Un « Netflix de la santé » qui fait polémique

Paris, le vendredi 9 juin 2023
– Le groupe de cliniques privées Ramsay propose aux patients un abonnement à la téléconsultation, une offre qui suscite l’indignation de nombreux médecins.
Consulter un médecin comme l’on regarde une série sur Netflix, c’est l’offre étonnante faite par la société Ramsay Santé, filiale européenne du géant de l’hospitalisation privée Ramsay Health Care, qui gère plus de 440 cliniques et hôpitaux privés à travers l’Europe. Sur son site internet, le groupe propose un abonnement à 11,90 euros par mois (soit moins cher qu’un abonnement Netflix Premium !) en échange de la garantie de pouvoir obtenir une téléconsultation avec un médecin 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 (dans la limite cependant de 20 appels par an).
« Une fois l’abonnement souscrit, aucun surcoût ne vous sera demandé, toute vos téléconsultations sont incluses » indique le site. « Pas de filtre ni d’intermédiaire, pas de délais d’attente, ni de RDV à planifier, vous êtes directement et immédiatement mis en relation avec le médecin ou professionnel de santé » indique le groupe Ramsay. Plus de vingt spécialités médicales différentes (gynécologue, psychiatre, pédiatre…) sont disponibles. « Ce service de téléconsultation est complémentaire de votre parcours de soins, il vous apporte immédiatement une réponse à vos questions de santé sans pour autant se substituer au suivi de votre médecin traitant » tient cependant à préciser Ramsay.
Un « coupe-file payant pour faire face à la saturation des soins »
Bien que cette offre existe depuis un an, ce n’est que ces derniers jours que cet abonnement si particulier est apparu dans le viseur de certains professionnels de santé, qui n’ont pas manqué de faire part de leur indignation sur les réseaux sociaux. Le service proposé par le groupe Ramsay est notamment accusé de créer une médecine à deux vitesses, en permettant à certains de payer pour contourner les problèmes de saturation des soins, de violer le parcours de soins et de rabaisser l’activité médicale à un simple service à consommer. « C’est de la médecine low-cost » tonne le Dr Jérôme Marty, président de l’Union française pour une médecine libre (UFML). « La médecine générale n’a tellement plus de valeur qu’elle coûte moins cher qu’un abonnement Netflix » commente pour sa part le Dr Jonathan Favre, membre du collectif « NoFakeMed ». Un dispositif scandaleux » estime quant à lui le Pr Christophe Marguet, pédiatre au CHU de Rouen.
Le collectif « Nos services publics » s’interroge lui sur le modèle économique de ce « coupe-file payant pour faire face à la saturation des soins ». Comme le rappelle le collectif, les téléconsultations ne sont prises en charge par l’Assurance Maladie que si elles respectent les conditions d’un accord de 2018 (le patient doit être préalablement connu du médecin, la téléconsultation doit s’inscrire dans le parcours de soins, le médecin ne peut pas faire plus de 20 % d’actes de télémédecine…).
Mais ces règles peuvent être contournées en cas d’urgence. Pour le collectif de défense des services publics, le groupe Ramsay ne se privera pas de qualifier chacune des téléconsultations qu’il propose via cet abonnement comme « urgente », afin de pouvoir obtenir une prise en charge par l’Assurance Maladie malgré le contournement du parcours de soins. « En rémunérant très cher des médecins prêts à faire de la sous-médecine, pour s’occuper de patients ayant les moyens de payer, Ramsay détourne des ressources médicales rares des priorités collectives de santé publique, le tout payé par nos cotisations » s’indigne le collectif, qui demande au ministère de la Santé d’intervenir pour faire interdire cette offre.
Le CNOM peu enthousiaste face à la télémédecine
Dans un communiqué paru ce jeudi, le Conseil national de l’Ordre des Médecins (CNOM) s’est également indigné de « cette initiative qui est contraire à la déontologie médicale ». « L’Ordre national des médecins estime que ces téléconsultations menacent le système de soins et remettent en cause le modèle de santé français fondé sur la solidarité et la gratuité des soins (…) Ce type d’abonnement fait de la médecine un commerce et déconsidère la profession » peut-on lire dans le communiqué.
Au-delà de la question de l’abonnement en lui-même, cette initiative très discutable du groupe Ramsay ravive le débat sur l’intérêt de la télémédecine. Alors que certains considèrent qu’elle représente l’avenir de la médecine et qu’elle peut permettre de pallier la désertification médicale, d’autres au contraire estiment qu’il s’agit d’une médecine au rabais. Dans ce débat, le CNOM a clairement choisi son camp. « La téléconsultation est un mode d’exercice dégradé, il ne permet pas l’auscultation du patient, gage de qualité du diagnostic, en cas de maladie complexe ou de polypathologies, cela peut avoir de lourdes conséquences, son déploiement ne me parait pas souhaitable » explique le Dr Jean-Marcel Mourgues, vice-président du CNOM.
Quentin Haroche
« Abonnement mensuel pour téléconsultations illimitées : l’Ordre des médecins s’élève contre la « santé Netflix » »
Date de publication : 9 juin 2023
C’est ce que titre Libération, qui observe que « l’Ordre des médecins et les syndicats refusent le service de téléconsultation sur abonnement proposé par le groupe Ramsay Santé. Ils demandent au ministère de réglementer le secteur ».
