Publié le 23/05/2023
Loi Valletoux : la limitation de liberté d’installation reviendra-t-elle par la fenêtre ?

Paris, le mardi 23 mai 2023
Des députés veulent profiter de l’examen de la loi Valletoux pour mettre fin à la liberté d’installation des médecins libéraux.
Le 12 juin prochain, à l’occasion de la niche parlementaire du groupe Horizons, l’Assemblée Nationale examinera la proposition de loi de Frédéric Valletoux, ancien président de la Fédération Hospitalière de France (FHF), « visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels ». La proposition prévoit, entre autres, de rendre obligatoire pour les professionnels de santé libéraux le rattachement à une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), d’améliorer la participation des soignants à la permanence des soins et d’interdire l’intérim médical pour les soignants récemment diplômés.
Des mesures contraignantes donc, mais a priori pas de quoi susciter outre mesure l’inquiétude des syndicats de médecins libéraux. La proposition de loi, qui avait initialement été présentée en février avant d’être retirée face à la colère des praticiens, a notamment été expurgée de ses mesures les plus contraignantes. Le texte initial prévoyait en effet d’encadrer la liberté d’installation, en soumettant à autorisation des agences régionales de santé (ARS) l’installation des médecins (!).
205 députés souhaitent limiter la liberté d’installation
Eliminé du texte final, ces mesures contraignantes pourraient cependant y revenir sous forme d’amendement. En effet, un groupe de députés trans-partisans, dirigé par le député socialiste Guillaume Garot et composé de parlementaires de tout bord (à l’exception notable du Rassemblement National) planche depuis plusieurs mois sur une proposition de loi concurrente. Ce texte, qui a été signé par 205 députés, prévoit d’interdire aux médecins de s’installer dans les zones déjà suffisamment dotées en praticiens, sauf en cas de remplacement. Les députés auteurs du texte souhaitent également imposer un préavis de six mois à tout médecin souhaitant quitter une zone sous dotée en praticiens. L’objectif de ces mesures très contraignantes est évidemment de lutter contre la désertification médicale et de mieux répartir les praticiens sur le territoire.
Pour le moment, cette proposition de loi, déposée le 17 janvier dernier, n’a toujours pas été inscrite à l’ordre du jour. C’est pourquoi mercredi dernier, Guillaume Garot a indiqué à Frédéric Valletoux que les membres de son groupe profiteraient de l’examen de la loi Valletoux pour y inscrire des amendements allant dans leur sens et notamment pour y inscrire la fin de la liberté d’installation.
Vers une grève des médecins le 9 juin
Une perspective qui inquiète, elle, les syndicats de médecins. Pour l’UFML, qui a pris la tête du combat contre cette réforme, « Guillaume Garot et Frédéric Valletoux sont les deux faces d’une même médaille qui se sont entendus pour faire une loi de leurs deux propositions de lois ». Le syndicat du Dr Jérôme Marty profite de cette nouvelle attaque contre les droits des médecins libéraux pour relancer son appel à un déconventionnement collectif, affirmant que plus de 2 000 médecins se sont déjà engagés à participer à ce mouvement. « Ce combat est le plus important qu’ai jamais mené la médecine libérale » estime le syndicat.
L’association Médecins pour demain a d’ores et déjà lancé un appel à la grève, invitant les médecins à fermer leur cabinet le 9 juin prochain, pour combattre « une proposition de loi Valletoux démagogique, sans aucun regard pour les besoins réels des acteurs du soin ». La CSMF, la FMF et le SML se sont également dit préoccupés par la proposition de loi Valletoux et ses éventuels amendements et envisagent de participer à ce mouvement de grève.
Pour rassurer les médecins, notons que ces dernières semaines, François Braun, Elisabeth Borne et même Emmanuel Macron ont affiché leur soutien à la liberté d’installation, rendant donc a priori très difficile qu’une proposition de loi visant à l’abolir soit finalement adoptée.
Grégoire Griffard