L’Union européenne tarde à encadrer et limiter l’usage des pesticides.

Pesticides : l’Union européenne peine encore à encadrer leurs usages

Malgré une réglementation ambitieuse, dans les faits, l’Union européenne tarde à encadrer et limiter l’usage des pesticides, et à favoriser l’émergence d’alternatives, selon d’anciens membres de la commission Pest du Parlement européen.

Agroécologie  |  Aujourd’hui à 17h00  |  S. Fabrégat

https://www.actu-environnement.com/ae/news/evaluation-produits-phytosanitaires-autorisation-export-glyphosate-41671.php4

Pesticides : l'Union européenne peine encore à encadrer leurs usages

© BotTastic

« Il est important que les députés européens s’approprient le pouvoir qu’ils ont. (…) Le seul endroit où on arrive encore à gagner, c’est devant la justice. (…) Les lobbies ont pris un pouvoir dément », résume l’eurodéputée Michèle Rivasi, à l’occasion d’une conférence de la commission spéciale du Parlement européen sur les Pesticides (Pest). Lancée après le scandale des « Monsanto papers » et du renouvellement controversé du glyphosate, cette commission visait à faire la lumière sur les procédures d’évaluation et d’autorisation des produits phytosanitaires au sein de l’Union européenne. Après quatre ans d’existence, d’anciens membres de cette commission tiraient, ce jeudi 27 avril, le bilan de son action et des avancées dans le domaine, entourée d’experts et d’associations.

En 2019, la commission Pest a adressé 116 recommandations à la Commission européenne pour réviser la réglementation actuelle et/ou permettre une meilleure application. Mais, à ce jour, seules 15 % ont été suivies, 28 % ont été mises en œuvre partiellement ou de manière inadéquate, selon le suivi réalisé par Pesticide action network Europe (PAN Europe). Manque de transparence, revues scientifiques incomplètes, prolongement d’autorisation d’urgence… font partie de ses griefs.

Une réglementation ambitieuse qui n’atteint pas ses objectifs

Nous n’atteignons pas le niveau de protection requis 

Malgré l’adoption d’un règlement européen sur les pesticides, en 2009, visant à assurer un haut niveau de protection de la santé humaine et animale, et de l’environnement, « les objectifs ne sont pas complètement tenus. Nous n’atteignons pas le niveau de protection requis », estime Angeliki Lyssimanchou, toxicologue et représentante de PAN Europe.

La Commission européenne s’est engagée à réduire de moitié l’usage des pesticides d’ici 2030. « Ce qui est très préoccupant, c’est que, malgré la réglementation européenne, les ventes de pesticides sont restées stables ces douze dernières années », analyse Dario Picelli, expert à l’Agence européenne de l’environnement (AEE), précisant qu’il y a, par ailleurs, une méconnaissance des usages réels de ces produits. La commission Pest demande notamment que les utilisateurs consignent précisément l’utilisation qu’ils en font sur un répertoire centralisé.

Et ces molécules sont omniprésentes dans l’environnement. Selon un rapport publié hier par l’AEE, « 10 à 25 % des terrains suivis excèdent les seuils de pesticides, avec la présence de résidus multiples », notamment de produits interdits. « L’exposition aux pesticides est très diffuse en Europe. Or, nous n’avons pas de connaissances réelles sur l’impact de ces résidus sur la santé humaine », poursuit l’expert.

En effet, il y a encore peu de suivi des pesticides après leur mise sur le marché, notamment sur leur présence dans l’environnement, dans l’alimentation humaineet sur l’exposition à ces substances. Quant à la protection des riverains des zones de traitement, la réglementation européenne fixe une distance de trois mètres, même pour les établissements recevant un public vulnérable.

Les leviers pour tendre vers le zéro pesticide« Il y a un biais historique : plus on utilise de pesticides, plus ils sont efficaces. Or, c’est comme avec les antibiotiques, il peut se développer des résistances », souligne Christian Huygue, directeur scientifique de l’agriculture à l’Inrae, qui participe à un programme prioritaire de recherche sur le sujet. Selon lui, le zéro pesticide n’est pas facile, mais possible : « Il existe déjà beaucoup de leviers techniques disponibles. (…) Il faut penser plus large en combinant des options de performance et en restaurant l’environnement pour récupérer les services environnementaux ». Par exemple, créer des paysages agricoles diversifiés pour accroître la régulation et instaurer ainsi des paysages olfactifs pour diminuer les pressions des insectes. Il faut également se baser sur des innovations de rupture : l’immunité végétale et la sélection, les modifications génétiques, la microbiote végétale… Enfin, modifier profondément les consommations (plus de produits de saison, moins de produits animaux…) et fixer une « orientation politique extrêmement forte et stable ».

Faciliter l’accès au marché des alternatives

Parmi les progrès réalisés ces dernières années : l’approbation facilitée des substances à faible risque« Il y en a davantage sur le marché mais nous n’avons pas de données sur les ventes et leur utilisation », souligne Angeliki Lyssimanchou. En parallèle, une liste de 144 coformulants non acceptables a été dressée et ils ont été bannis du marché en mars 2023. Idem pour des substances toxiques. Cependant, « quand il y a une interdiction, on laisse encore le temps aux industriels d’écouler leurs stocks », déplore Michèle Rivasi.

Mais il faudrait encore accélérer les procédures d’autorisation pour les substances en biocontrôle, et notamment d’une culture à l’autre lorsque cette substance est déjà approuvée pour un usage, ce qui permettrait l’arrivée de solutions alternatives aux produits de synthèse, souligne Jennifer Lewis, directrice générale de l’association internationale des fabricants de solutions de biocontrôle (IBMA). Selon elle, 129 substances en biocontrôle devraient être soumises à autorisation d’ici 2028, dont 75 nouvelles substances actives et 54 extensions d’usages.

