fixé une cible de 3 000 IPA formés ou en formation d’ici à 2022 et, à terme, de 6 000 à 18 000 IPA en exercice. Or, en 2021, seuls 581 IPA étaient diplômés et 1 366 en formation. Plusieurs freins s’opposent au déploiement de la pratique avancée : les réticences des médecins constituent le plus fondamental d’entre eux. Le parcours de soins de référence demeure celui de la relation première entre le patient et un médecin généraliste, garant de sa bonne orientation dans le système de santé et rémunéré à l’acte. Or, lorsque des IPA sont installés en ville, les médecins refusent trop souvent, par méconnaissance ou par crainte de concurrence,  d’orienter vers eux des patients atteints de pathologies chroniques, dont l’état de santé relèverait d’un suivi par ces professionnels paramédicaux, Actuellement, le modèle économique ne permet pas aux IPA libéraux de vivre de leur activité, alors même qu’ils ont consenti un effort de formation important – les études, qui s’inscrivent dans un cadre de formation continue, étant onéreuses. En outre, les médecins collaborent de manière plus naturelle avec des assistants médicaux, ou avec des infirmiers salariés par des associations, dont le champ de compétence et le modèle économique ne constituent pas un facteur de concurrence directe pour les professions médicales.

De récentes évolutions structurantes

Face à ces freins, le ministère a envisagé des inflexions : permettre un « accès direct » des patients aux IPA sans passer par un médecin et accorder aux IPA un droit de première prescription. Une loi récemment promulguée a tranché en faveur de ces évolutions. Toutes les difficultés ne sont pas encore résolues. Il revient au ministère de définir des guides ou des référentiels précisant les missions des IPA, ou bien, sur le modèle de certains pays étrangers, de prévoir des formations complémentaires préparant les IPA au droit de prescrire en première intention. Les obstacles rencontrés par les IPA reflètent les limites de la conception du système de santé français, encore trop marqué par l’exercice isolé de la médecine de ville. Cette conception doit évoluer pour que la coopération entre professionnels de santé devienne la pratique générale, alors que l’offre de soins de ville continue à se rétracter et que de nombreux patients n’ont pas de médecin traitant.

https://www.ccomptes.fr/fr/documents/65310

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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