L’EHPAD qui vantait l’homéopathie pour diminuer les prescriptions médicamenteuses…

Paris, le jeudi 22 juin 2023
– Le Dr Rérolle admet lui-même : « Il faudrait plus de recul et une étude plus complète ». Les limites méthodologiques de ses « travaux » expliquent sans doute que l’impact factor des revues dans lesquelles il vient de les présenter n’ait pas été calculé : Europe 1 et Le Progrès de Lyon.
Une comparaison rétrospective
Néanmoins, il y un réel effort de mise en perspective des données. Mais observons d’abord l’hypothèse du Dr Rérolle : l’utilisation de l’homéopathie auprès de personnes âgées, résidentes d’un Etablissement hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD) pourrait permettre de diminuer le recours aux traitements antidouleurs classiques (type paracétamol) et aux anxiolytiques. Dans ce cadre l’homéopathie est utilisée seule pour la prise en charge des « pathologies récurrentes aiguës » (syndromes grippaux, anxiété, entorse… énumère le praticien) et en complément des traitements habituels pour les maladies chroniques. Au total 120 patients ont été inclus et l’observation concerne l’année 2019 (même si l’expérimentation s’est prolongée au-delà). Pas de groupe contrôle contre placebo (est-ce que parce que le placebo est déjà le traitement évalué ?) mais néanmoins un point de référence : les années 2017-2018 au cours desquelles l’essai n’était pas encore mis en œuvre.
Enjeu de santé publique
Les résultats sont spectaculaires bien qu’exprimés sans les outils statistiques habituels (pas d’odds ratio, de valeur de p et autres régressions logistiques) : la diminution des prescriptions d’antibiotiques, d’anxiolytiques, d’antalgiques et d’antidépresseurs a été de 30 à 50 % en 2019 par rapport à la période de référence. Bien sûr, la fourchette est large et les détails n’ont pas été donnés dans les « publications » disponibles, sur les différences de résultats en fonction des classes de médicaments. Cependant, face à l’importance de l’enjeu de santé publique, compte tenu des méfaits de la iatrogénie chez les plus âgés, des risques des prescriptions inutiles et aussi du poids économique, on ne peut que s’intéresser à ces données.
« Gériatre homéopathe »
Dommage bien sûr qu’il manque des éléments essentiels mais que le Dr Rérolle réservera peut-être pour une autre revue (TF1 ? Lyon Capitale ?). Ainsi, on ignore qui est à l’origine des prescriptions non homéopathiques dans cet EHPAD situé à Bron. S’il s’agit du Dr Rérolle qui officie quatre jours par semaine dans l’établissement et qui a toute la confiance de sa directrice (qui l’aurait engagé après avoir tapé dans Google : « gériatre homéopathe »), on peut craindre un biais majeur. Par ailleurs, même s’il est probable que cette évolution des prescriptions confirme l’existence d’une possible tendance à des prescriptions qualifiées de façon euphémistique de non parfaitement fondées (et d’autres études ont mis en évidence l’existence de telles pratiques), il faudrait pour être tout à fait rassuré avoir des données sur l’état de santé des résidents avant et après l’intervention (au-delà du fait que dans la majeure partie des cas une infection saisonnière ou un moment d’anxiété sans contexte de dépression guérit parfaitement sans traitement !). Cependant, on peut sans doute se fier au témoignage d’une infirmière signalant combien les angoisses d’une des résidentes ont été apaisées par l’homéopathie (mais là encore l’absence de groupe contrôle pêche).
Danger pour les résidents ?
Bien sûr, la communauté scientifique est sceptique ; voire critique. « A toutes fins utiles, même si je n’ai déontologiquement pas le droit de dire ce que je pense du médecin nommément cité et qui fait sa pub dans un « journal » de grande écoute, il est toutefois possible de dire que l’homéopathie est un charlatanisme quand elle est pratiquée en remplacement des thérapeutiques actives et usuellement validées et avec des allégations d’efficacité supérieure. Par exemple, dire ou faire dire qu’on redonne de la vigueur à un patient atteint de SLA avec ce type d’approche est au mieux naïf, au pire une tromperie volontaire » commente sur Linkedin un médecin responsable d’un service d’Hospitalisation à domicile. D’autres sur Twitter ayant observé que le Dr Rérolle se proposait de soigner les infections urinaires grâce à ces pilules miracles, se demandent si un signalement à l’Agence régionale de Santé ne serait pas approprié.
Bref, on le voit, l’Évidence Base Médecine est décidément bien tatillonne.
Aurélie Haroche