Urgences : un risque de mourir 50% plus élevé après une nuit à attendre sur un brancard
Vendredi 9 juin 2023 à 7:21
Cette étude a été présentée jeudi, au Congrès des urgentistes. Les résultats, auxquels France Inter a eu accès, montrent un risque accru de mourir pour ces patients après une nuit sur un brancard.

L’hiver dernier, le syndicat Samu Urgences de France avait listé 150 « morts évitables » dans les services d’urgences français à cause de l’engorgement dans les hôpitaux. Une estimation basée uniquement sur des remontées de terrain et qui n’est donc absolument pas exhaustive. A ces chiffres, qui font déjà froid dans le dos, s’ajoute une nouvelle étude de cohorte menée en décembre dernier dans 97 services d’urgences répartis partout en France. Elle vient étayer beaucoup plus finement la surmortalité aux urgences. Selon ces chiffres présentés jeudi au Congrès des urgentistes, et que France Inter a pu consulter, le risque de mourir serait 50% plus élevé en cas d’attente après une nuit sur un brancard.
Une surmortalité plus élevée pour les personnes âgés
Près de 1600 patients de plus de 75 ans ont été suivis pendant deux jours à la mi-décembre. On était alors en pleine triple épidémie, grippe, Covid et bronchiolite, et les urgences étaient saturées partout dans le pays. Pour cette étude qui est en attente de publication dans une revue scientifique, les patients ont été séparés en deux groupes : d’un côté, 700 personnes ont passé au moins une nuit sur un brancard. Les 900 autres ont pu avoir un lit dans un service classique. Yonahan Freund, médecin urgentiste à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière et auteur principal de cette étude, présente les résultats : « la surmortalité était de 46%, donc presque 50% de surmortalité pour avoir passé une nuit sur un brancard aux urgences« .
Pire, cette surmortalité est encore plus élevée pour les personnes âgées les plus fragiles : « si on s’intéresse aux patients âgé qui ont une autonomie limitée, ces personnes meurent près de deux fois plus si elles passent la nuit sur un brancard que si elles avaient pu être dans une chambre« .
Des chiffres qui alertent une nouvelle fois sur la nécessité de désengorger au plus vite les urgences en France. Le Président de la République en a fait la promesse pour la fin 2024.
« Urgences : le risque de mourir serait 50% plus élevé en cas d’attente après une nuit sur un brancard »
Date de publication : 9 juin 2023
Nicolas Berrod relaie dans Le Parisien les conclusions d’une « étude française présentée ce jeudi au congrès annuel des urgentistes. Devoir attendre pendant toute une nuit augmenterait de près de 50% le risque de mourir chez les personnes âgées, d’après ces résultats ».
Le journaliste explique que « cette étude, en attente de validation pour publication dans une revue scientifique, a été menée pendant 2 jours mi-décembre dans 97 services d’urgences répartis un peu partout en France. On était alors en pleine «triple épidémie» Covid, grippe et infections à VRS, surchargeant les hôpitaux ».
Nicolas Berrod poursuit : « 1598 patients âgés de plus de 75 ans ont été suivis, dans deux groupes. 707 d’entre eux ont passé au moins une nuit entière sur un brancard au sein des urgences, renvoyant à la fameuse expression « no bed night ». Les 891 autres ont pu avoir un lit d’hôpital avant minuit le jour de leur arrivée. Autrement dit, ceux-ci n’ont pas patienté toute une nuit dans un contexte inconfortable (matelas dur, bruit, etc.) ».
Le journaliste retient que « le taux de mortalité est de 15,7% dans le groupe « brancard » (111 morts sur 707 patients) et de « seulement » 11,1% dans le groupe plus rapidement pris en charge (99 sur 891). Après ajustement selon les comorbidités, le degré d’autonomie, l’âge moyen ou encore le motif d’admission à l’hôpital, on retrouve un risque de décéder quasiment 50% plus élevé en cas d’attente prolongée. L’intervalle de confiance est assez large, mais le résultat reste significatif du point de vue statistique ».
Yonathan Freund, urgentiste à la Pitié-Salpêtrière (Paris) et auteur principal, explique ainsi que « pour 25 patients ayant passé une nuit sur un brancard, l’un d’eux aurait pu rester en vie s’il n’avait pas passé cette nuit dans ces conditions ».
Nicolas Berrod ajoute que « les patients ayant dû patienter aux urgences du soir au matin présentent aussi une durée d’hospitalisation plus longue (une fois qu’ils ont été pris en charge) et davantage de complications (infections, chutes, etc.) (…) Passer une nuit entière sur un brancard va vraisemblablement de pair avec une moins bonne prise en charge, aggravant l’état des malades ».
Le journaliste évoque en outre les « personnes âgées très peu autonomes (difficultés à effectuer seules les activités de la vie quotidienne, troubles cognitifs, etc.). Dans ce sous-groupe, le risque de décéder est plus que doublé en cas d’attente durant une nuit entière aux urgences ».
Il note que « comme toute étude, celle-ci comporte plusieurs limites, incitant à la prudence. Par exemple, l’état de gravité de chaque patient n’a peut-être pas été correctement rempli. Quoi qu’il en soit, elle rejoint de précédents travaux ayant, eux aussi, abouti à une mortalité accrue en cas de prise en charge tardive ».
Urgences : le risque de mourir serait 50 % plus élevé en cas d’attente après une nuit sur un brancard
L’engorgement des services d’urgences entraîne une forte surmortalité, d’après une étude française menée mi-décembre sur une cohorte d’environ 1 600 personnes âgées dans 97 services d’urgences et présentée ce jeudi au congrès des urgentistes.

Par Nicolas Berrod
Le 8 juin 2023 à 16h05
Le nombre avait beaucoup fait réagir au cœur de l’hiver : 150 patients seraient morts de façon « inattendue » aux urgences en décembre et janvier, faute d’avoir pu être pris en charge suffisamment tôt. Cette estimation du syndicat Samu Urgences de France était issue de simples remontées dans certaines régions. Une méthodologie plus que limitée mais qui témoigne d’un problème bien réel, illustré par une étude française présentée ce jeudi au congrès annuel des urgentistes. Devoir attendre pendant toute une nuit augmenterait de près de 50 % le risque de mourir chez les personnes âgées, d’après ces résultats. (Suite abonnés)