Le journal explique ainsi : « Une «offre Netflix low cost». Voilà comment Agnès Giannotti, présidente du principal syndicat de médecin généraliste français MG France, qualifie la proposition de forfait mensuel «téléconsultation» du numéro 1 des cliniques privées en France, le groupe Ramsay Santé. Le concept ? Un accès permanent à des consultations en ligne contre un abonnement de 11,90 euros par mois. Une initiative qui met les docteurs hors d’eux ».
Agnès Giannotti déclare ainsi : « Pas de suivi, pas de coordination, pas de consultation physique, c’est le pire de ce qu’on peut voir comme offre de soins ». L’Ordre des médecins réagit également et « demande au ministre de la Santé François Braun de proposer et de mettre de nouveaux outils de régulation, afin de lutter contre tout mésusage de la télémédecine ».
L’instance estime que « les formules d’abonnement à la téléconsultation médicale «remettent en cause le modèle de santé français fondé sur la solidarité et la gratuité des soins» ».
Libération note que « Ramsay Santé fait valoir que son offre – lancée publiquement depuis janvier dernier – ne vise qu’à satisfaire des besoins auxquels le système classique ne répond pas ».
François Demesmay, directeur de l’innovation médicale de Ramsay, déclare que « le parcours de soin vertueux, c’est la consultation [physique] du médecin traitant et éventuellement ensuite des spécialistes, (mais) il y a 10% des gens qui n’ont pas la chance de pouvoir bénéficier de ce parcours idéal ».
Le quotidien ajoute que « des mutuelles et organismes d’assurance complémentaire proposent déjà des services similaires à leurs clients, a rappelé Ramsay. L’abonnement mensuel proposé par Ramsay donne accès à un réseau de 250 praticiens français qui font des téléconsultations. (…) L’abonnement mensuel proposé par Ramsay ne peut être remboursé par la Sécurité sociale. Seules les éventuelles prescriptions réalisées lors des téléconsultations peuvent l’être ».
Et dans un entretien, le Dr Jean Marcel Mourgues, vice-président du Conseil national de l’Ordre, déclare que « Ramsay sort du bois au moment où le désarroi des patients comme des professionnels est à son comble, le système de santé durement éprouvé par le Covid étant à bout de souffle. Une réforme ambitieuse et globale de la santé s’impose ».
« L’offre de Ramsay tourne le dos à cette ambition : il ne s’agit pas pour le groupe d’améliorer la qualité de prise en charge du patient sur la durée, mais de répondre ponctuellement et de façon mercantile à une demande de soin ressentie ou réelle. Cela ne fera que déconsidérer un peu plus le métier de médecin. Cette offre est contraire à la déontologie médicale », poursuit-il.
Société numérique
Abonnement mensuel pour téléconsultations illimitées : l’Ordre des médecins s’élève contre la «santé Netflix»
L’Ordre des médecins et les syndicats refusent le service de téléconsultation sur abonnement proposée par le groupe Ramsay Santé. Ils demandent au ministère de réglementer le secteur.

La téléconsultation est en plein essor. (Collanges/BSIP. AFP)
par LIBERATION et AFP
publié le 8 juin 2023 à 18h41
Une «offre Netflix low cost». Voilà comment Agnès Giannotti, présidente du principal syndicat de médecin généraliste français MG France, qualifie la proposition de forfait mensuel «téléconsultation» du numéro 1 des cliniques privées en France, le groupe Ramsay Santé. Le concept ? Un accès permanent à des consultations en ligne contre un abonnement de 11,90 euros par mois.
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20 mars 2019
Une initiative qui met les docteurs hors d’eux. «Pas de suivi, pas de coordination, pas de consultation physique, c’est le pire de ce qu’on peut voir comme offre de soins», dénonce Agnès Giannotti. De son côté, l’Ordre des médecins «demande au ministre de la Santé François Braun de proposer et de mettre de nouveaux outils de régulation, afin de lutter contre tout mésusage de la télémédecine». Les formules d’abonnement à la téléconsultation médicale «remettent en cause le modèle de santé français fondé sur la solidarité et la gratuité des soins», ajoute l’Ordre, dans une déclaration ce jeudi 8 juin.
Des consultations non-remboursées par la Sécurité sociale
Les réseaux sociaux se sont enflammés ces derniers jours sur l’offre de Ramsay Santé, avec beaucoup de dénonciations d’une offre de soins «à bas prix», aux mains de grands acteurs financiers. Le collectif Nos services publics pointe par exemple «une attaque inédite contre l’égalité face aux soins».
De son côté, Ramsay Santé fait valoir que son offre – lancée publiquement depuis janvier dernier – ne vise qu’à satisfaire des besoins auxquels le système classique ne répond pas. «Le parcours de soin vertueux, c’est la consultation [physique] du médecin traitant et éventuellement ensuite des spécialistes», mais «il y a 10 % des gens qui n’ont pas la chance de pouvoir bénéficier de ce parcours idéal», défend François Demesmay, le directeur de l’innovation médicale de Ramsay.
Des mutuelles et organismes d’assurance complémentaire proposent déjà des services similaires à leurs clients, a rappelé Ramsay. L’abonnement mensuel proposé par Ramsay donne accès à un réseau de 250 praticiens français qui font des téléconsultations, constitué par le partenaire de Ramsay, Medaviz. L’abonnement mensuel proposé par Ramsay ne peut être remboursé par la Sécurité sociale. Seules les éventuelles prescriptions réalisées lors des téléconsultations peuvent l’être. Ramsay Santé, l’un des champions européens de l’hospitalisation privée, est présent en France, Suède, Norvège, Danemark et Italie, et compte 350 établissements.