Évaluation : pas de principe de précaution et un manque de transparence

La commission Pest demandait également une évaluation indépendante, objective et de qualité des pesticides. Aujourd’hui encore, certaines études scientifiques sont écartées car jugées peu pertinentes, les coformulants échappent à une évaluation sérieuse, seules les principales substances actives sont évaluées. De même, l’effet cocktail des pesticides n’est pas encore pris en compte alors que, souvent, leur utilisation est conjuguée sur les cultures.

Par ailleurs, déplore la commission, il y a encore une opacité sur l’évaluation, notamment au niveau des agences nationales d’évaluation, et sur les approbations : les votes des États membres lors des comités d’expert ne sont pas publics. « Les dispositifs de prévention des conflits d’intérêts de dix agences nationales de l’UE chargées de l’autorisation de mise sur le marché́ des pesticides présentent d’importantes différences », note Denis Zmirou-Navier, président de la Commission française de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement (cnDAspe). Selon lui, la mise en œuvre d’un socle commun de règles minimales est nécessaire.

Enfin, « il y a une prolifération des extensions d’année en année de certaines autorisations sans application du principe de précaution, même quand il y a des risques pour la santé des abeilles ou humaine », regrette Angelili Lyssimanchou. Récemment, l’Efsa a prolongé d’un an l’autorisation du glyphosate, afin d’achever son évaluation, bien que des effets critiques aient été mis en lumière par plusieurs études. Au contraire, « des mesures préventives devraient être prises au moindre doute », estime Maria Noichl, eurodéputée allemande (SPD). Seul progrès : depuis 2021, les industriels sont tenus de publier les études et données sur lesquelles s’appuient leurs évaluations.

Export : des substances interdites qui reviennent dans les assiettes

Enfin, l’export des substances interdites en Europe est pointé du doigt. « Il faut interdire l’export des molécules interdites et avoir une tolérance zéro sur la présence de ces produits dans l’alimentation importée », estime Angeliki Lyssimanchou. Quatre États membres sont champions dans ce domaine : l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne et la France. Ainsi, en 2020, la Belgique aurait exporté 153 tonnes de néonicotinoïdes interdits et 892 tonnes en 2021. Des produits qui sont épandus par voie aérienne massivement au Brésil, sur les cannes à sucre, déplore Jonas Jaccard, chargé de plaidoyer pour l’ONG SOS Faim. Or, ces substances interdites se retrouvent en retour dans nos assiettes. L’Efsa en a dénombré 74 en 2018.

Mais des progrès pourraient être réalisés prochainement : la France a banni ces exportations en 2022, la Belgique et l’Allemagne devraient se prononcer prochainement sur le sujet. « Nous avons besoin d’une initiative européenne, dans le cadre de la Chemical strategy », estime Jonas Jaccard.

Sophie Fabrégat, journaliste
Cheffe de rubrique énergie / agroécologie

Agroécologie : la difficile voie vers le zéro pesticide

L’Inrae teste à grande échelle une agriculture sans pesticides et presque sans travail du sol. L’ambition : concevoir une agriculture résiliente tout en affichant des rendements qui talonnent ceux de l’agriculture conventionnelle. Un défi complexe.

Reportage vidéo  |  Agroécologie  |  10.02.2023  |  R. Pernot

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Plus de 120 hectares pour une cinquantaine de parcelles expérimentales. Autant d’hypothèses de recherche pour trouver des voies de transition vers une agriculture sans phytosanitaires. C’est l’ambition des chercheurs de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) qui expérimentent depuis 2018 de nouvelles méthodes de production agricole dans le domaine d’Époisses, situé à Bretenière dans la région de Dijon. Cette plateforme de recherche baptisée « CA-SYS », en référence au cassis, est l’acronyme anglais de « système agroécologique coconstruit ».

Plusieurs voies de recherche sont à l’essai, comme limiter le travail du sol ou mettre la faune et la flore au service des cultures pour gérer les insectes ravageurs. « On expérimente uniquement sur des grandes cultures comme le colza, la moutarde, l’orge de brasserie ou le blé. On teste aussi des associations de culture, comme le blé qu’on cultive avec la féverole pour que les espèces bénéficient l’une de l’autre pour l’azote par exemple ou pour la gestion des bio-agresseurs », précise Stéphane Cordeau, responsable de la plateforme CA-SYS.

Autre enjeu : la gestion des mauvaises herbes. Pour cela, plusieurs types de cultures intermédiaires sont expérimentés avec et sans labour. Et les chercheurs s’autorisent à utiliser de l’engrais, contrairement à ce qui est pratiqué en agriculture biologique. Mais les objectifs ambitieux de l’Inrae sont pour l’instant en dessous des espérances. « On a un potentiel de production de blé qui serait de 80 quintaux en agriculture conventionnelle. On arrive à produire avec nos systèmes 50 quintaux quand en bio le rendement serait de 40 quintaux. On est loin des objectifs qu’on avait assignés qui étaient entre 60 et 70 quintaux », regrette Stéphane Cordeau.

Par ailleurs, des agriculteurs sont associés aux recherches afin d’adapter les techniques testées à leur propre contexte agricole. Des pratiques qui devront être perfectionnées dans les prochaines années sachant que le plan Ecophyto II est censé imposer une réduction de 50 % des pesticides d’ici à 2025.

Romain Pernot, journaliste

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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